Lorsqu'ils sont revenus d'Irlande, ils nous ont dit à quel point ils avaient été emballés par les Bed and Breafast, les paysages, les filles aux yeux verts, les pubs où la Guiness coulait à flots, et aussi par la pluie qui était plutôt une caresse qu'un inconvénient touristique. Avaient-ils assisté à des courses de lévriers? leur ai-je demandé. Non, il y a mieux a faire en Irlande ont-ils affirmé. Et Cork ? Cork ! Passez votre chemin, il n' y a rien à voir !
CYNODROMES
Un beau jour du mois de mai, nous avons débarqué en Irlande avec un ami qui conduisait sa propre voiture. Dès le premier soir, nous découvrîmes l'ambiance d'un petit cynodrome de campagne, entouré par des gens chaleureux, des mômes qui "faisaient le papier" en notant les informations contenues dans le programme, en observant la présentation des 6 partants et, une fois le pronostic établi, ils couraient aux guichets minimum 20 cents. Les gros parieurs, des billets plein les mains, s'empressaient aux autres guichets.
Personnellement, ce fut en Italie où je vis pour la première fois une course de lévriers. Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, il s'en déroulait même dans la région parisienne - j'ai entendu parler du cynodrome de Courbevoie.
Un Irlandais nous a expliqué le fonctionnement des paris : six partants pour chaque course, seuls comptent les deux premières places ; on peut donc jouer gagnant (1er), placé (1er ou 2 ieme, pas d'importance), gagnant/placé (on touche gagant et placé), ce qui rapporte le plus c'est le couplé uniquement gagnant, c'est à dire qu'il faut avoir les deux premiers dans l'ordre d'arrivée, ainsi, au cynodrome de Galway, j'ai eu le plaisir de gagner 3 livres 50 en misant 20 cents...une grosse cote !
Vraiment, j'ai apprecié ce spectacle à l'échelle humaine, son côté familial, les guichetières qui devenaient adorables lorsque je leur faisais part de ma nationalité, et puis toujours ces poulbots d'Irlande, d'un sérieux confondant, professionnels jusqu'à se coiffer d'une casquette en tweed, visière bien inclinée sur le nez ; ils se dressaient sur la pointe des pieds pour pouvoir déposer leurs pièces aux guichets des paris. Que de bons souvenirs ! Surtout cette belle soirée, dans un des deux cynodromes de Dublin, où nous avons assisté à la victoire de Squeeze the Blue dans la "Guiness Cup" devant pas moins de 4000 spectateurs. Il a gagné avec trois longueurs d'avance, quel champion ! Je revois la fierté, la joie tranquille de la famille propriétaire. Tout de même, je suis surpris de n'avoir jamais oublié le nom de ce lévrier : Squeeze the Blue !
UN PUB, UNE VILLE
Je me souviens d'un dimanche après midi, sur les hauteurs de Cork, un quartier où il n'y avait rien à voir sauf l'essentiel : la rencontre des êtres humains. Nous avons poussé la porte d'un pub...oh le monde ! A ne pouvoir se caser sur la moindre banquette ! Pourtant, toute une famile nous fit signe de venir nous assoir près d'elle. Ils se sont serrés les uns contre les autres pour nous dégager deux places.
C'etait un après midi où même le soleil s'invitait dans les coeurs.
En buvant des pintes, en échangeant quelques mots avec nos voisins, nous nous sommes impregnés du moindre détail de cette ambiance populaire : les heures glissaient sur nous sans que nous nous en rendions compte, comme si nous étions des habitués de ce lieu, des Irlandais parmi les Irlandais. Un enfant s'approcha de notre table. Le chef de famille nous présenta son fils qui, sans demander son reste, s'empara du verre de son paternel et trempa ses lèvres dans la mousse pour boire une gorgée, puis s'en retourna vers sa partie de fléchettes.
Une petite route de campagne qui longe la baie de Kinsale. Un pub, unique. Deux types en chemises blanches, pantalons noirs, adossés au parapet, les jambes allongées sur le sol, dégustaient leurs bières devant ce somptueux panorama. Je suis allé vite prendre ma pinte, et me suis installé face à la mer. Tout était en osmose ! Une adéquation parfaite de la bière, du soleil et de l'air si limpide. Donnez-moi encore des baies de Kinsale, des mers étales où dansent des myriades d'étoiles solaires, et je dégusterai toutes les bières que vous voudrez !
Et si on reprenait une Murphy ?
L'AMERICAINE.
