- Je sais, c’est irréel !
- Dans un sens, tu sais, ça me rassure que tout ça existe encore en Irlande...
- Oh oui ! Ca existe encore, je t’assure ! Le troupeau de chèvres dans les rues de Limerick, c’était hier, et le vieux tracteur sans vitre sur le ferry pour traverser le Shannon, c’était Dimanche ! Quant aux nids de poule de 50 centimètres de large sur 20 de profondeur, pas étonnant que ma direction est complètement morte, je suis obligée de tirer mon volant vers la droite pour rouler droit !
Sue est une Dublinoise de 24ans, et comme tout Dublinois, elle ne connait pas l’autre Irlande. L’autre Irlande, c’est celle où j’ai atterri il y a quelques mois. Grand choc, pour moi Dublinoise d’adoption depuis des années, d’atterrir dans le trou du cul du Kerry. Je veux dire, le Kerry, c’est déjà bien paumé sorti du fameux “Ring”, mais là où je suis, c’est la queue du Mickey !
Pourtant c’est beau. Très. Je ne me lasse pas tous les soirs des balades sur les 3 kilomètres de sable fin à 200 mètres de chez moi vers la gauche, ou bien de celles sur les falaises à 200 mètres de chez moi vers la droite. Je ne me lasse pas de la péninsule de Dingle, de ses montagnes, de ses lacs cachés ou non, de ses moutons, de son Atlantique, de ses cascades, de ses douces courbes, de ses paysages colorés parsemés de taches sombres que le vent fait transiter sans cesse.
J’aime l’Irlande, ce n’est pas nouveau. Je ne m’en lasse pas, je ne m’en lasserai jamais. Elle est simple, mais enchanteresse. Elle est romantique, elle est douce mais sauvage. Elle est surtout ressourçante.
Les mots d’un Couchsurfer qui a surfé mon canap’ la semaine dernière, fraichement revenu chez lui, me maile ce soir ces mots à propos de son séjour :
“(...) les 2 premiers jours j'étais un peu déboussolé, je n'avais pas vraiment de repère, tout allait très vite. Je pense que c'est la balade sur la plage qui m'a permis de ralentir un peu (...)”.
Je ne lui avais pas posé de questions, il m’avait juste dit que ce voyage en Irlande, c’était pour faire un break, qu’il avait besoin de changer d’air, et que pour un premier trip en solo l’Irlande lui avait paru ce qu’il lui fallait. Il m’avait parlé de l’accordéon, une passion d’enfant qu’il avait plus ou moins laissé tomber il y a quelques années. Dans son mail ce soir, il m’annonce qu’il a commencé des cours d’accordéon, 2 jours seulement apres être rentré d’Irlande.
Ce weekend, c’est une amie à moi qui venait faire son baptème irlandais. Je l’ai baladée vers chez moi, sur Dingle à côté, et jusqu’aux falaises de Moher, à 2h de trajet de chez moi, au nord, dans le comté de Clare. Elle non plus n’allait pas très bien en venant en Irlande, et prenait elle aussi cette opportunité pour changer d’air. Sur son Facebook ce matin, je lisais :
“je suis rentrée mais j’avoue que je serais bien restée plus longtemps. Je me sentais bien là-bas.”
Aujourd’hui, j’avais comme souvent envie de crier mes élans d’amour pour cette île. D’avoir passé quelques jours à la faire découvrir, d’avoir passé quelques jours à aller la chercher, sur ses routes cabossées, je me suis une fois de plus rendue compte qu’elle avait un pouvoir de séduction énorme, qu’elle réussissait toujours à m’émerveiller, et bien souvent par des trucs cons : ses nuages, toujours là, mais jamais les mêmes, qui façonnent les paysages au gré de leurs humeurs ; cette lumière surtout, magnifique, et qui met si bien en évidence toute la palette de verts existant sur Terre ; ses moutons à cornes complètement flippés de la vie qui pourtant une fois posés sur la route ont besoin de 3 coups de klaxon pour vous céder le passage.
Je sais bien que tout n’est pas parfait ici, la surconsommation pondue du tigre celtique m’énerve par exemple. Le système de santé est digne de celui du Salvador (12h d’attente en moyenne aux urgences, mais on est sympa, on vous allonge parterre à côté des ordures en vous piquant à la morphine de temps en temps pour vous faire patienter) ; quant à l’état des routes, elles égalent parfois ce que j’ai pu voir au Pérou ou en Bolivie. Nous sommes pourtant en Europe, dans la zone Euro.
Ca n’empêche que vous pouvez lui trouver tous les défauts du monde, je l’aime. Mon coeur y a posé ses godasses il y a des années, et les miennes de godasses peuvent bien faire le tour de la planète, je sais qu’elles me ramèneront toujours ici, histoire de prendre une Guinness avec mon coeur sur un petit tabouret à trois pieds autour d’une table de liliputiens.
J’aime l’Irlande. Mais j’aime aussi les Irlandais. L’un ne va pas sans l’autre.
