TOUR DE FRANCE 2013

Donc, voilà la J21 :


JOUR 21
Le temps des « au revoir » est proche. Le petit déjeuner englouti nous prenons séparément nos véhicules pour partir louer notre Seigneur. De confession chrétienne évangélique, nous partons tous ensemble (puisqu’aujourd’hui nous somme un dimanche) dans une petite église baptiste à Caen pour participer au culte matinal.
Hélas, il est déjà midi, c’est avec beaucoup de peine que je laisse mes amis sur le bord de la route,sà la sortie de la chapelle. Dans leur bonté ils n’oublient pas de me charger de provisions de bouche pour la suite de mon voyage et me quittent dans l’attente de me revoir 1 semaine plus tard chez eux, en Alsace, pour leur raconter la suite de mes aventures.
A Caen, un crachin m’accompagne sur la route pour me diriger vers la côte fleurie, avec la vague à l’âme évoquée par les merveilleux moments que je viens de passer, pendant ces 72 dernières heures.

--- Km 3497 : Houlgate sera ma prochaine destination. 39 ans que je n’y avais plus mis les pieds ! Autrement dit, de ce que j’ai vu quand j’étais petit, je ne m’en souviens plus du tout. Seulement, j’y passe pour y faire des photos afin de les partager avec mes parents qui, eux, pourraient découvrir le changement de cette municipalité. Cependant, le crachin qui m’accompagnait depuis Caen s’est transformé en pluie battante. Les vagues rugissent sur la plage aménagée, et j’attends désespérément une accalmie du temps dans ma Renault. Je respire enfin quand la pluie vient de cesser et saute de mon véhicule pour faire une promenade, le long du littoral. A cause du vent qui souffle fort, la balade est vite bâclée et je reprends la route car mon objectif ultime pour cette journée est encore très loin.

---Km 3579 : Villers-sur-Mer, Deauville, Honfleur, au fur et à mesure que je monte au nord, le temps se calme. La baie de Seine est traversée au pont de Normandie, ce qui fait que cet ouvrage me fit débourser les seuls 7 € de ma course touristique !
Puis, Le Havre derrière moi, j’arrive aux célèbres falaises blanches de la côte d’Albâtre et notamment celle d’Etretat. Pendant plus de deux heures, je traîne mes guêtres sur ces hauteurs vertigineuses à prendre des photos et selfies à tort et à travers jusqu’aux lueurs du soir.

--- Km 3726 : Petit à petit un sentiment de solitude commence à s’appesantir. Dans la pénombre du crépuscule, au fur et à mesure que je continue à rouler, mon esprit s’embarrasse des merveilleux moments passés, des images lumineuses du Poitou, des découvertes inattendues réalisées durant ce tour de France et des rires que j’ai pu avoir avec mes acolytes de voyage. Il me semble que le temps passe trop vite et déjà à l’horizon se dessine lentement la vision d’une immense plaine fertile avec ses ramifications marécageuses qui, au gré des marées, s’effacent et reviennent crayonner à nouveau la toile de la baie de Somme encore chaude de l’été.

JOUR 22

A moitié réveillé dans mon espace étriqué, j’aperçois au loin des pêcheurs de coques, les pieds dans la vase avec les mouettes qui tournoient au-dessus de leur tête. Je ne sais pas encore ce que je voudrais faire pendant cette journée, mais une chose est sûr, c’est que je ne vais pas traîner plus longtemps dans ma caisse à rêvasser.

Je  parviens donc tôt le matin au Crotoy, ville par excellence pour des départs d’itinéraire touristique. Plusieurs sont proposés pour découvrir cet écosystème bien préservé : randonnée pédestre avec guide, croisière en bateau de 2 heures, sortie équestre, circuit en vélo… mais j’opte pour le plus pratique, le tour presque complet de la baie en train touristique. N’y a-t-il pas plus charmant que de voyager à bord de ces tchous-tchous d’antan remis en fonction par des passionnés du rail et qui donnent leur enthousiasme pour nous faire découvrir leur patrimoine ? Je m’enivre de l’odeur du charbon brûlé à travers les tubulures de la locomotive à vapeur et me laisse bercer par le dandinement des voitures sur les rails fatigués et du sifflet du train dans ce paysage maritime. La ligne part du Crotoy et arrive à Saint-Valéry-sur-Somme en passant par Noyelles-sur-Mer et fait environ 13 km. En 1 heure de trajet, j’ai le temps d’observer les phoques, veaux marins, les agneaux de prés salés et surtout, dans ce berceau de cette race… les chevaux Henson ! C’est vers 11h que j’arrive au bout du chemin de fer à Saint-Valery-sur-Somme. A la descente du train, nous guettons le manège de la locomotive faisant demi-tour sur une plateforme tournante.

