Hier, il m’a remerciee, pour lui avoir fait economiser deux cent mille pesos. Je le regarde, et surprise je lui demande comment j’ai pu faire ce tour de magie sans m’en rendre compte. Me raconte que Mercedes lui avait demande de l’accompagner jusqu’a Neiva pour la journee, a six heures de bus, pour l’anniversaire de son fils. Il avait d’abord accepte. Et puis ensuite, en pensant a tout ce que je lui avais dit, il s’est dit que ca n’avait vraiment pas de sens d’aller a l’anniversaire du fils d’une nana qu’il connait depuis cinq jours, et que ca impliquait forcement que c’etait lui qui couvrait toutes les depenses, pour deux personnes. Alors il a rappele Mercedes pour dire qu’il n’irait pas.
- T’as raison, il m’a dit, faut que j’arrete de faire mon petit chien et de dire oui a tout. C’est du sexe, et rien d’autre avec elle... L’autre soir avec les cinq mecs, elle ne se genait pas pour draguer devant mon nez, alors elle ne tient pas a moi au point de vouloir me faire partager sa vie...
Quand on ne parle pas de filles, de mecs, de relations entre les deux, de son kibboutz, etc., des fois Hilel sort son cahier d’exercice. Tous les jours, il essaie de faire au moins deux heures d’Espagnol. Ca m’impressionne de voir avec quelle volonte il s’y met. Il n’a clairement pas de facilite pour apprendre l’Espagnol, mais il le travaille. Hier soir, on a passe au moins une heure et demi avec son cahier d’exercice. Il me demande de l’aider, meme si je lui dis que je ne connais pas les regles de grammaire et pas tres bien les conjugaisons.
Il aime beaucoup la Colombie. Il a deja pas mal voyagé, pendant quatre ans, entre USA, Europe et Asie. Mais il dit ne jamais avoir vu un pays avec des gens aussi gentils et ayant une telle joie de vivre. Il dit tout le temps que dans son pays, ceux qui sont venus en Colombie, ils parlent de toutes les drogues, partout et a pas cher, et des super jolies filles. Mais que jamais, jamais, jamais, on lui avait parle de ces gens si gentils et joyeux. Il comprend, qu’il dit:
- Quand on sort de l’armee apres trois ans en Israel, on part voyager pour faire la fete et profiter de la vie. Moi aussi j’ai fait ca. Mais ici, ca fait plus de deux mois que je suis en Colombie, et regarde! J’ai des amis colombiens, et meme une famille!
Comme il ne comprend pas bien l’Espagnol, il a souvent la surprise de se faire embarquer vers l’inconnu. Un jour il passe sa journee a eplucher des patates et degrossir de la viande, le lendemain il se retrouve a l’anniversaire de la derniere fille de la famille, parmi quarante invites, le surlendemain il est embarque pour demonter les installations de la fete. Hier, il est revenu les jambes ecorchees. La mama de la famille lui avait dit la veille qu’ils allaient passer la journee d’aujourd’hui dans une finca. Hilel avait emmene un livre, se disant qu’il n’allait rien avoir a faire toute la journee dans un champ, sans rien comprendre de ce que disent les gens... Il a passe sa journee a travailler, evidemment! Ah! Ah! Ah!
Ah oui! Et aussi... Hilel est amoureux de la cousine de la famille (apparement vraiment tres belle)! Ah! Ah! Ah! Hier soir, la mama de sa famille lui a telephone, pour lui dire de venir a l’hotel familial, que la cousine etait la, et qu’elle le cherchait. Hilel, fatigue, a decline l’invitation. Apparement, lors de l’anniversaire de l’autre jour, ils ont ete presentes, et la mama veut absolument en faire un couple. Ah! Ah! Ah! Je l’ai vu faire Hilel avec les filles: il parle, il parle, il parle. Mais il a du mal a passer a l’action. Il est interessant, drole et charmant, alors il n’y a pas de raison pour qu’il fasse son timide je lui dis. Je lui dis qu’ici, les filles sont habituees a avoir des mecs tres directs face a elles et qui n’attendent pas trois heures pour les embrasser. Qu’ici, il ne faut pas qu’il ait peur de se faire refouler, les filles ont l’habitude des mecs chauds comme la braise.
Alors bon, sa mission “salsa, Espagnol, femme de sa vie”, il la travaille ici en Colombie, c’est sur (sauf la salsa, ca je ne l’ai pas vu faire le moindre effort!). Sa naivete est touchante. Il me parles de ses nanas, de ses incertitudes, de son kibboutz. J’aime bien l’ecouter et parler avec lui. Moi aussi je lui parle de mecs, de sexe, de mes journees, de mes doutes. On a une bonne complicite et de bons eclats de rire. Et surtout du respect l’un pour l’autre. Je serais curieuse de le revoir a la fin de son voyage, voir comment il aura evolue. J’espere surtout qu’il ne va pas se perdre, et comme je lui ai dit, qu’il ne va surtout pas se marrier avec la premiere venue, ni meme avec la dixieme!
Lilie
PS: Hilel vit maintenant dans son kibboutz, "happily" marié et heureux papa d'une petite fille de quelques mois.
Je devais partir hier, puis aujourd’hui. Hier Dimanche, je suis rentree a la posada a midi et demi, trop tard pour prendre le dernier bus matinal. En acceptant de sortir Samedi soir avec Hilel, Mercedes sa nana, et Rafa, mon “plus si affinite” d’ici, mon depart du Dimanche etait deja compromis. Hier apres-midi, on a enchaine avec une ballade a cheval tous les quatre, sommes rentres de nuit. Pas mal de vrais bons galops, j’avais un bon cheval, fuerte [fort], comme je les aime. Et puis ce matin, la fleme de me lever a 5h pour le premier bus, pensant prendre le suivant de 10h. Mais comme les departs pour la destination ou je souhaite me rendre sont assez aleatoires pour cause de travaux sur la voie, et bien j’ai du rester une journee de plus a San Agustin. Ca m’a un peu vexee sur le coup, c’est vrai. Une journee de plus a San Agustin, alors que j’ai l’impression d’avoir fait le tour de ce que j’avais a faire ici, pis avoir mis mon reveil a 9h alors que je pouvais dormir jusqu’a midi pour recuperer mon sommeil de retard, oui, ca m’emmerde. Finalement, j’ai vite relativiser. Une journee, sur un voyage de deux mois et demi, ce n’est pas enorme. Une journee, dans une vie, c’est rien. Pis je me suis dit qu’au moins, c’etait l’occasion de faire de vrais au-revoirs a Hilel, et a Rafa.
On devait se voir hier soir suite a notre ballade equestre, apres s’etre douches, mais Hilel et Mercedes ne sont pas passes me prendre (Hilel a demenage il y a quelques jours, dans un vrai hotel ou ils acceptent les invitees d’une nuit). Aujourd’hui, je suis tombee sur Hilel au cafe internet.
- Hey Aurelie! Ah! Ah! Ah! Alors? T’es a Popayan, et je te vois via webcam, c’est ca?