Cest une fausse idée de croire que les Irlandais sont des Celtes. Il n’y a plus rien de celte ici, rien à voir avec la Bretagne, ni même l’Ecosse. Le seul trait celte que je leur trouve vient de mon imaginaire, et c’est leur non-organisation, ce grand foutoir dont ils sont rois et qui me rappelle les scènes de tapages dans les BDs d’Astérix, où c’est le désordre le plus complet, où personne ne contrôle plus rien, et où pourtant le village continue de vivre dans la bonne humeur ambiante. Ils me font un peu penser à ça, les Irlandais. Rigueur ne fait pas partie du vocabulaire, et logique non plus. Les exemples dans la vie de tous les jours ne manquent pas. De quoi rendre fous les extrêmistes de la perfection que nous sommes, nous autres Français.
Bizarrement ça ne m’a jamais tapé sur le système leur “jean-foutisme”, peut-être parce que j’en suis une aussi, de jean-foutiste. Que ça me fait rire, plutôt que de me faire m’arracher les cheveux. Je trouve ça plutôt sympa pour un pays d’Europe d’ailleurs, ce côté brouillon. Pis on ne peut pas leur enlever leur “easygoingness”, ça non !
Au parking de l’aéroport l’autre soir, alors que la machine n’acceptait pas ma carte pour me laisser payer et sortir, j’ai pressé le bouton “Help !” et le mec de l’autre côté du bigophone me demande depuis combien de temps je suis stationnée.
- Euh... je ne sais pas, une demi heure...
- C’est bon, je t’ouvre la barrière.
Ma cops qui venait de débarquer de France m’a fait :
- Ben ils sont cools ici ! Il t’a laissée sortir sans payer ?
Moi, même pas surprise :
- Ben... ouai ! Ils sont cools les Irlandais, tu vas voir!
Cette même cops, au pub l’autre soir, alors que j’étais occupée à commander au comptoir, se met à tirer sur ma manche, de toute sa timidité, en me disant :
- Hé ! Hé ! Il y a un mec, il me parle je sais pas ce qu’il veut...
J’ai répondu qu’il allait falloir qu’elle sorte ses 2 mots d’anglais de sa poche, parce que si elle me tirait sur la manche à chaque fois que quelqu’un lui parlait ici au pub, elle allait finir par trouer mes fringues !
J’ai parfois entendu des étrangers critiquer la culture pub, et trouver ça superficiel puisqu’une fois la porte du pub franchie, à moins d’être de bons amis, on ne se connait parfois plus. En France dans un bar, on ne parle tout simplement pas aux étrangers ! Alors je ne trouve pas ça superficiel du tout. Les Irlandais vont au pub pour s’amuser, et c’est ce qu’ils font. Ils laissent leur problèmes chez eux, et le pub remplit complètement sa fonction sociale de défouloire et de détente. Au pub, on y rit, on se donne des claques dans le dos, on se parle. Et peu m’importe maintenant si je sais que je ne reverrai jamais la personne qui vient de me parler quand j’attendais ma commande de boissons au comptoir, et peu m’importe si les plus grandes discussions que j’ai avec untel se font entre les quatre murs d’un pub. Il y a du rapport humain, bon, quoi qu’on en dise.
Oui, j’aime l’Irlande. Elle me fait du bien, elle me ressource, elle m’appaise, c’est elle qui m’a vue grandir, c’est elle qui soigne mes bobos, comme une grand-mère attentionnée, et c’est chez elle que je me sens bien quand mes retours de voyage sont trop durs à encaisser. Pourtant j’ai décidé de la quitter. Non que je ne veuille plus d’elle. Mais parce que j’ai besoin de retourner à mes racines, et pour plein d’autres raisons qui n’ont pas leur place dans ces mots. Mais rien que d’y penser, à ce jour où je la quitterai pour de bon, j’ai un gros noeud qui vient se former dans ma gorge, et putain de merde y a encore mon écran qui devient tout brumeux !
Quand ces pensées me viennent, je me rassure en me disant qu’elle n’est qu’à 1h de vol de la France, et que je serai toujours aussi contente de la retrouver occasionnellement. Je crois même que tous mes futurs voyages auront pour ville départ et retour Dublin, parce que je me suis rendue compte récemment qu’un retour de voyage à Dublin, c’est vachement moins brutal qu’un retour en France. Sans doute parce que Dublin, même si bien différente de l’Irlande dont je parle plus haut, a tout de même ce trait caractéristique irlandais, ce côté un peu jungle, qui fait sans doute la transition entre mes destinations voyage favorites et une Europe que je trouve souvent trop aseptisée. Dublin, mon autre Amour. Je l’aime autant que l’Irlande, mais je les distingue pourtant, la capitale du pays n’a rien à voir avec le far west où je suis maintenant. Des similitudes, certes. Mais la vie y est trop différente, deux mondes différents.
J’arrête là pour ce soir, parce que l’Irlande, je peux en parler des heures ; j’en ai déjà écrit des pages, des bribes de vie, et j’en écrirai sans doute de nombreuses encore.
Ha ! Ireland, Ireland, Ireland... I love you. And I will always do.
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Lilie
Dernière édition par Lilie le Mar 11 Mai - 1:42, édité 1 fois