Terminal 1. Les points d’enregistrement d’Aer Lingus sont fermes, et je ne vois pas de guichet de la compagnie. Point information, ou un mec blase et fatigue tente de rester humain en repondant aux questions des passagers. Mon tour.
- Non, il n’y a pas de bureau d’Aer Lingus.
- Et comment je fais si je veux avoir des informations sur mon vol?
- Il faut aller au comptoir de Swissport.
- Ah... et il est ou?
- Plus loin, la bas.
Ouh!... J’avais oublie ce que c’etait de tirer les vers du nez a quelqu’un quand depuis deux mois, a chacune de mes premieres questions d’orientation ou de recherche d’information, on me repondait avec un grand sourire, en prenant son temps, et souvent en sortant de sa boutique ou de son comptoir, pour me montrer la direction a suivre.
Ca fait un moment maintenant, depuis le posage au sol, que je me dis que j’avais oublie ce que c’etait que le retour d’un voyage, que j’avais oublie que s’il y a une chose que je n’aime pas en voyage, c’est bien le retour, parce que c’est le plus dur.
Finalement, on me dit que je ne peux pas avoir ma carte d’embarquement avant 18h. Bon, bien maintenant je n’ai plus qu’a trouve le point touristique (parce que le mec blase et fatigue me dit que c’est la-bas ou je dois me rendre pour savoir comment aller en ville). Facile, me dit-on:
- Tu marches dix minutes jusqu’au Terminal 2 pour prendre le metro, et apres ce sont deux metros jusqu’a la Plaza de Espana.
Plans de metro et de la ville en poche, je me dirige vers le metro, toujours dans l’aeroport. De nouveaux escalators et couloirs me ramenent sous terre. J’arrive enfin au metro. Les gens courent, et moi, j’avance en suivant les panneaux en me sentant toujours aussi etrangere a ce monde. Pas un papier parterre, le metro arrive dans trois minutes, un grand ecran plat montre les infos, Haiti sous les decombres du tremblement de terre. La machine arrive, je grimpe. Mes mains sur la rampe, je realise qu’elles sont bien bronzees comparees aux autres mains sur la meme rampe. Je regarde autour de moi et je suis frappee de voir des visages blancs, pales, et livides. Juste quelques rares gens de couleur se distinguent dans cette foule a l’air malade. En Colombie, j’etais palotte comparee aux autres; ici, c’est l’inverse! Et moi qui pense d’habitude que les blancs espagnols ont le teint plus fonce qu’en France...
Les gens me regardent, plutot mon poncho, qui bien que raye noir et blanc, se distingue dans l’uniformite et la sobriete de gris, noirs et marrons. Ah! Apres le manque d’odeurs pour mes narines, voici que mes yeux reclament ces couleurs chaudes et vives des vetements estivaux! Fushia, vert, rose, bleu, orange, ... Ca, me dis-je, j’ai juste a attendre d’etre a Dublin pour en retrouver, la mode y etant tres coloree toute l’annee, sans doute pour combler le manque de soleil, ou s’en donner l’illusion.
Je lis 14h sur la montre d’un de ces blancs poignets. Trois heures quasiment que l’avion a atteri, et je n’ai rien vu d’autre que l’aeroport, a peine apercu le ciel, et toujours rien senti que la clope et l’air conditionne, si celui-ci sent quelque chose.
Changement de metro. Les gens courent a nouveau. Mais pourquoi ils courent?! me dis-je, il y a un metro toutes les trois minutes! Soudain, je me dis que d’ici quelques jours surement, moi aussi je me mettrai a courir...
Enfin, je me trouve a l’air libre, sortie du monde sous-terrain! Plaza de Espana. Je respire a fond, et a mon desespoir, je ne sens rien, que l’air frais sur mon visage. Frais, mais pas froid, bonne surprise, la premiere. Quelques metres dans une allee, et enfin une odeur! Celle de la crotte de chien... Puis celle de l’alcool quand je passe un banc habite par deux clochards. Puis a nouveau, plus rien.
En suivant mon plan, je me dirige vers le palais royal. C’est la, sur la Calle Bailen, que je comprends que ca ne sert a rien de chercher des odeurs, qu’ici, il n’y en a pas. Pas de marchands dans les rues, pas de garages, de vendeurs de caoutchouc, pas de fruits, pas de marchés, pas de portes ouvertes. Les odeurs ici sont naucives, on n’aime pas. On les garde a l’interieur des bars, des restos, et le reste c’est a l’exterieur de la ville ou cache derriere des portes bien fermees.
(...)
Lilie