Nelson,
04.12.2011
Ford’s. C’est le nom du restaurant recommandé par l’ancien ranger du Nelson Lakes N.P. Recommandé pour son poisson et ses fruits de mer, entre autre. Pas un choix énorme sur le menu, mais le fish of the day m’allait très bien, d’autant plus que c’était un poisson dont je n’avais jamais entendu parler. Un poisson local forcément, au nom qui m’a échappé bien que j’ai redemandé son nom en payant la note (j’en ai marre de ne pas avoir de mémoire auditive !).
Quand le serveur l’a apporté, j’ai cru qu’il s’était planté, je croyais avoir une escalope de dinde dans l’assiette ! J’ai scruté quelques secondes avant de prendre les couverts. En tâtant, ça ressemblait aussi à une escalope de dinde. Je pique la fourchette, et je dois aussi utiliser mon couteau (à viande) pour réellement « couper » la bête. Au toucher, ça ressemblait donc aussi à une bonne escalope de dinde, en plus tendre. Vint le moment de vérité quand j’introduisis le premier morceau dans ma bouche, que je l’emprisonnais et commençais à le passer au moulin à saveurs. Oh ! Orgasme ! Culotte mouillée, yeux pétillants, mais bouche fermée tout de même : ce poisson (car c’est bien du poisson !) est un délice !
Chaque bouchée fût délectée avec le même plaisir, un plaisir que j’ai oublié après presqu’une décennie à vivre en Irlande. Je me demandais justement si ce poisson était vraiment si délicieux, plutôt si ce plat était réellement si bien cuisiné (j’orgasmais même sur les légumes, jusqu’aux baby potatoes, so crispy and nice !), ou si c’était simplement l’effet d’un palais ayant perdu l’habitude des saveurs. Je crois vraiment que mon standard gustatif a baissé après tant d’années en Irlande. Mon seul menu trois étoiles est composé du poulet si tendre cuisiné par Maureen et des brocolis-carrotes-mashed potatoes tout aussi tendres. Attention ! Ceci n’est certainement pas une offense à la cuisine de Maureen, au contraire ! Ses plats sont les meilleurs que je puisse manger en Irlande, tellement « homie » et cuits à la perfection . Les restos à Dublin, j’en ai testés des tas : libanais, indonésiens, marocains, créoles, mauriciens, japonais, et je ne parle pas des fades indiens et de leur plat star chicken Tikka Masala ou des italiens qui servent (tous) des pizzas au cheddar. Manque d’originalité, manque de saveurs.
J’ai perdu beaucoup de ma « francité » en vivant en Irlande, mais j’ai réalisé il y a quelques années que certains aspects de ma gauloiserie étaient toujours très présents, l’un d’entre eux étant l’éducation gustative, plus que gastronomique. Mon palais reconnaît et aime les bonnes choses, et bien que celles-ci ne me manquent pas, jamais, au quotidien (sauf si on prononce le mot « fromage »), je sais les apprécier quand elles se présentent à moi. Donc mon orgasme de tout à l’heure, il faudrait que des gens habitués aux bonnes choses goûtent à leur tour ce plat de la mer, pour confirmer, ou pas, si c’était effectivement justifié.
Ce poisson-escalope-de-dinde, je l’ai dégusté en remerciant le vieux ranger, un verre de sauvignon blanc local dans la main droite. Le détail marrant, c’est que Ford’s, je suis tombée dessus par hasard en traversant la rue, et que je ne le cherchais même pas ! A la base, je me dirigeais vers un café turque-méditerranéen dans lequel j’avais mangé un très bon breakfast à mon arrivée à Nelson Lundi dernier. Et à voir le nombre de café-restos qui servent des menus appétissants, je me dis que les Néo-Zélandais, contrairement aux Irlandais, savent apprécier la nourriture comme un plaisir de la vie, et non pas la considérer dans sa seule fonction vitale et physique. Donc de Ford’s et son poisson orgasmique, j’ai voulu en tenter ses desserts. Le risqué tiramisu qui m’écœure ou me déçoit dans 50% des cas, fût celui pour lequel je fis pourtant mon choix. Une large portion qui me faisait déjà saliver arriva sous mon nez. Fraîche à vue d’œil, elle l’était aussi sous la langue qui claquait : double orgasme ! Je ne me souviens pas avoir mangé un tiramisu aussi bon !
Là encore, en savourant ce délice le sourire aux lèvres, je me demandais si mon jugement n’était pas affecté par tant d’années de privation gustative, mon niveau d’exigence pour apprécier un plat réduit au minimum, faisant d’un plat disons médiocre pour un Français lambda, un plat d’excellence sous mes papilles. J’avais eu les mêmes sensations orgasmiques en Pologne en janvier dernier, avec de simples produits frais, légumes de saisons, viande locale, et dans des endroits populaires pour les locaux. Une décennie en Irlande, ça fade le palais !
Ford’s, un endroit que je conseillerai évidemment à qui saura apprécier les plaisirs de l’assiette. Et voià ! Quelques pages griffonnées sur un simple diner actuellement en digestion. La partie gauloise qu’on ne peut me retirer…
(...)
Lilie