Je me marre, contente de le revoir. Ben non, je ne suis pas partie ce matin, que je lui dis.
- Evidemment que tu n’es pas partie, ca fait quatre jours que tu dois partir tous les jours! Demain, tu seras encore la! me fait-il en se marrant.
On se met d’accord pour se voir plus tard dans la journee. Hilel part, et deux secondes apres, c’est Rafa qui rentre.
- Je t’ai cherchee hier soir, me dit-il.
- Hilel et Mercedes ne sont pas passes me chercher, ils sont restes tranquilles finalement. Et tu sais que je n’aime pas marcher toute seule la nuit par ici, alors je suis restee tranquille...
- Tu viens avec moi? Julio a des hongos, on va les prendre cet apres-midi.
- Mais non, Rafa!... Je ne vais pas prendre des champignons cet apres-midi, sinon je ne vais encore pas partir demain, tu le sais tres bien! Et je suis crevee, le ciel est gris, je ne suis pas en condition pour en prendre.
La vraie verite, meme si tout tout ca est vrai, c’est que je n’aime pas prendre tous ces trucs la, et que les rares fois ou j’en ai pris, c’etait avec des gens en qui j’avais vraiment confiance, et que toutes les bonnes conditions etaient reunies. La, je savais que c’etait tenter le diable, et que c’etait surtout compromettre mes chances de depart du lendemain. Plus tard dans l’apres-midi, je l’ai appele. Il etait deja en route pour son voyage champignonesque. Je savais que c’etait la derniere fois que j’entendais sa voix.
Je suis alors partie chercher Hilel. Apres un passage infructueux a l’hotel de “sa famille”, je suis montee a son hotel, celui ou il loge.
- Hey Aurelie! Me fait-il avec un grand sourire.
Il me propose d’aller marcher avec lui, cette ballade que je lui avais conseillee lors des premiers jours ou il etait chez le Japonais. Surprise, j’accepte tout de meme sans hesitation. Il est deja 16h, mais si on part maintenant, on rentrera au crepuscule. Et puis, je le remercie des mots qu’il m’a ecrit en hebreu Samedi soir, dans ce cahier de voyage. Je l’ai fait traduire a la nana israelienne qui etait la (chancement, car c’est la seule compatriote d’Hilel rencontree a ce jour ici).
- C’etait un peu genant, lui ai-je dit, mais tu ne m’as pas laisse le choix comme tu n’as pas voulu me le traduire en Anglais!... Merci, c’est vraiment touchant. Tu sais, on rencontre beaucoup de gens en voyage, et beaucoup de voyageurs. Au final, il y en a tres peu avec qui on garde contact. Avec toi, je sais que c’est pour de vrai.
Ouah! Je m’impressionne me dis-je, d’habitude j’ai du mal a m’exprimer oralement... L’amelioration vient avec les cheveux blancs peut-etre...
Avec cette ballade, je ne pouvais pas esperer mieux pour mon vrai au-revoir a Hilel, qui m’apprit l’incroyable monde des abeilles, qu’il connait via son pere qui fait du miel en Israel. Une fois de retour au pueblo, de nuit, on a mange sur le trottoir, la bouffe achetee aux marchands de rue.
J’ai achete des bieres sur le chemin de la posada, en disant a Hilel de passer plus tard, une fois douche (son nouveau logement est a 200 metres du Japonais). J’insiste pour qu’il vienne.
- Oui, on va pretendre qu’on se voit plus tard..., me fait-il en me serrant dans ses bras.
En passant la porte de ma casa, quatre-vingt-dix-neuf secondes plus tard, je m’en voulais:
- Stupida! T’es trop naive! Tu ne lui as meme pas dit au revoir, et la maniere dont il t’a embrassee, c’en etait un d’au revoir!...
Je me dis qu’apres tout, on s’est tout dit sur papier, puisque moi aussi je lui avais adresse un mot, la veille de mon suppose depart dominical.
Je suis en train de siroter mes bieres, et je sais qu’Hilel ne va pas venir, trop creve. Je pense a mon mois ici, a San Agustin. Peut-etre aurais-je du partir il y a dix jours deja, car je n’ai pas fait grand chose finalement depuis que j’ai appris le changement de mon billet retour. Mais non, parce que ces dix derniers jours m’ont permi de comprendre et de voir d’autres choses, sur le fonctionnement de ce pays. (..) J’ai fait la fete, bien sur. J’ai observe. Observe et compris les travers du tourisme ici, observe et compris un peu mieux les relations humaines du monde rural colombien, vu ce que je ne voulais pas voir au debut. Toujours pareil: quand on ne passe que quelques jours dans un endroit qui nous plait, tout parait idyllique. Un peu plus longtemps, et on commence a comprendre les mecanismes sociaux, a apercevoir le quotidien, pas si rose, comme nulle-part sur cette planete de toute maniere.
Voila, j’ai fait le tour de mon experience ici a San A.. Ce mois etait necessaire, et je vais partir bien plus riche que lorsque j’y suis arrivee.
Mais San A., ce n’est pas la Colombie, et je veux voir comment c’est ailleurs. Je n’irai sans doute pas sur la cote Caraibes, qui ne m’interesse pas forcement sur ce voyage, ni a cette periode de haute frequentation touristique. Je n’irai pas non plus en Amazonie, a moins de vouloir me donner en offrande aux dieux des moustiques. Donc je n’aurai pas un large apercu des differentes cultures de ce pays. Un Caraibien ne vit pas comme le fermier des montagnes colombiennes, ni comme un Amazonien. Mais je veux tout de meme avoir un petit eventail des gens que l’on peut rencontrer dans ce pays, de differents modes de vie, accents, de la nourriture, des paysages, climats, de la faune, de la flore, des ethnies.
Et pis, j’ai hate de reprendre la route. J’ai hate de ne pas savoir a quoi m’attendre, hate de ne pas savoir ou je vais dormir ce soir. J’ai hate de voir les paysages defiles a travers les vitres d’un mini-bus, hate de vouloir m’arreter dans tous les villages traverses et me dire qu’un jour j’aimerais bien y revenir a cheval, pour aller ou je veux, m’arreter ou je veux. J’ai hate de me remettre a revasser en pensant a “la prochaine fois que je viendrai”. J’ai hate de rencontrer de nouveaux personnages. J’ai hate de retrouver mes amis Imprevu et Inconnu et leurs bonnes surprises. Et pour ca, je dois mettre le reveil a sonner pour la premiere fois de ce voyage(avec conviction), et a 5h du matin!
Et pis, j’ai hate de reprendre la route. J’ai hate de ne pas savoir a quoi m’attendre, hate de ne pas savoir ou je vais dormir ce soir. J’ai hate de voir les paysages defiles a travers les vitres d’un mini-bus, hate de vouloir m’arreter dans tous les villages traverses et me dire qu’un jour j’aimerais bien y revenir a cheval, pour aller ou je veux, m’arreter ou je veux. J’ai hate de me remettre a revasser en pensant a “la prochaine fois que je viendrai”. J’ai hate de rencontrer de nouveaux personnages. J’ai hate de retrouver mes amis Imprevu et Inconnu et leurs bonnes surprises...
