Un petit tour tamoul et kéralais

1 : Nous y sommes

Je suis partie sans enthousiasme, fatiguée.
Je suis partie avec Hélène, l'amie, celle dont on dit "c'est mon amie d'enfance", celle des quatre cents coups, celle des virées de nos vingt ans au bout du monde.
La vie a coulé aussi vite que les années.
X ième voyage pour moi en Inde et première fois pour elle.
Un voyage aux petits oignons avec arrêt chez mes amis en Inde avant un petit tour avec Raman, chauffeur adorable qui me connaît, que je connais depuis vingt ans.

Un petit tour que je connais par cœur.
Alors, je me suis pris l'envie de vous raconter la vision d'Hélène.
Arrivées à Chennaï, Raman nous attend devant l'aéroport avec son panneau, au milieu de la foule dense :
Hélène entortille son foulard, celui qu'elle garde toujours autour du cou pour protéger sa gorge fragile, au-dessus du nez
"qu'est-ce que ça pue !"
"Si ça pue comme ça tout le temps, j'pourrai pas supporter"
"Mais c'est dégueulasse, tu m'avais parlé des détritus mais pas à ce point"
"Tu peux pas lui demander de couper la clim, j'me caille"

Ambiance...Chut, je ne me braque pas...

.../...

Franchement, je préfère le récit à la sauce Pondy à celui à la sauce Hélène.
ça promet de belles rigolades (pour nous... )

Pondy, elle a voyagé pourtant Hélène?

Tu dis: "...celle des virées de nos vingt ans au bout du monde.".

Elle a oublié ses vingt ans, c'est ça?

Lilie

Il y a quelques années, je suis allée en Islande avec une amie, elle ne faisait que demander : Où c'est qu'y des cartes postales ? Où c'est qu'y a des boutiques de souvenirs ?
Heureusement, le séjour ne durait que 5 jours...
Il faut dire qu'elle a l'habitude de voyager en club "all inclusive"

Nous étions dans notre jeunesse un trio inséparable.
J'avais coutume de dire que l'une était le feu et l'autre était l'eau.
Une n'est plus et l'autre, l'eau vive, tumultueuse est devenue une eau limpide, immobile et miroitante.
A chacune de nous adapter à nos modes de vie devenus au fil des années si différents.

Trois heures de route pour rejoindre la maison de mes amis.
Chaque fois, à mi-parcours on s'arrête -au routier-, là où la saveur du premier chaï explose dans mon palais.
"tu vas goûter à ce délice dont je te parle depuis des années"
Le vendeur pose sur le comptoir collant trois petits gobelets fumants, en carton (tiens ce n'est plus le verre qu'on prend entre le pouce et l'index sur le bord tellement c'est chaud).

"alors, tu aimes ?"
"je ne sais pas, c'est hyper sucré et le lait, je digère pas"

Une clope plus tard pour Raman et moi on reprend la voiture.

"tu lui dis de remettre la clim, en fait il fait vachement chaud"

Chut... je ne me braque pas...

Pour résumer, c'est ton dernier voyage avec l'eau dormante.
Continue Pondy, ça me conforte dans mon choix : je n'irai jamais en Inde.

Bonjour chère Pondy,
Argh... J'ai souvent entendu "L'Inde, on l'aime ou on la déteste"
La suite du voyage, c'était pareil ?
Raconte
Mille bises à toi et à ceux -et celles- que tu aimes

Eh les filles, vous ne laissez aucune chance à Hélène! Elle a même pas encore posé ses valises!

On verra si elle s'est convertie à l'Inde.

L'Inde est une étrange planète, immense et qui ne laisse personne indifférent...

Pondy a écrit:
A chacune de nous adapter à nos modes de vie devenus au fil des années si différents.

Depuis des années, je pense l'inverse: je pense que les amitiés évoluent, et que les chemins de vie se croisent mais restent rarement parallèles sur une vie. J'ai appris, par mes expériences, que les amitiés vont et viennent. On en perd, on en gagne. Mais le plus important c'est qu'elles soient vécues sincèrement, dans le présent. Je ne les force pas, même si c'est souvent blessant d'en voir disparaître, mais parfois, c'est simplement parce que les chemins de vie prennent des directions différentes, ou parce que l'un ou l'autre, ou l'un et l'autre, ont beaucoup évolué au point de ne plus rien avoir en commun, si ce n'est des souvenirs.

Alors quand je vois des gens, comme toi, qui savent conserver des amitiés pendant des décennies, malgré les chemins de vie différents, ça m'épate. Ca force mon respect.


Ton récit nous dira, au fil des mots semble-t-il, où en est cette amitié après ce périple indien.

Lilie

L'amitié c'est du terreau fertile. Comme toi, je crois, que les amitiés naissent puis fondent au gré de l'existence, sauf, certaines si précieuses qu'on en chérit chaque instant.
Nous avons calculé que nous nous aimions depuis 52 ans.
Parfois nous ne nous voyons pas pendant six mois ou plus et quand nous nous retrouvons c'est comme si hier était aujourd'hui.
Pour ce voyage, c'est différent, nous partons sans nos maris, comme dans notre jeunesse et, ensemble à chaque instant.
Hélène fait du yoga, de la méditation, elle adore les huiles essentielles, les p'tits granules, la marche et depuis toujours nous nous sommes chamaillées sur nos divergences. Nous avons l'une et l'autre accepté nos énormes différences de vie et nos compagnons ont été des tampons médiateurs.
Vingt jours en tête à tête c'est déjà une autre histoire...
Une nouvelle page...

