Mai 2020, retour de Thaïlande
Le jour du départ...
... le jour où je me dis que je vais revenir dans un pays affaibli, en déroute face au coronavirus, surtout durant les premières semaines où les mensonges ont pallié l'impéritie invraisemblable du pouvoir...
Le jour du départ...
... mes relations thailandaises me dissuadent de partir : restez avec nous, ne retournez pas en France, c'est trop dangereux !
C'est vrai, à chaque fois à chaque fois que je leur annonçais le nombre de victimes de la covid 19 en France ils écarquillaient les yeux, sidérés par mes chiffres, comme s'ils se faisaient une autre idée de la France... moi aussi d'ailleurs !
Après tout revenir était dans l'ordre des choses, il y a un temps pour tout. Alors taxi, aéroport de Chiang Raï, et dans mon esprit toujours cette possibilité d'annulation de mes vols, tout était possible en ces circonstances exceptionnelles, surtout avec cette prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 31 mai. Un seul vol par jour entre Chiang Rai et Bangkok - le grand aéroport international -, autant ne pas le rater. Contrôle dès l'entrée de l'aéroport, bagages scannés, prise de température avec cet espèce de pistolet thermique qu'on m'aura pointé sur le front maintes fois depuis la mi-mars. Après avoir enregistré mon bagage pour la soute, je me dirigeai vers la porte d'embarquement. La plupart des boutiques étaient fermées, quelques personnes, en majorité les employés de l'aéroport, des policiers très discrets, et des gens sans doute du ministère de la santé, donnaient un semblant de vie dans ce hall quasi désert. Mais nouveau contrôle avant de passer dans le secteur des départs. Prise de température (encore !), puis on me désigna une chaise devant une petite table derrière laquelle se tenait une jeune femme. Elle m'a demandé mon passeport, mon numéro de téléphone de Thaïlande, où j'allais après Bangkok, et d'autres questions que j'ai déjà oubliées.
L'avion est parti avec une demi-heure d'avance, à moitié rempli, rares sont les thailandais qui se déplacent durant les états d'urgence, ils ont peur du coronavirus et sont très obéissants, ce n'était donc pas la peine d'attendre l'heure officielle du départ et puis le ciel de Chiang Raï n'était pas pas encombré.
aéroport de Bangkok, départs internationaux
Aéroport de Bangkok, troisième étage, l'immense hall des départs internationaux.... quasi vide ! J'étais sidéré ! Toujours vu la foule ici, des voyageurs de tous âges, de toutes races, parfois avec des caddies supportant des bagages hors normes, impressionnants, mais le plus souvent avec des valises à roulettes, les sacs à dos se font plus rares. Je cherchai sur le grand panneau des départs où se trouvait mon guichet d'enregistrement avec Qatar Airways, avec tout de même un peu d'inquiétude quand je constatai qu'il était rempli de destinations toutes annulées. Enfin je vis, au milieu de ce mot en rouge "cancelled" qui clignotait désespérément sur toutes les lignes, une lumière verte "chek-in", stable, accueillante, Qatar Airways avait ouvert l'enregistrement pour Doha. Au fond, ce n'était pas si désagréable que ça de voyager ainsi, avec une pointe d'incertitude certes, mais surtout avec cette impression que l'aéroport était ouvert rien que pour moi, et que les employés de Qatar Airways m'attendaient avec le sourire. Il n'y avait que deux guichets ouverts, on m'invita à poser ma valise sur le tapis. Deux jours auparavant, l'ambassade de France à Bangkol m'avait recommandé de remplir le formulaire "Attestation de déplacement international dérogatoire vers la France métropolitaine", alors j'étais prêt à le présenter, puisque il était stipulé qu'il fallait le montrer aux transporteurs et... à l'arrivée ! L'employé qui s'occupa de mon enregistrement ne me le demanda pas et me souhaita un bon voyage.
Comme pour le vol Chiang Raï/Bangkok, à moitié rempli, le vol Bangkok/Doha se déroula dans les mêmes conditions, j'occupai une nouvelle fois trois sièges bref, comme pour Doha/Paris je fus seul dans ma rangée : il y avait bien longtemps que je n'avais fait des vols aussi confortables !
Après atterrissage sur la piste de Roissy, l'Airbus 350 se dirigea vers la gaine déjà dépliée pour le débarquement. Je vis sur le tarmac le personnel de l'aéroport, muni de gilets jaunes, qui s'affairaient autour de l'avion : quasiment aucun ne portait un masque !
J'étais bien arrivé en France !
Une centaine de passagers s'engouffrèrent dans les couloirs de Roissy, nous n'étions pas nombreux mais il y avait des gens qui semblaient être pressés, nous étions trop près les uns des autres. Deux vigiles remontèrent notre file en nous invitant à respecter les règles de distanciation physique. C'étaient deux grands noirs : ils ne portaient pas de masques !Nous arrivâmes enfin devant les contrôles de police. Une file d'attente disparate se forma sur deux lignes, la fameuse distance pas du tout appliquée. Un homme revêtu d'une kurta tenta de me dépasser, ça devait être un indien, il y avait toute sa famille derrière lui. Je lui montrai l'écriteau suggérant la distanciation. Un peu énervé, je m'exclamai oh ! oh ! et j'écartai les bras le plus largement possible. Il se mit derrière moi à deux mètres. Voici mon tour, je me présentai au guichet d'un policier bien en chair, visiblement bien ennuyer de travailler un 8 mai. J'enlevai mon masque, il me regarda comme une vache regarde passer un train, puis il me rendit mon passeport, sans demander mon document. Que je le dise tout de suite : pas d'accueil sanitaire, aucun contrôle, voilà bien la raison qui m'incita à rentrer avant le 11 mars, avant la publication du décret sur la prolongation de l'état d'urgence sanitaire.
Après avoir récupéré mon valise, je remis mon masque et me dirigeai vers la sortie des passagers. Dès que les battants de la porte automatique s'ouvrirent, je fus tout de suite frappé par le vide et le silence. Deux ou trois personnes attendaient les passagers, l'un d'eux me dit : taxi, porte 8 ! Je n'avais pas envie de prendre le RER avec mon bagage de 19 kilogrammes, le taxi me convenait, peu importait le prix. Un homme me lança : faites attention, les chauffeurs de taxi ne portent pas le masque !
Et bien voilà, j'étais bien revenu en France !