Je me demande si ce n'est pas a Kinsale où nous avons dormi l'unique fois dans une auberge de jeunesse. Une expérience que nous n'avons pas renouvelé puique les B and B étaient suffisamment agréables par rapport à cette nuitée de caserne que nous venions de vivre. La chef de caserne, une dame énervée. Alors que nous lui demandions nos cartes, elle nous offrit un balai et nous intima l'ordre de balayer ! Nettoyer avant que de partir, c'est le réglement ! L'Americaine et son ami que nous devions déposer dans une prochaine ville se mirent aussi au travail, avec un enthousiame qui compensa l'absence du nôtre, et avancèrent ainsi notre depart.
Sur la route, confortablement installée sur les sièges arrières avec son copain qui, lui, ne parlait pas un mot de francais, l'Américaine semblait soulagée d'etre en notre compagnie, de parler notre langue.
Mademoisele étudiait la littérature de son pays, ce qui m'a mis en joie. Quand je me suis informé si elle avait apprecié "Walden, ou la vie dans les bois" de H.Thoreau, j'ai mis le pavillon de la littérature en berne : elle ne connaissait pas, ce n'était pas dans son programme ! J'ai cru qu'elle plaisantait. En fait, non ! J'ai fini par me fendre de deux trois mots sur l'influence de Thoreau pour le mouvement hippie des années 60, le refus de vivre dans un cadre imposé, le rôle de la nature, et surtout la désobeissance civile. J'ai aussi ajouté qu'un soir de noël, plutôt que de réveillonner en famille, j'ai préferé rester dans les "bois de Walden". Cela l'a abasourdi !
Ensuite, nous avons abordé d'autres sujets.
Lorsque nous atteignîmes la ville où nous devions les déposer, l'étudiante fut desappointée ; son copain, lui, fut ragaillardi à l'idée de ne plus nous voir. Nous échangeâmes nos derniers mots devant la voiture, puis, comme le yankee s'impatientait, ele s'est jetée dans nos bras, nous embrassa comme si elle partait vers l'enfer, et l'autre, qui râlait, la tirait par la manche de son blouson en disant des ok ! ok !
Nous les avons regardé partir. Comme nous l'avions parié, ele s'est retournée pour nous adresser un dernier grand salut.
( Mon incomprehension devant son ignorance de Thoreau n'avait pas lieu d'être. Je m'en suis rendu compte des années plus tard en lisant le sociologue américain, Christopher Lasch, dans son livre intitulé : "La révolte des élites". Il analyse, decortique l'éducation, l'université américaine : on en reste pantois ! A lire aussi "le complexe de Narcisse" Ces deux livres se lisent avec un crayon dans la main tant l'envie nous prend de souligner des passages)
CYNODROMES
Un beau jour du mois de mai, nous avons débarqué en Irlande avec un ami qui conduisait sa propre voiture. Dès le premier soir, nous découvrîmes l'ambiance d'un petit cynodrome de campagne, entouré par des gens chaleureux, des mômes qui "faisaient le papier" en notant les informations contenues dans le programme, en observant la présentation des 6 partants et, une fois le pronostic établi, ils couraient aux guichets minimum 20 cents. Les gros parieurs, des billets plein les mains, s'empressaient aux autres guichets.
Personnellement, ce fut en Italie où je vis pour la première fois une course de lévriers. Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, il s'en déroulait même dans la région parisienne - j'ai entendu parler du cynodrome de Courbevoie.
Un Irlandais nous a expliqué le fonctionnement des paris : six partants pour chaque course, seuls comptent les deux premières places ; on peut donc jouer gagnant (1er), placé (1er ou 2 ieme, pas d'importance), gagnant/placé (on touche gagant et placé), ce qui rapporte le plus c'est le couplé uniquement gagnant, c'est à dire qu'il faut avoir les deux premiers dans l'ordre d'arrivée, ainsi, au cynodrome de Galway, j'ai eu le plaisir de gagner 3 livres 50 en misant 20 cents...une grosse cote !
Vraiment, j'ai apprecié ce spectacle à l'échelle humaine, son côté familial, les guichetières qui devenaient adorables lorsque je leur faisais part de ma nationalité, et puis toujours ces poulbots d'Irlande, d'un sérieux confondant, professionnels jusqu'à se coiffer d'une casquette en tweed, visière bien inclinée sur le nez ; ils se dressaient sur la pointe des pieds pour pouvoir déposer leurs pièces aux guichets des paris. Que de bons souvenirs ! Surtout cette belle soirée, dans un des deux cynodromes de Dublin, où nous avons assisté à la victoire de Squeeze the Blue dans la "Guiness Cup" devant pas moins de 4000 spectateurs. Il a gagné avec trois longueurs d'avance, quel champion ! Je revois la fierté, la joie tranquille de la famille propriétaire. Tout de même, je suis surpris de n'avoir jamais oublié le nom de ce lévrier : Squeeze the Blue !