Trois jours apres la date presque originalement prevue (depuis le changement de billet, rappelez-vous), j'ai quitte "San A" hier, apres plus de quatre semaines passees la bas... (je suis super lente en vadrouille, pour ceux qui douteraient encore). Apres trois heures de sommeil, je pensais finir ma nuit dans le bus de 6h du mat’, durant les six heures de trajet.
Comme j'aime pas me contraindre a reserver des endroits pour dormir, ou acheter des billets de bus la veille pour le lendemain, ca me joue souvent des tours. Je le sais, et j'aime bien justement, cette petite touche d'imprevu supplementaire.
Donc je me pointe a 6h a l'arret de bus, sans billet. La nana du guichet me dit que je dois attendre le bus a arriver, pour voir s'il reste des places... Ouh la! fait mon cerveau pas reveille, ca veut dire que j'ai des chances de ne pas en avoir...
Le bus arrive... bonde de monde. Pas de place, me dit-on. Je sors mon arme de seduction massive: grand sourire, a la dame du guichet, au chauffeur, au mec qui prend les billets.
- Ah! mais regardez moi, je ne prends pas de place! je peux prendre mes sacs sur moi s'il le faut. Ou mettez moi sur le toit! Ou dans le coffre! Je peux conduire le bus si vous voulez... c'est noel, por favor...
Ils eclatent de rire.
Si, me disent-ils, ils vont me trouver une place.
Ouf! Merci papa Noel!
Je negocie le prix (pas moyen que je paye plein tarif si j'ai pas de siege!) et on me fait monter en dernier dans le mini-bus qui comporte une vingtaine de places assises. La place a cote du chauffeur est la mienne. Pas celle du passager avant, hein! Celle que j'ai eue bien des fois, entre le chauffeur et le siege de droite, sur le sol, la boite de vitesse collee a ma jambe gauche. Et comme c'est large, je ne peux meme pas me caller entre mes deux voisins. Je comprends avant meme de partir que je dois faire une croix sur la fin de ma nuit, parce que sans dossier, ni appui lateraux, ben ca va etre muscu des bras, du fessier, des abdos, et des jambes pendant six heures. Veronique et Davina n'en aurait pas fait autant, pour sur!
Y a Carlos, le passager de droite qui veut me parler. Pffff... Carlos, j'ai envie de lui dire, meme apres dix heures de sommeil, a 6h du mat, mon cerveau est sur Jupiter! Si tu regardais bien ma tete, tu verrais qu'on ne voit pas mes yeux, que tout est eteint la haut! Mais bon, je me force. J'arrive a faire des phrases. Du moins, une par reponse... toutes les deux minutes.
Pis le mec qui prend les tickets me dit qu'au stop a Isnos, le village suivant a une vingt-cinquaine de kilometres, je vais avoir un siege. Ok. On arrive a Isnos. Je ne vois personne descendre du bus, il veut me le pondre ou son siege? je me demande. Il me dit de le suivre au fond du bus (soit 5 metres plus loin). La, il deloge une jeune femme, avec son bambin d'une quatraine d'annees qui dort sur ses genoux. Je ne comprends rien a ce qu'il lui dit. Il retourne a l’avant du bus, la nana se leve.
- Et toi? Tu vas te mettre ou? Je lui demande.
- La, parterre, dans l’allee.
- Non, non, non! Attends, t’as ton fils qu’est la, reste la... je ne vais pas prendre ta place, ca ne se fait pas.
Je retourne a l’avant, je dis au chauffeur que je reste a ma place a cote de lui, que la nenette elle a son mome avec elle et que je ne vais pas prendre sa place.
Non mais c’est dingue ca! Plus de 400 ans apres la conquista, le blanc, le gringo avec son fric qui pue, a encore tous les pouvoirs sur ce continent! Un jour, si j’ai le courage, je mettrai par ecrit ce qui m’ecoeure ici, et ce dont j’ai honte.
Pour le reste, ce fut six heures de piste defoncee. Bien defoncee, avec une sale radio en fond sonore (qui jouait ce qu’ils appellent electro rumba...), mais de magnifiques paysages, MA-GNI-FI-QUES! Que meme ca a reussi a allumer mon cerveau!
Un premier arret, pour le petit dej’, apres deux heures de route. Et puis un second, dans le village suivant, trois heures plus tard.
Et puis, arrivee a Popayan. Popayan, la ville blanche de Colombie [sans mauvais jeu de mots]. Ou je vais passer "la Navidad", Noel. Mon noel au soleil, pour sur, car ici le ciel est bien bleu, contrairement a San Agustin ou meme s'il faisait une vingtaine de degres, le ciel bleu etait rare. Un noel international puisque j'ai mis mon nom sur la liste du repas de noel de l'hostel ou je suis, tenu par un couple de jeunes Ecossais. De retour dans le monde des backpackers. Simplement parce que j'ai sympathisee avec une Espagnole qui logeait avec moi a San A.. Et qu'on a pris le meme bus hier matin, et que ces Ecossais, ce sont des amis a elle. Je n'avais pas envie de me faire chier a chercher un autre logement puisqu'elle est vraiment tranquille, et que j'avais un Noel en bonne compagnie d'assurer.
Pour la suite du voyage... Pffff... hier je pensais passer le 31 a Cali... mais on m'a dit que Cali serait mort le 31 car la Feria de Cali se termine le 30. Pfff.... Silvia, ce petit village indigene alors, a une heure au nord de Popayan, sur la route de Cali? Ou finalement le Parc National de Purace, un peu plus au sud, que j'ai apercu hier depuis le bus, et qui m'appelle de plus en plus fort, avec entre autre son volcan a 4700 metres, et ses orchidees sauvages peut-etre en fleur a cette saison?
La suite du voyage reste encore a se decider, je reste sur Popayan jusqu’au 25 inclus, le 26 je compte bouger, mais vers ou?... Au feeling, comme d’hab’! J
Je vous joins une video trop lourde que peu peut-etre vont pouvoir lire, et des photos qui suivent.
Mettez vos echarpes en pensant a moi en petites bretelles!
Et bien, il n’a pas eu lieu. Le “au soleil” fut remplace par de fortes pluies orageuses, ce genre de pluies que je n’avais pas vues depuis Bogota. Quant au “Noel”, il a eu lieu mais... sans reel esprit de festivite. Juste de quoi se conforter et se donner l’illusion que si, on va celebrer Noel comme si on etait a la maison.
Le 24, je me suis achetee un bonnet de Pere Noel dans la rue, avec mon nom en paillettes dorees dessus. C’etait pour me convaincre que c’etait Noel. Le soir, le chili con carne cuisine par Duane du Michigan, et partage avec ces voyageurs de tous les continents et de tous les ages, ne reussit pas non plus a apporter l’esprit de Noel parmi nous. Mon beau bonnet rouge n’y fit rien non plus, ni les preparations culinaires colombiennes de Noel preparees par Tony et Kim les proprios de l’hostel. Ce n’etait pas Noel dans mon coeur, et il semble que ca ne l’etait pas non plus pour les autres. Je mets ca sur le compte du climat principalement: Noel au soleil, c’est pas pareil. Il y a ca, et puis finalement pour moi, un Noel sans ses proches, c’est pas Noel. J’avais deja passe un Noel ailleurs, mais c’etait en Irlande, et parmi ma famille d’adoption irlandaise. Noel pour moi, ca se partage avec des gens qu’on aime, famille ou amis.