Oh Pondy ! comme j'ai hâte de suivre ta dernière histoire indienne...
Pour plusieurs raisons :
- parce-que l'Inde me fait envie depuis si longtemps mais Papipic fait barrage... du coup j'ai justement pensé à y aller avec une copine amie... mais je ne connais rien de là-bas... pas de chauffeur à l'arrivée, pas de maison-amie...
- parce-que je crois fort en l'amitié, mes plus anciennes "bonnes copines", que je vois toujours, sont du collège (4 ièm 3 ièm) et pourtant 1000 kms nous séparent, ensuite vraiment "amies" celles du lycée avec mariages dans la bande de copains, parrains/marraines etc... puis L'Amie, celle qui connait tout de nous depuis 42 ans... alors comment revient-on d'un voyage ensemble ?
- parce-que quand c'est toi qui racontes.... c'est toujours un régal !
Bises

alors comment revient-on d'un voyage ensemble ? dixit mamina.

Très bonne question ! L'Inde est un voyage mental, il faut accepter la réalité telle qu'elle est et surtout ne pas comparer à l'aune de nos certitudes confortables, et ne jamais porter un jugement moral sur ce que l'on voit.

Avril/mai 1981, Kerala et Tamil Nadu, durant les mois les plus épouvantablement chauds ! Souvenirs, souvenirs...

Je vais suivre avec intérêt ce récit !

Une histoire dans l'histoire...
Samsara, karma...

Au début du siècle un couple de français s'installe dans le comptoir de Pondichéry et font commerce de meubles.
La vie s'écoulait paisible et confortable dans cette magnifique maison coloniale à colonnades.
Une nuée de domestiques, à la cuisine, au ménage, au jardin facilitait l'existence et sous la véranda ouverte sur les bougainvilliers se rassemblaient les intellectuels et les marchands de la ville blanche.
Un seul chagrin minait ce couple, il n'avait pas d'enfants.
La dame s'était prise d'affection pour une fillette aux cheveux hirsutes où trottaient joyeusement les poux qui, accroupit au seuil du portail, semblait attendre la mensahib chaque jour.
De chapatis, en samosas, de chaï en idlis, la tendresse pris toute sa place et, légalement, ils adoptèrent l'enfant.
Elle alla à l'école, grandit, apprit les meubles anciens, l'art des sculptures.
Au décès des parents, elle hérita de la splendide maison et continua l'oeuvre de ceux-ci, travailla avec le musée d'Orsay et rencontra son mari. Un niçois nonchalant. Du mariage naquit une fillette à la peau dorée.
Un divorce plus tard, la jeune adolescente rebelle partit vivre en France chez son père et connut l'existence saumâtre du chômage paternel.
Elle trouva le premier job venu, caissière au supermarché.
Plus d'argent pour retourner au pays.
Quand sa mère mourut, elle partit pour vendre la maison, les meubles, l'orfèvrerie, les sculptures.
Un pied à Pondy et le choix s'exprima à la seconde même en entrant dans la maison.
C'était il y a 25 ans quand nous nous sommes connues, par hasard, à l'Alliance française.
Depuis elle a épousé un indien, ils ont une entreprise de restauration de meubles, la maison est toujours aussi belle dans son écrin tropical.
Et Hélène et moi arrivons enfin...

Lilie

Malheur, bonheur, malheur et j'espère bonheur éternel pour ton amie indienne

Ce sont de bien belles histoires qui se racontent ici, dans leurs douleurs et difficultés.
Continue Pondy, nous écoutons et apprécions... comme toujours.

petits frissons d'émotion...

Quelle jolie histoire !
C'est fou ! je suis toujours ébahie devant la multitude des destins...
J'aime toujours en savoir plus sur les gens ; pas par curiosité, juste pour être surprise et étonnée !

Une Inde où je n'ai aucune envie d'aller mais que je vais parcourir avec délice (oui oui) par tes toujours magnifiques mots-images chère Pondy.

Une chambre immense aux grandes dalles fraîches, le fan qui chuinte tranquillement, la salle de bain spacieuse avec douche et douchette à fesses, le grand seau et le p'tit broc, une belle chambre qui est toujours aussi agréable après un long voyage.
Sujita est retournée sous la véranda et pour l'heure c'est un moment de repos.
Hélène est conquise par la beauté des lieux et pousse un soupir d'aise en s'étendant sur le vaste lit à baldaquin.
J'ouvre mon sac pour sortir les cadeaux et elle, laisse errer son regard sur les murs blancs chaulés de frais.

" P'..n une bête, regarde, là ce truc dégueu sur le mur, là, mais là j'te dis"
"C'est un gecko Hélène, cool, ça va pas te manger, ça bouffe les moustiques, c'est mieux que les machins chimiques non ?
"Si tu l'enlèves pas, je ne reste pas dans cette piaule"
"Merde alors, c'est pas une piaule, c'est une chambre royale, depuis qu'on a mis le pied en Inde, tu râles. Je veux bien croire que le choc est grand mais mince on a dormi autrefois par terre, dans des cabines téléphoniques, dans des conduits en béton, sous les guichets d'une gare, alors, tu crois que c'est pire ici ?
"Excuse-moi, je suis crevée mais fais quand même sortir cette bestiole, oui c'est chouette ici"

J'ai bien réfléchi et je sais comment commencer la visite de la ville pour qu'Hélène se sente heureuse.J'ai tellement envie qu'elle aime ce pays...
Je vais y aller tout doucement...

Pondy a écrit:

J'ai bien réfléchi et je sais comment commencer la visite de la ville pour qu'Hélène se sente heureuse.J'ai tellement envie qu'elle aime ce pays...
Je vais y aller tout doucement...

J'ai la vague impression que tu vas réussir !

fabizan, peut-être, peut-être pas...
Dans ce cadre chatoyant, pour une arrivée en douceur, ça parait...si facile :