Dimanche 5 août 2007, Sydney
L’auberge des coeurs brisés
C’est peut-être parce que je suis maintenant au Great Aussie Backpacker’s depuis plusieurs semaines, et que j’apprends à connaitre les gens qui sont là depuis un moment également, que j’ai l’impression que beaucoup sont là avec leurs histoires de coeur dans les bagages.
Stefan tout d’abord. Allemand, trente deux ans. Un soir autour d’une bière, il m’expliquait qu’il voulait rester vivre en Australie, essayer d’obtenir le visa permanent.
- Tu ne veux pas retourner en Allemagne ?
- Pour quoi faire ? Je n’ai plus rien qui m’y rattache maintenant...
A la suite de son divorce, son ex-femme a demandé à ce qu’il ne voit plus ses enfants. Ça fait maintenant huit mois que Stefan n’a pas vu ses deux filles, et pour lui, il n’a donc maintenant plus aucune raison de rester en Allemagne. L’Australie : sa terre d’accueil pour un nouveau départ, une nouvelle vie.
Ensuite, c’est Scott, mon co-chambreur canadien, qui m’a parlé de ses précédents sentimentaux. A vingt et un ans, sa copine l’a plaqué après un an et demi de relation. Besoin de se changer les idées, de faire le point, et trois mois plus tard il atterrissait à Auckland, en Nouvelle Zélande. Il est maintenant en Australie pour travailler pendant un an avant de partir voyager en Europe. Pas pressé de rentrer au Canada donc, besoin de soigner son petit coeur par le voyage.
Enfin, Stefano, Italien, fin de vingtaine. Il compte rester en Australie un an environ, alternant jobs et voyage sur le territoire. Lui, je ne connais pas bien son histoire, je sais juste qu’il a laissé sa bien-aimée pour venir ici, qu’elle ne l’a pas suivi, qu’il ne sait pas si c’est toujours sa copine ou non, mais qu’elle lui manque terriblement. Il m’a demandé de lui expliquer comment fonctionne le chat sur MSN, avec une webcam, parce que le téléphone, c’est trop cher. Il l’a appelée deux fois seulement mais c’est trop cher, vraiment... Beaucoup d’émotion dans ses yeux et sa voix lorsqu’il parle d’elle...
Et moi là-dedans ? Et bien il semble qu’une fois de plus je fais l’inverse de tout le monde, décidément. Mon histoire est assez bizarre, c’est vrai...
Lorsque j’ai rencontré F., la dernière chose que je voulais c’était m’embarquer dans une relation sérieuse. C’était un an avant mon départ prévu, et un an après avoir pris la décision de partir réaliser mon rêve en janvier deux mille sept. Pour moi, à ce moment là, il était impossible de renoncer à ce projet, ça faisait déjà un an que je ne vivais que pour ça, je savais qu’il était trop tard pour renoncer, qu’auquel cas je le regretterais toute ma vie. Dès le premier soir où l’on s’est rencontré, F. savait que je quitterai l’Irlande quelques mois plus tard, il n’y a donc jamais eu d'ambiguïté. Mais voila, j’ai beau eu essayer de refuser cette relation, on ne peut pas lutter contre les sentiments. Alors on a profité de chaque instant ensemble, sachant que la fin approchait, jour après jour.
Et puis le jour du départ est arrivé. On s’était toujours dit que notre relation finirait là, qu’avec la distance, qu’aussi longtemps séparés, on ne pouvait rien construire ensemble, et que si l’on devait se retrouver un jour, et bien on se retrouverait après mon voyage. Lui, n’a jamais essayé de me retenir. Il ne pouvait pas me suivre et m’avait très joliment dit un jour :
- Je laisse l’oiseau s’envoler et j’espère que le vent me le ramènera...
Pour moi, malgré mes sentiments, il était hors de question de lui demander de m’attendre, c’était injuste. Alors je suis partie, et c’est vrai que durant les premières semaines, j’ai essayé de l’oublier, de ne pas écouter mon coeur. Sans doute parce que ça faisait trop mal. Mais au fur et à mesure des semaines, des rencontres également, je me suis rendue compte que je pouvais mentir à tout le monde, mais pas à mon coeur. J’ai repris contact réguliérement avec F. par e-mail, lui avouant combien il me manquait. Et puis un jour, sur l’Ile de Pâques, j’ai réalisé que c’était Mon Mec, celui que j’aimais et avec qui je voulais vivre, que je ne pouvais plus gâcher mon temps sans lui. J’ai éprouvé comme un sentiment d’urgence, de lui dire combien je l’aimais, d’être à ses côtés. Je lui ai téléphoné dès que j’ai pu. Et là, contre toute attente, il a refusé que je rentre à ce moment-là, me disant de continuer mon rêve jusqu’au bout, comme je l’avais prévu, que je le regretterais un jour si je rentrais maintenant pour lui, et qu’on se retrouverait après mon voyage si la Vie le voulait ainsi. Sur le coup, j’ai pris ça comme un coup de bâton sur la nuque, un rejet de l’être que j’aimais. Maintenant, je l’en remercie. Je sais qu’il avait raison de me dire de continuer mon voyage.
Depuis, on est “officiellement” à nouveau ensemble, et malgré la distance, bizarrement, plus forts et plus proches que jamais. On a trouvé un équilibre pour continuer notre relation malgré la distance. Egalement un compromis. Parce que malgré tout, on se manque terriblement à chacun, on a besoin l’un de l’autre. Alors je continue mon voyage, effectivement, je vais voyager là où j’ai prévu d’aller, mais au lieu de rentrer à Dublin fin janvier deux mille huit, je rentre mi-novembre de cette année ! De cette manière, je sais que je n’aurai aucun regret, je vivrai mon voyage comme prévu, juste travaillerai moins longtemps que prévu en Australie et rentrerai retrouver mon Homme deux mois plus tôt que dans mes plans.
On sait tous les deux que les retrouvailles ne seront pas évidentes après aussi longtemps séparés, mais je crois que si nos sentiments durent avec la distance, après sept mois, cela ne fera que renforcer notre relation une fois réunis physiquement.
Alors voilà, dans cette auberge des coeurs brisés, moi aussi j’ai mon histoire de coeur dans mon sac à dos, pas facile à gérer non plus. Mais à l’inverse des autres, mon coeur ne pleure plus et est maintenant rempli de joie à l’idée de savoir que quelque part en hémisphère Nord, l’homme que j’aime m’attend et sera la pour m’accueillir à l’aéroport de Dublin lorsque je rentrerai d’ici trois mois !
[...]
Lilie