Finalement, vers 1h du mat’, j’ai suivi des amis colombiens de Tony et Kim, direction: New York! Une petite discotheque, eloignee du centre, au milieu d’une rue sans boutique ni bar. Et la, j’ai eu la banane jusqu’a 5h du mat’, puisque ca jouait du 100% salsa! Un reveillon de Noel, sous des airs de salsa, ca, ca m’a bien fait marrer! Et pis, une discotheque colombienne, ca veut dire tout le monde sur la piste, que de la bonne humeur. Ca m’a rechauffe le coeur, j’avoue.
Hier, c’etait repas de Noel dans un petit resto mexicain du coin de la rue, reserve pour nous, amis et residents de l’auberge de jeunesse. Un repas simple (un plat et un dessert), une trentaine de personnes. Pas Noel non plus. Pis j’avais face a moi le drapeau du Mexique, et toute la deco etait bien sur dediee au pays d’Emilio Zapata. Le patron: un Mexicain marie a une Colombienne. Ses traits trop aztecs me rappelaient inevitablement F.. Plus d’un an et demi que mon histoire avec lui est finie, pourtant tout ce qui se rapporte au Mexique me le rappelle, evidemment. Habituellement ca va, maintenant je n’en prend plus note. Mais la, passer tout mon apres-midi de Noel dans “son” univers, c’etait comme rouvrir une cicatrice, comme forcer la carapace qui me protege et que je me suis reconstruite, comme un mesquin coup de savatte dans les reins. Ca ne m’a pas empeche de converser avec mes voisins, d’eclater de rire, de trinquer a Noel avec quelques coupes de vin petillant, de passer un bon moment malgre tout et de faire comme si de rien n’etait. Mais le coeur n’y etait pas, vraiment pas.
Ce matin, je devais aller voir une finca qui produit du cafe bio, avec un couple suisso-colombien avec qui j’avais “fait la rumba” la nuit du reveillon. Mais je n’ai pas entendu le reveil a 9h, qui a pourtant reussi a reveiller Amaya, l’Espagnole qui partage ma chambre et rencontree a San A.. Ca m’enerve! Ca m’enerve parce qu’aujourd’hui, c’est encore comme une journee infructueuse. Rien de plus a faire, rien qui me fasse comprendre ce pays un peu plus. Ca m’enerve de faire du tourisme! Ce n’est pas ca que j’aime en voyage. Ici a l’hostel, je passe mon temps a parler Anglais. Pas que ca me derange reellement. Ce qui m’enerve, c’est d’etre dans une tour d’ivoire, sans contact avec les locaux. C’est pour ca que je n’aime pas les auberges de jeunesse en voyage, pour ca que je n’aime pas les villes. J’ai besoin de changer ca.
Demain, il faut absolument que j’entende mon reveil a 4h du mat’, peut-etre meme avant. Demain, je compte aller dans le Parc National de Purace. J’ai besoin de nature, j’ai besoin de gens de la campagne, j’ai besoin de m’eloigner du trafic, des boutiques, des feux de circulation. J’ai besoin de grands espaces, de grand air. J’ai besoin d’aller a la rencontre de la Colombie. Un sommet de volcan a plus de 4700 metres, un petit village, des communautes andines et des condors meme peut-etre, tout ca, ca devrait m’aider a me refiler la peche. Parce qu’aujourd’hui, oui, je me sens bof bof. Pas triste, non. Juste “bof bof”. Ca arrive dans tous les voyages les baisses de moral. Aujourd’hui, c’est le jour. Demain, ce sera mieux, j’en suis sure. Comme toujours.
En attendant, aujourd’hui l’humeur est grincheuse et maussade. Du moins interieurement, parce que les pauvres globe-trotteurs de l’hostel n’y sont pour rien, et ce n’est pas a eux de supporter mon coup de calgon. Je prend sur moi, et je file acheter mon billet de bus pour demain... parce que, cette fois-ci, je n’ai pas envie de jouer au loto: je ne suis vraiment pas d’humeur! Un autre jour dans cet univers et je pete un cable! Je veux retourner en Colombie! AAARRRGGGRRRHHH!
Apres deux heures de sommeil, j’ai bien entendu mon reveil sonner a 4h... Mais je me suis rendormie! Heureusement, un de mes anges est venu me sortir de mon sommeil une demi-heure plus tard et, le pas pressant et sous la pluie battante, je suis arrivee a temps au terminal de bus.
Je n’ai pas vu le trajet pendant les deux heures de bus, mes paupieres trop lourdes a cette heure matinale. Pas pour autant que j’ai dormi, je ne sais pas pourquoi parce que j’etais vraiment naze pourtant!
La fraicheur me saisit lorsque le bus me depose au croisement, d’ou un chemin doit me mener a l’entree du Parc National de Purace. Je regarde autour de moi et les montagnes alentours me saluent de leurs flancs verdoyants. En montant, le chemin m’offre une premiere surprise, au detout d’une courbe: vue plongeante sur la vallee et ses sommets ennuages. D’ou je suis, je suis deja bien plus haute que le tapis de nuages que j’apercois, recouvrant les sommets, plus bas. Magnifique!
Une fois mon petit dej’ d’oeufs sur le plat, de riz et de patates douces avale, en route pour la montee! Depart a 3000 metres... arrivee prevue 1760 metres plus haut!
Je trouve que je vais plutot bien pour ce debut, pas de probleme de souffle, et les jambes suivent aussi. Paysage magnifique bien sur. Je decouvre la flore endemique du parc, j’apercois une laguna plus bas sur la gauche. Et puis tous ces sommets, ces montagnes abruptes, et le tapis de nuages qui s’etend infiniment la-bas en contre-bas vers la droite.
Je fais l’ascencion avec Daniel, un Suisse qui m’a rejoint dans le bus ce matin. Il n’y a personne d’autre, c’est sauvage, et c’est magique! On espere a peine voir les trois condors residents du parc, les seuls existants en Colombie a ce jour. Je dis a peine, parce qu’a l’entree du parc, on nous a dit qu’il etait rare de les voir de pres, sauf quand les guardes eux-memes les nourrissent (ils ont ete relaches il y a quelques annees, et la nourriture sauvage pour eux se fait rare). Une pause de vingt minutes, et on repart. Bon, ben je sais pourquoi je ne fais jamais de pause quand je marche: ca fait mal quand je repars! Coupee dans mon rythme, Daniel a poursuivi devant, et j’ai continue seule, a mon pas.
