Au Pays du Bonheur
J’avais prévu ce matin de partir à huit heures et demi pour Cafayate. Couchée à quatre heures après une veillée autour de la guitare (j’ai entre autre découvert l’existence de la Maitresse d’école de Brassens !), je n’ai pas entendu l’alarme de ma montre et quand j’ai ouvert les yeux, il était dix heures et demi. Merde ! Ça m’a fait chier, je n’avais pas envie de passer une journée de plus à Tafi, bien que joli, mais j’avais envie de continuer ma route.
Greg, le rouleur de sa bosse qui fait route avec moi depuis quelques jours, a loupé le réveil lui aussi. Sans se concerter, on décide tous les deux de prendre le bus de milieu de journée pour Amaicha, un blède qu’on nous a conseillé. Je regarde mon Lonely Planet : ça n’est pas dessus. Tout ce que j’en sais, c’est qu’il y a une cascade et que c’est un endroit plein de « buenas ondas » comme on dit ici. L’Argentin qui jouait de la gratte hier soir nous dit qu’il y va aussi. On part donc tous les trois.
La route qui nous y mène est magnifique, ça grimpe, ça lacète, des champs de cactus à perte de vue dans la vallée. Au bout d’une heure environ, le bus s’arrête. Une tripotée de mômes vêtus de blouses blanches embarquent. C’est la sortie de l’école. Une petite fille s’assied à côté de moi. C’est Veronica, huit ans, la morve au nez, les pommettes roses, le teint brun, de grandes noisettes aussi noires que ses cheveux. Elle s’est faite un tatouage de bonbon à moitié effacé sur la main gauche (elle doit être droitière je présume). Je lui dit que moi aussi j’ai un tatouage. Je lui montre, c’est un « gnomo » je lui dis. Elle me demande d’où ça vient et je lui dit qu’il vient d’une toute petite île, toute petite, très loin d’ici, où il y a plein de gnomos et que si t’arrives à en attraper un, il te porte chance pour toute ta vie. Moi, j’ai attrapé celui-là et depuis il me porte chance. Elle a à peine le temps de me montrer son cahier d’écolière qu’il faut qu’elle descende. Là, je me dis que ma journée, finalement, tourne bien.
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Lilie