A quatre pattes, il se frotte le genou venu cogné un affleurement rocheux de la sente. Son pied a glissé sur une plaque de mousse très humide semble-t-il. Bon sang, soit plus attentif, Bougre de Maladroit ! se sermonne-t-il.
Il se redresse, repart, concentré…
SPBBLÂÂÂMM !
Mais c’est pas vrai ! Il pensait pourtant avoir fait attention où il mettait les pieds ! Allongé de son long sur la sente, il regarde sur quoi il vient de buter : une racine tordu lui a fait un véritable croche-patte. Et pourtant, il est persuadé qu’elle n’était pas ainsi proéminente et dangereuse cette racine qu’il croyait collée au sol !
Cela va devenir compliqué s’il doit chercher des spécimens rares dans un univers de mousses où tous les verts se confondent et qu’en plus le sol est miné de pièges mouvants nécessitant toute son attention pour éviter la chute. C’est qu’il est séquentiel, lui, c’est un mec ! Il ne peut que difficilement faire plusieurs choses correctement en parallèle, il est bien obligé de se l’avouer… même s’il refusera catégoriquement de s’abaisser à un tel aveu en public, et particulièrement devant les Villageoises, se fait-il la remarque dans une moue.
Il se redresse, s’époussète, se tâte une nouvelle fois le nez toujours aussi désagréablement bouillonnant… et repart, comme dans un ralenti de film, veillant tour à tour à l’emplacement de ses pas et à scruter le sol à la recherche des spécimens manquants, sa grosse loupe en avant.
Cette fois, il l’a vu faire ! Cette plaque de mousse détrempée s’est littéralement jetée sous son godillot !
Mais il n’a pu retenir son mouvement et c’est comme s’il avait marché allègrement sur une peau de banane envoyant loin et haut en avant son pied, le faisant basculer en arrière et atterrir au pied d’un arbre dans un creux de racines gonflé d’un coussinet de mousse qui a couiné sous l’assaut de son poids comme si une foule de petits êtres alors écrasés avait hurlé. Voilà qui, par effet de surprise totale, dans un même élan de sens contraire, l’a rapidement fait rebasculer vers l’avant pour atterrir à nouveau à quatre pattes sur la sente, mains et genoux endoloris.
Sur la sente, rien d’anormal. Il est sûr d’avoir vu une plaque de mousse se glisser sous sa chaussure !
Au pied de l’arbre, un simple coussin de mousse aplatie de son poids. Il est certain de l’avoir entendu couiner comme le ferait sous la pression une célèbre girafe enfantine ou un jouet pour chien !
Tout autour, tout n’est que camaïeu de verts mousses, décor de mousses : les rochers, les racines, les bois morts recouverts, les troncs, les branches, dessus, dessous, en pendentifs tels des guirlandes de Noël. Tout chuchote et complote pourtant rien ne bouge.