Les pierres qui roulent sous mes pieds maintenant n’aident en rien l’ascencion abrupte du flanc du Purace. J’ai mal aux cuisses. C’est la seule douleur que je sens, mais pourtant elle me fait m’arreter touts les vingt petits pas. J’ai aussi quatre-cinq kilos sur le dos. Les conditions climatiques sont pourtant agreables, grisaille mais pas de pluie et le mechant vent qu’on m’avait predit venant fouetter le visage est inexistant. Il ne fait pas specialement froid non plus (je n’ai mis ma veste et mes gants qu’en approchant du sommet). Je souffre mais pourtant je suis heureuse. Quand je regarde autour de moi, je sourris. Et je me dis que la vue du haut doit etre encore plus spectaculaire. Je suis dans les Andes, au dessus des nuages, j’ai mal, mais je suis heureuse. Parfois douleur rime avec bonheur. Un accouchement, ou l’ascencion d’une montagne de ce point de vue la, finalement c’est un peu pareil, non? Ah! Ah!
J’apercois plus haut,pres du sommet, les cheminees de souffre, couleur or, d’ou s’echappe une epaisse fumee blanche. Le vent souffle dans la bonne direction, j’ai de la chance me dis-je, parce que bouffer des gazs sulfuriques, a cette hauteur, et en cour de grimpette, ca ne doit pas etre sympa!
Enfin, apres trois heures et demi d’efforts, mes pieds me menent sur la crete du cratere. Ouah! La meteo continue d’etre clemente et j’ai vue integrale sur ce cratere de 900 metres de diametre sur 100 de profondeur. Une legere fumee s’en echappe. Je verse une larme. C’est habituel chez moi. J’appelle ca “l’effet Mere Nature”. Et pis, il y a aussi le fait d’avoir souffert pour arriver la. La recompense. Vue degagee sur les Andes alentours, les nuages beaucoup plus bas maintenant, sur la vallee de Popayan je crois.
Je me sens bien. Toujours, quand je suis en pleine nature. Je me sens partie integrante du volcan, des montagnes, du vent, des nuages.
Je descend sur le flanc du volcan, voir les cheminees de souffre que j’observais en montant. Ouah! Cette couleur! Couleur fluo, couleur or. L’odeur de souffre reste supportable car les vents continuent de souffler dans la bonne direction. Daniel est la, il nest encore pas passe par le cratere... ce qui veut dire que j’ai atteind le sommet avant lui, meme si ca fait un quart d’heure qu’il est pose pres des cheminees! Ah! Ah!
On est reste une bonne heure la-haut, chacun se balladant de son cote, le vent et les nuages venant parfois nous rendre visite.
On boit le thermo de cafe, et nous voici pares pour la redescente. Comme d’hab’, j’aime pas. Mais la, c’est a mon tour de devancer Daniel!
Je l’attend un peu avant d’arriver au poste de la Croix Rouge, a mi-chemin entre le sommet et le “camp de base”. Lors de la montee, on avait parle a un macon qui nous avait promis un cafe lors de la redescente.
Quelques hommes travaillent sur le site pour construire un poste pour la protection civile. On a juste le temps de saluer quelques uns d’entre eux que ce a quoi nous ne pensions meme plus arriva: venant se poser sur l’antenne du batiment, quelques metres au dessus de nos tetes, voici l’ami Condor! Je ne sais pas si mes yeux et ma bouche grande ouverte ont reflete mon emerveillement!
Je n’y crois pas! Il est trop beau! Et il se laisse photographier!
On me dit que celui-ci c’est la femelle, que le male est encore bien plus grand. Le male... Et bien il ne faut pas attendre longtemps pour le voir arriver lui aussi! Ses ailes deployees, son plumage noir et blanc, son crane chauve, ses serres immenses... Majestueux! “A bord du Grand Condor, tu recherches les Cites d’or”...
Les artisans, comme nous, paparazzient les stars, ces oiseaux a l’origine de tant de legendes andines a travers tout ce continent. J’en avais apercus il me semble, quelque part dans les Andes argentines, mais ils etaient tellement hauts dans le ciel qu’ils ne paraissaient qu’un point noir dans l’immensite bleue au dessus de ma tete. Alors la, c’etait vraiment la premiere fois que j’en voyais, et de tellement pres!
Ils nous ont accompagnes tout le temps que nous sommes restes a papoter et a les observer. Parfois ils prenaient leur envol, faisaient un petit tour, et revenaient se poser sur l’antenne.
Des oiseaux d’une telle envergure, c’est simplement magique de les voir les ailes deployees, juste au dessus de nos tetes, libres et dans leur environnement naturel! Joli cadeau de Noel, je pensais. Et puis aussi, “Merci Alain”. Oui, alors que j’etais comme une petite fille devant ces maitres des cieux andins, je ne cessais de me repeter que sans lui, sans mon pere Noel de cette annee, je n’aurais pas ete la; que cette rencontre avec les condors, je ne l’aurais pas vecue. Ah!... Se rend-il compte, lui, la-bas, dans sa region nantaise, du geste qu’il a fait?...
J’ai du mal a me concentrer pour parler avec Eddy, sachant que ces grands rapaces sont juste au dessus de ma tete. Eddy travaille pour la Croix Rouge locale, il est la avec Andres, son collegue, et viennent juste faire du reperage. Ils nous proposent de nous redescendre dans leur camionette jusqu’a la mine de souffre, a deux kilometres de l’entree du parc.
Apres une bonne demi-heure, on grimpe donc dans le vehicule de la Croix Rouge, accompagnes des six artisans qui redescendent egalement. Ils nous deposent a la mine. Je retrouve le jaune dore du haut du Purace ici-meme. Quelques barraques, quelques mineurs sur le site bien calme, aujourd’hui Dimanche.
La mine emploie beaucoup d’hommes de la region apparement. Petit pincement au coeur, en pensant a eux qui bossent comme des chiens ici, se remplissant les poumons de gazs sulfuriques pour gagner trois fois rien sans doute. Et moi, sur cette meme terre, de passage simplement, et pour le plaisir. Je suis une gringa, dans toute ma laideur. Mais de passage, cette pensee s’echape comme elle est venue, lorsque je quitte le site pour continuer a pied jusqu’a ma cabane qui m’attend ce soir. On a remercie Eddy, saluer tout le monde et avons suivi la piste, facilement. Daniel m’a laisse a l’intersection, lui redescendant prendre le bus pour Popayan, moi retournant a l’entree puisque je passais la nuit ici.
En soiree, Hector, le maitre du lieu, me fit faire le tour des orchidees des alentours...
- Mais Hector! C’est la premiere fois que je vois des orchidees sauvages! Tu te rends compte?! ... Quoi? Ca pousse sur les arbres les orchidees?!
La nuit tombe, je n’ai pas le temps de bien les apercevoir.
Le lendemain, mon corps ne voulait pas se lever quand le reveil sonna a 7h. Pas de courbatures, non. Juste fatigue. Je lui dis qu’aujourd’hui on va marcher un peu, mais tranquillement, et que ce soir, on fera une bonne nuit.