Sous une chape de plomb, je prospecte la bourgade à pied pendant 1 bonne heure et commence à découvrir un bon restaurant dans lequel j’aimerais bien goûter un plat à l’agneau de pré salé. Hélas, je n’en trouve point. Je jette mon dévolu sur le restaurant « La Terrasse » et commande un plat de raie et un dessert. Peu avant 14h30, heure à laquelle mon train de retour s’en va, je pénètre dans une boucherie afin d’acheter des terrines d’agneaux de pré salé, histoire de ne pas avoir été contrarié.

Et hop, me voilà de retour dans le tortillard, respirant par la fenêtre les mêmes fumées noires de charbon grillé, roussi, rôti, torréfié. Et quel retour ? Telle une attraction du jour, des dizaines de vacanciers, prêts à prendre de nouveau cette curiosité roulante jusqu’à Saint-Valéry, viennent nous saluer avec leur appareil à photo en bandoulière sous les sifflets huant en gare du Crotoy.
Il m’aurait été agréable de surprendre d’autres facettes de la baie en bateau, mais malheureusement, les navires étant déjà complets pour le dernier départ, je suis contraint d’abandonner cette idée et me consoler à flâner dans les rues et ruelles de la ville. Puis vers 17h, il est temps pour moi de faire le plein de provisions et de repartir pour l’ultime latitude française.

--- Km 3817 : On ne peut pas dire que les paysages du Pas de Calais soient très attrayants. Ou alors je n’ai pas été sur les plus belles routes du département. Sans doute que le charme réside plus dans les traditions, la culture ou le mode de vie de ces gens si durement touchés. Quoiqu’il en soit c’est en Bruay-la-Buissière que j’atteins le point 50°29’46N 2°31’59E ! Je n’irai pas plus haut.

JOUR 23

Mais qu'y a-t-il à voir là-haut ? Qu’est-ce qui m’a poussé à rouler dans cette région désolée ? Pourquoi perdre une journée dans cet enfer d’houille où sont plantés des corons d’un temps ? Eh bien justement, c’est pour voir les corons. Pour voir ces maisons si typiques qui ont fait la solidarité d’une population. J’apprends par un guide que ces corons étaient plus qu’une demeure : c’était une collectivité, un monde unique, une société indépendante, un art de vivre. Les propriétaires miniers en avaient le contrôle, ils conditionnaient leurs ouvriers ainsi que leur famille en leur proposant ces habitations avec toutes sortes d’avantages en nature : potagers, écoles, soins médicaux, églises. De plus, pour occuper le temps libre de ces travailleurs de force, les propriétaires terriens organisaient des kermesses, des événements sportifs et tout autre style de manifestation culturelle, sociale et traditionnelle pour les conditionner exclusivement dans cet univers infernal.
De nos jours, les vrais corons ne sont plus. Ou tout du moins sont devenus rares. Les nouveaux corons alignés, construits plus tard, ne reflètent plus l’âme de cette activité qui fut jadis prospère. Quant aux mines fermées une à une à partir des années 70, elles perdurent difficilement en musée, car aujourd’hui l’économie est insuffisante pour être investie dans ces trous de l’histoire. Pour vous donner un exemple, aujourd’hui où le temps s’y prête à merveille (temps gris et couvert), il est 14heures, et je suis le SEUL visiteur pour explorer une mine-musée à Bruay-la Buissière… Les touristes dédaignent et délaissent cette région, qui pourtant à beaucoup de choses à nous montrer et à nous apprendre. La solidarité, la souffrance, l’espoir, l’endurance, la force de caractère sont autant de vertus que nous pourrions percevoir dans le cœur de chacun de ces habitants.