Je file donc faire ma petite ballade orchideique autour du site avant de prendre mon petit dej’. Pfff... Tout comme je n’esperais pas voir de condors, je ne m’attendais pa a voir des orchidees en fleur a cette saison, car a l’hostel de Popayan, on m’avait dit qu’elles fleurissaient en janvier, et seulement pendant une semaine. J’appris et compris plus tard que cette info etait bien erronee... Rien que la, je vois une dizaine d’especes differentes, de toute forme, et de toutes les couleurs! Vraiment une fleur que j’aime: delicate et sophistiquee a la fois.
Le petit dej’ enfile, je pars avec Edgar, mon guide pour la journee.
Au programme: bus jusqu’a la Laguna San Rafael, puis huit kilometres de marche jusqu’aux termales de San Juan, en passant par la cascade del Beldon.
J’avais decide de prendre un guide, parce que je voulais avoir des infos sur la faune et la flore de ce parc, mais surtout sur la culture indigene des gens qui vivent dans le coin. Parce que le Parc National de Purace est aussi le lieu de vie de Coconucos, communaute de quatre mille familles indigenes.
A 8h30, on etait sur le point d’arriver au croisement lorsque le bus qui devait nous mener a la laguna nous passa sous le nez... En route pour dix-sept kilometres de marche donc! Le ciel est bleu, le soleil brille, ca pourrait etre pire. J’ai mon sac maintenant plein de sept, huit kilos sur le dos, que je vais devoir trainer avec moi si on ne trouve pas de voiture qui s’arrete (une seule passa, pleine, et ne fit pas arret).
Edgar, un peu timide (trait de caractere que je retrouve quasiment toujours chez les Andins), m’expliqua bien plus que je n’avais imagine. Il me raconta les neuf volcans du parc de la chaine de Coconuco, ses rares rencontres avec les ours andins; il me montra les fleurs, les orchidees sauvages comme d’autres plantes incroyables. Chaque plante ayant des vertues medicinales:
- De celle-ci, on utilise les graines pour faire de l’huile, et ses feuilles seches, on les utilise pour le mal d’oreille.
- Tiens, mache cette plante, ca empeche la soif et la fatigue.
- Si, la coca, on la mastique ici aussi. J’en ai chez moi mais comme je pensais qu’on allait prendre le bus, je n’en ai pas prise.
Et,
- Oui, la feuille de coca est illegale en Colombie...,
mais je suis comme soulagee de savoir que si, elle est encore presente dans les Andes colombiennes. Ceci, avant Edgar, je ne le savais pas, ou j’en doutais plutot.
Il me parle de la guerilla, qui jusqu’a il y a cinq ans dominait la region. Qu’aujourd’hui, les gens d’ici vivent un peu plus sereinement.
Il me conta nombre de croyances, et je retrouvais enfin ces themes andins que je n’avais jusqu’ici pas vraiment rencontres en Colombie: des lieux sacres, des esprits sur chaque montagne, chaque riviere, chaque cascade. La Pachamama. Et quand il apprit que le soleil sur mon poignet representait Inti:
- Ah! El hermano Inti!
Et il me raconta cette legende inca, du condor qui attrapa de son bec une piece d’or, la projeta tres haut dans le ciel, et fit ainsi naitre Inti, le dieu du soleil. La cascade del Beldon, a l’eau miraculeuse, et puis cette eau fraiche et claire d’un point d’eau sur le bord de la route, son eau favorite. Il la pecha a l’aide d’une bouteille accrochee a un fil que j’avais. Il le fit apres avoir demande (mentalement) la permission a la Pachamama, me confia-t-il plus tard.
Edgar me conduisit aux eaux thermales de San Juan ou il me montra encore d’autres especes d’orchidees en fleur. La, Pablo, le gardien du site nous fit le tour de ces eaux volcaniques, certaines chaudes, d’autres froides. Paysages majestueux, couleurs vives rouges, turquoises, blanches, jaunes, vertes et oranges, avec en toile de fond les sommets caches derriere les nuages.
Vers 14h, on choppa le bus en provenance de La Plata. Edgar descendit vingt-cinq kilometres plus loin, pour rentrer chez lui. Repos bien merite, car il m’avoua que de marcher sur du faux plat, pendant autant de kilometres, il ne le faisait jamais, et que ca le fatiguait bien plus que de monter le Purace (qu’il a grimpe 572 fois a ce jour!). Je le remercia, d’une chaude poignee de main et d’un regard qui je l’espere transmit tout mon respect et ma sincerite.
Journee magnifique, a travers un parc peu connu, peu visite mais qui offre pourtant de superbes paysages. Mais sans Edgar, cette ballade aurait ete bien pauvre, je n’aurai rien vu, rien compris. J’ai rencontre un peu plus de la Colombie, j’ai rencontre une autre facette de ce pays, qui je pensais n’existait pas. Premier haut sommet (4760, c’est rien pour les habitues, mais pour moi meme si j’adore randonner et la montagne, je n’avais encore jamais rien monte de si haut), premieres orchidees sauvages, premiere rencontre avec ces condors, et premiere approche et comprehension des cultures indigenes colombiennes. Le Parc National Purace a depasse de loin ce que j’esperais quand j’ecrivais ces lignes “Bof bof” dans ce cahier il y a quatre jours.
Aujourd’hui, je suis arrivee a Silvia, village indigene a une heure au Nord de Popayan. Je continue ma decouverte.
La fleme de continuer, je pose le crayon pour ce soir...
Quelques enseignements d’Edgar, et souvenirs en vrac:
- Les Coconucos = 4000 familles, - Un conseil de 14 personnes, - Pas d’habits traditionnels ni dialecte, - La coca se mache communement, mais seulement dans les montagnes, sinon les gens vous regardent bizarement et vous ne pouvez pas parler comme vous avez la boule dans la bouche, et que c’est interdit, - La plante a fleurs jaunes a poil (ne me souviens plus de son nom), pousse de 2 centimetres par an. A cent ans, elle seche completement et meurt. Sa graine est utilisee pour faire de l’huile,
- Chaque plante de la region est medicinale, - Les chamans existent toujours, tres communs, - A la cascada del Beldon, avant les gens venaient y baigner les nouveaux nes pour que les descendances vivent plus longtemps, - Les orchidees fleurissent pendant trois mois, - Il me montra l’espece de plante carnivore aux termales de San Juan, - Me demanda “sans vouloir m’offenser”, mon age et des questions sur mon pays et ses coutumes, - L’ours andin, debout, mesure 1.20 metre mais pese cinq a six cent kilos. Lui, il n’en a vu que trois ou quatre fois, - Le tapir se rencontre aussi dans le Parc National, beaucoup plus frequemment.
** Legende Inca du Condor et du Soleil**
Au Perou, les Incas travaillaient deja l’or avant que le jour n’existe. Ils vivaient dans l’obscurite. Un jour, ils virent un condor se poser. Il se mirent a le couvrir d’or, et le priere de reprendre son vol pour eclairer leurs jours sombres. Mais le condor ne volait plus.
Un jour, ils deciderent de l’emmener au sommet d’une montagne pour l’aider a s’envoler. Il leur fallu beaucoup d’annees pour le porter jusqu’a la-haut. Une fois au sommet, il s’envola, laissant tomber tout l’or dont les Incas l’avaient recouvert. Du sol, ils se mirent donc a lui lancer des pieces d’or afin qu’il les attrape pour les sortir de l’obscurite. Mais les hommes ne les lancaient jamais assez haut.