Pendant deux heures, je découvre la vie des mineurs de fond par la visite des lieux noirs et des explications du guide. A certains moments, je peux même éprouver la difficulté du travail en jaugeant le poids des outils et en mesurant physiquement les tâches qui incombaient à ces houilleurs. A la sortie de la galerie souterraine, je suis profondément peiné par la tristesse que je lis dans les yeux de l’accompagnateur à cause du peu de fréquentation touristique. Il est si désespéré qu’il me demande de prendre avec moi, plusieurs dépliants du musée pour que je puisse les disposer sur un autre présentoir d’un autre site touristique que je visiterai. Et ce n’est pas les 2 € de pourboire que je lui ai donné qui me consoleront de mon abattement émotionnel.

--- Km 4055 : Ces kilomètres perdus en valaient bien la peine, car j’ai découvert des qualités humaines bien plus profondes que dans mes compatriotes de tous les jours.
Dorénavant, je file sur ce qui sera ma dernière escapade de ce tour de France 2013, située en région parisienne. Elle sera aussi éclatante que celui qui occupait ces lieux. Rien que l’évocation de son nom à travers le monde fait penser au faste démesuré d’un monarque absolu : le château de Versailles !

JOUR 24

La veille, j’ai eu beaucoup de mal à me garer dans un endroit, peu fréquenté, sans luminaire importunant, et surtout, gratuit. Car Versailles est l’endroit mercantile ! Alors quand le parking des bus fut libre durant toute la nuit, il n’y avait qu’un pas à sauter.  Le CO2 dégagé dans l’habitacle et qui s’est transformé en buée sur les vitres contribue à mon intimité en cachant la vision intérieure de ma voiture. Mais il faut avouer que la nuit fut fraîche. Néanmoins, au petit matin, il est dans mon intérêt de décamper très vite du stationnement pour éviter les contractuelles. Et il était dit qu’aujourd’hui, la chance était avec moi : à 50 m de là, les places de stationnement dans une rue sont totalement gratuites pour la période du mois d’août. Je décide, après avoir rangé mon véhicule, de me rassasier d’un très copieux petit déjeuner… pour tenir jusqu’au soir. Je ne dois pas toutefois trop tarder, car déjà, au loin devant le portail jaune or brillant se crée une file d’attente incroyable ! En m’approchant de celle-ci j’y remarque des Russes, des Anglais, des Japonais, des Américains et des Chinois. Beaucoup de Chinois !! C’est à peine si j’entends parler français. Et que ces gens (les Chinois) sont mal polis : ils passent devant tout le monde en groupes presqu’organisés ! Il faudra des guides assermentés pour leur couper leur avancement. Non Mais !


Avis aux chômeurs, l’ensemble du domaine du château (avec le Petit et Grand Trianon) est totalement gratuit pour eux. C’est 18 € de gagnés. Le plan en main, je commence par visiter le château lui-même. Mais très vite cela devient insupportable : il y a trop de monde et on se colle les uns les autres pour faire des clichés des pièces du palais et il n’y a guère que les galeries pour prendre un peu ses aises. Mais tant pis, je continue mon incursion royale. De la chapelle royale à la chambre du maître des lieux, je me surprends, comme à l’instar des Japonais, à photographier tout ce luxe étalé aux yeux du monde entier. Personnellement, j’apprécie les frises des salles exposées, préfère la chambre de la reine à celle du roi et m’extasie devant le chef d’œuvre unique : la galerie des glaces ! Impressionnante aussi, la galerie des batailles.

Ensuite, en sortant du château, il va falloir que j’aie du jus dans les jambes car le parc est IMMENSE. Avec son bassin central sur lequel des touristes naviguent sur des plates, l’extrémité du parc se trouve à plus de 3 kilomètres pour une superficie de 815 hectares (8,15 km²). J’aime autant dire que je n’aurais pas voulu le visiter tout en entier avant la Révolution car il m’aurait fallu plus de 5 jours pour sillonner ses 8000 hectares (80 km²) !!