Un jour, un enfant, de ses deux mains, lanca une piece d’or si fort, que le condor l’attrapa de son bec. Il s’envola tres haut dans le ciel, et alla la deposer a l’endroit ou nacquit Inti, le soleil, qui vint tirer le peuple Incas de leur obscurite permanente.
21h, prete a me coucher. Pour une fois, je n’ai pas la pression de devoir faire la fete, les yeux rives sur l’horloge, attendant les douze coups de minuit, comme Cendrillon. Je n’ai jamais ete une grande fan du 31 Decembre, alors d’avoir passe la soiree en compagnie de Carlos et Nancy dans leur cuisine, ce fut tres bien pour moi. Ce sont les proprios du petit hotel familial ou je loge ici a Silvia, une ancienne demeure coloniale. Nancy est temoin de Jehova, et elle ne celebre donc pas ni Noel, ni le nouvel an. Parfait pour moi!
Hier, Carlos m’a emmene chez l’un de ses freres, me montrer le grand barbecue en preparation pour aujourd’hui (la famille de Carlos celebre le 31 Decembre, comme toute bonne famille catholique). Ici en Colombie, le 31 Decembre se celebre en famille, alors que le 24, c’est la fiesta entre amis et famille, les gens sortent davantage.
Aujourd’hui, j’avais choisi d’etre accompagnee par un guide pour me rendre sur le territoire des Guambianos. Les Guambianos sont, m’avait on dit, parmis les indigenes du pays ayant garde le plus leur culture traditionnelle. Personnellement, impression mitigee. On m’a demande de l’argent pour une photo, premiere fois de ma vie que je payais pour une photo... que j’ai effacee une fois de retour a l’hotel. J’ai dit a Fredy, mon guide, que ce n’etait pas mon genre et que je n’allais plus prendre de photo de la journee. Que j’etais la pour comprendre un peu leur culture, pas pour une visite de musee. Dans dix ans, les Guambianos seront-ils restreints a vivre comme les habitants des iles Uros du Titicaca au Perou? Les paquets de biscuits que j’ai achetes, sur recommendation de Fredy, pour donner aux enfants, ne m’ont pas autant deranges. J’ai essaye de virer cette idee que ce geste pour moi vehiculait, de gringa egal bonbons ou gateaux. Et j’essayais de la remplacer en me disant que pour eux, c’etait juste l’occasion d’une petite sucrerie et que si j’etais a leur place, je serais aussi contente de recevoir des biscuits que je ne dois pas manger tous les jours.
Heureusement, quelques bonnes rencontres m’ont apporte ce que j’esperais: un vrai echange de culture, un vrai partage de moments de vie. Nous nous sommes arretes parler a un groupe de femmes de differentes generations. Jeannet, Maria, Narcisa, la grand-mere, et Susana, la petite file de cinq, six ans. J’avais emmene mon petit album photo, et je leur ai montre les photos de mes parents, grand-parents, freres, photos de paysages franco-irlandais, de la maison de mes parents sous la neige, d’amies, du chien, de ma filleule, de Dublin, ... Elles, m’ont montre un monton [beaucoup] de photos aussi. Nous ont invites dans la cuisine pour une agua panela con queso, puis nous sommes descendues au rio nous baigner, chose qu’elles ne font jamais habituellement. Preuve: Susana a fait une colere, completement flippee de voir sa mere se baigner dans la riviere! Une fois sur le point de me rhabiller, Maria me demande a voir mon collier. Ce collier, fait de graines, je l’avais achete juste avant de partir de l’Ile de Paques, au marche. J’y tiens beaucoup, c’est la seule chose que je me suis achetee et que je peux avoir en permanence avec moi. Comme il est original, il fait toujours beaucoup d’effet ici en Colombie. Marie m’a demande si je pouvais lui vendre. J’ai refuse, lui expliquant que pour moi ce collier avait beaucoup de valeur, autre que pecuniere. Quelques minutes plus tard, je me suis dit que ce n’etait qu’un collier, que je retournerais sur l’Ile de Paques et que je pourrais me ramener d’autres souvenirs de ma petite ile du Pacifique. Je lui ai offert, en lui disant:
- Tiens, c’est un cadeau de fin d’annee pour toi. Prends-en soin, il est fragile. Maintenant, il est a toi.
Elle m’a demande de lui ecrire sur un papier d’ou il venait, et je lui ai parle un peu de cette ile lointaine. On a passe encore pas mal de temps toutes ensemble, Fredy a nos cotes, a discuter. Elles m’ont invitee demain, le 1er, a venir avec elles a l’election de leur nouveau gouvernement de la communaute. Un honneur pour moi, donc demain normalement, premier jour de l’annee, je le passe en bonne compagnie.
Sur le chemin du retour, on s’est arrete dans une autre maison. C’est de la qu’est diffuse la radio Guambiana, sur tout le territoire de la communaute (20 000 hectares). J’ai eu le droit de dire un mot en direct... premiere fois que je passais a la radio! Ah! Ah! J’ai souhaite une bonne annee a toute la communaute, leur ai souhaite d’avancer avec paix et amour, et les ai remercies de m’avoir accueillie sur leur terre. Ensuite, on m’a pose deux ou trois questions, et voila! C’etait fun!
C’etait ma journee du 31 Decembre 2009, et ce soir, ce fut une soiree tranquille comme les autres, facon Jehova... Jolie maniere de cloturer l’annee d’un calendrier qui pour moi ne veut de toute maniere pas dire grand chose.
Lilie, je sais que tu sais que je lis pas ton carnet en ce moment... mais j'ai juste pas le temps ! Je garde cela pour les moments de détente des mois à venir. Que du bonheur en perspective !
_________________ "Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
De toute manière, ce carnet ce n'est pas que pour vous, sinon je vous l'enverrais en MP. Il est ici en libre lecture publique, j'imagine que y a des PasVillageois qui passent par là, par hasard ou moins, qui cherchent à préparer un voyage, ou simplement pour rêvasser de destinations futures, ou rêvasser tout court.
La partie Ile de Pâques, bon, pour montrer un peu autre chose que les Moais. La partie Colombie, pour montrer un peu autre chose que ce que les journaleux nous balancent. Et le tout, pour montrer que voyager seul(e), et voyager tout court, c'est pas bien compliqué!
Je vous poserai juste une question à la fin, à laquelle j'aimerais bien que les lecteurs de ce carnet répondent.
Et en passant, un bise particulière à Pondichette si elle furete par ici et pas seulement dans le hall de la gare du Village!
Ratee pour le tour en chiva que je comptais faire ici a Silvia (je n’ai encore pas experimente)!. C’est en mini-bus au plafond trop bas pour ma taille d’Europeenne que je me suis dirigee vers midi sur le site de la celebration Guambiana. J’y ai retrouve Maria et Janeth.
Procession des anciens du conseil, des nouveaux elus, un air de fete populaire avec les momes qui courent partout a ciel ouvert, les marchands de bonbons et de cacahuetes, les mouvements de foule. Nourriture offerte et gratuite pour tous, des “Feliz ano” [“Bonne annee”] a profusion, accompagnes de timides poignees de main. Janeth a fait un tour d’horizon de la fete avec mon appareil photo. Beaucoup d’hommes saouls, comme toujours en Colombie les jours de repos et de fete. Encore plus parmi les indigenes j’ai l’impression.
Nous sommes redescendues a pied vers Silvia, toutes les trois. Je n’ai pas beaucoup parle sur le chemin, puisque mes deux amigas conversaient en Guambiano. Nous nous sommes arretes dans un cafe internet, afin que Janeth puisse recuperer les photos sur sa cle USB. Puis rapide tour sur la plaza du centre, et je les ai saluees en les remerciant de leur compagnie.
Dans l’apres-midi, je pensais aux gens dans le monde, a ceux pour qui le 1er Janvier est un jour special, et a ceux pour qui ca ne l’est pas: Chinois, Israeliens, buddhistes, ... J’ai pense a ma famille, a mes amis; aux Baduys, cette tribue animiste indonesienne avec qui j’avais passee un peu de temps en 2007; aux enfants du monde pour qui aujourd’hui etait un jour comme les autres. J’ai pense a Alberto de San Agustin, a Rafa, a Hilel.
Et puis ce debut d’annee fut chaperonne par la plus jolie nouvelle que je pouvais esperer: un message de quelqu’un, recu par e-mail... Un petit bout, qui vit depuis deux mois dans le ventre de sa maman, et qui me disait qu’il me connaissait deja... Sa maman, une amie d’enfance, me disant qu’elle aurait aime me l’apprendre de vive voix, mais comme elle ne savait pas quand j’allais repasser en France, alors... Pas la premiere fois que je loupe des evenements importants en etant loin... Pas facile, mais c’est un choix. Si je pouvais, je me clonerais, pour etre a la fois ici, a partager ces moments exceptionnels, et la-bas, parmis les gens que j’aime.
C’est chez Claudia que j’ai atteri. Premiere experience officielle de Couch Surfing, dans cette ville dont j’attendais tant (de salsa surtout!).
J’ai beaucoup aime Cali, ville aux allures de village parfois. La seule fois ou je suis sortie faire la rumba avec Claudia et deux de ses potes, et bien je n’ai meme pas danse! Snif! Salsa a donf pourtant, nous etions in vivo dans Cali by night, mais mes compagnons devaient sans doute etre les seuls Calenos qui ne dansaient pas. Tant pis pour moi. J’ai quand meme pu observer, et c’est impressionnant! Cali merite vraiment bien sa reputation de capitale mondiale de la salsa! Jeunes, vieux, dehors, dedans, c’est 100% salsa, et tout le monde danse! J’ai adore, meme si ce fut une seule experience. J’etais une mome aussi lorsque Claudia, son pere, des copains et copains de copains m’ont embarquee a l’alumbrado. Impressionant! Je n’avais jamais rien vu de pareil! Des millions d’ampoules, pour habiller la ville une fois la nuit tombee. Tout theme, toute taille, sur environs cinq kilometres le long de la riviere qui porte le nom de la ville qu’elle traverse, sur les deux rives!
Pour du reste de l’experience de Couch Surfing, mitigee: Genial pour partager la maison de Claudia et sa famille, vivre a leur rythme, manger de la nourriture quotidienne colombienne faite maison, aller au marche, etc. Par contre, mon hote n’etait pas la meilleure des guides, et passait la plupart de sont temps a regarder la tele ou sur Internet. Je lui ai pourtant dit que je pouvais me ballader seule en ville si elle avait des choses a faire mais non, elle me promettait toujours une sortie ensemble qui finalement jamais ne venait. Seulement le dernier jour elle m’emmena visiter le centre ville et sa soeur nous emmena le soir en voiture sur l’un des monts qui borde la “Sucursale du Ciel” comme on l’appelle ici. Sinon, les sorties, c’etait de nuit.
Je suis restee trois nuits chez eux, des gens adorables, une famille calena aux petits revenus mais le coeur sur la main. Je pense renouvele l’experience Couch Surfing ici en Colombie, parce que je prefere partager mon temps en ville avec des Colombiens plutot que dans des hostels ou je ne les cottoie pas, meme si etre hebergee chez des gens signifie compromis et ne pas faire ce que je veux quand je veux.
Prochaine etape Couch Surfing, peut-etre Manizales, ou Medellin... A suivre!
Cali, "sucursal del cielo"... l'incroyable énergie de la ville est à son paroxisme quand on s'y promène la nuit: la vie et la bonne humeur sont partout dans la rue, jeunes comme vieux s'y retrouvent dans les rues pour passer un bon moment, en tout simplicité.
Magdanela. C’est par elle que je dois commencer. Personnage haut en couleur, pleine de folies, artiste, voyageuse, masseuse, psychologue, et bien plus. Elle vit dans cette reserve naturelle, la plus petite du pays je crois. Chaque soir chez elle, c’etait des veillees a refaire le monde, a chanter, a boire aussi parfois, a rire, a tirer le tarot en compagnie d’amis, ou d’amis d’amis a elle, differents tous les soirs.
De ces discussions, celle du dernier soir me toucha vraiment, parce qu’elle m’ouvrit les yeux sur un fait de societe colombien dont je ne me doutais pas: l’inceste. Magda est une costena de la cote Caraibes colombienne. C’est elle qui m’apprit que la-bas, cette pratique, meme si moins courante ces dernieres quinze annees, existe toujours. Un homme pere de soixante-six enfants, ou recemment dans la presse, un homme de trente trois ans avec deja trente enfants. Inceste, viol, et pedophilie plus que polygamie puisque ces pratiques se font sur de jeunes filles, voir des enfants. J’etais echoeuree, je n’y croyais pas! Le phenomene aurait eclate au grand jour au debut des annees 90, lorsqu’une etude se pencha sur le grand nombre de malformations et de maladies genetiques dans le pays, plus particulierement au Nord, dans le departement de Boyaca.
Non sans tord, Magda nous rappela que lors de la Conquista, le viol des indigenes etait pratique courante par les Espagnols, si ce n’est systematique... Et que l’Amerique Latine d’aujourd’hui recolte encore les fruits de cette epoque... Magda conclua sur le sujet en ajoutant que Salento meme, etait un blede avec inceste “oh! Tu ne le croirais pas!...”
Mais Magda, c’est bien plus que ca. C’est elle qui fait vivre ce lieu, qu’elle a fait naitre il y a vingt ans, et au milieu duquel elle evolue avec legerete. En journee, entre deux coups de marteau, ou de pinceau, on l’entend toujours chanter. Debout a 6h le matin, elle n’arrete pas, telle une abeille dans sa ruche. Les repas sur la grande table coloree sous le patio sont autant de chances d’echanger de nouveau, et seulement le soir venu, elle se pose, en chef d’orchestre, lancant un poeme, un air, un theme. Magda... pilier de ***, lieu de rencontre et d’echange.