UN PUB, UNE VILLE
Je me souviens d'un dimanche après midi, sur les hauteurs de Cork, un quartier où il n'y avait rien à voir sauf l'essentiel : la rencontre des êtres humains. Nous avons poussé la porte d'un pub...oh le monde ! A ne pouvoir se caser sur la moindre banquette ! Pourtant, toute une famile nous fit signe de venir nous assoir près d'elle. Ils se sont serrés les uns contre les autres pour nous dégager deux places.
C'etait un après midi où même le soleil s'invitait dans les coeurs.
En buvant des pintes, en échangeant quelques mots avec nos voisins, nous nous sommes impregnés du moindre détail de cette ambiance populaire : les heures glissaient sur nous sans que nous nous en rendions compte, comme si nous étions des habitués de ce lieu, des Irlandais parmi les Irlandais. Un enfant s'approcha de notre table. Le chef de famille nous présenta son fils qui, sans demander son reste, s'empara du verre de son paternel et trempa ses lèvres dans la mousse pour boire une gorgée, puis s'en retourna vers sa partie de fléchettes.
Une petite route de campagne qui longe la baie de Kinsale. Un pub, unique. Deux types en chemises blanches, pantalons noirs, adossés au parapet, les jambes allongées sur le sol, dégustaient leurs bières devant ce somptueux panorama. Je suis allé vite prendre ma pinte, et me suis installé face à la mer. Tout était en osmose ! Une adéquation parfaite de la bière, du soleil et de l'air si limpide. Donnez-moi encore des baies de Kinsale, des mers étales où dansent des myriades d'étoiles solaires, et je dégusterai toutes les bières que vous voudrez !
Et si on reprenait une Murphy ?
L'AMERICAINE.
Je me demande si ce n'est pas a Kinsale où nous avons dormi l'unique fois dans une auberge de jeunesse. Une expérience que nous n'avons pas renouvelé puique les B and B étaient suffisamment agréables par rapport à cette nuitée de caserne que nous venions de vivre. La chef de caserne, une dame énervée. Alors que nous lui demandions nos cartes, elle nous offrit un balai et nous intima l'ordre de balayer ! Nettoyer avant que de partir, c'est le réglement ! L'Americaine et son ami que nous devions déposer dans une prochaine ville se mirent aussi au travail, avec un enthousiame qui compensa l'absence du nôtre, et avancèrent ainsi notre depart.
Sur la route, confortablement installée sur les sièges arrières avec son copain qui, lui, ne parlait pas un mot de francais, l'Américaine semblait soulagée d'etre en notre compagnie, de parler notre langue.
Mademoisele étudiait la littérature de son pays, ce qui m'a mis en joie. Quand je me suis informé si elle avait apprecié "Walden, ou la vie dans les bois" de H.Thoreau, j'ai mis le pavillon de la littérature en berne : elle ne connaissait pas, ce n'était pas dans son programme ! J'ai cru qu'elle plaisantait. En fait, non ! J'ai fini par me fendre de deux trois mots sur l'influence de Thoreau pour le mouvement hippie des années 60, le refus de vivre dans un cadre imposé, le rôle de la nature, et surtout la désobeissance civile. J'ai aussi ajouté qu'un soir de noël, plutôt que de réveillonner en famille, j'ai préferé rester dans les "bois de Walden". Cela l'a abasourdi !
Ensuite, nous avons abordé d'autres sujets.
Lorsque nous atteignîmes la ville où nous devions les déposer, l'étudiante fut desappointée ; son copain, lui, fut ragaillardi à l'idée de ne plus nous voir. Nous échangeâmes nos derniers mots devant la voiture, puis, comme le yankee s'impatientait, ele s'est jetée dans nos bras, nous embrassa comme si elle partait vers l'enfer, et l'autre, qui râlait, la tirait par la manche de son blouson en disant des ok ! ok !
Nous les avons regardé partir. Comme nous l'avions parié, ele s'est retournée pour nous adresser un dernier grand salut.
( Mon incomprehension devant son ignorance de Thoreau n'avait pas lieu d'être. Je m'en suis rendu compte des années plus tard en lisant le sociologue américain, Christopher Lasch, dans son livre intitulé : "La révolte des élites". Il analyse, decortique l'éducation, l'université américaine : on en reste pantois ! A lire aussi "le complexe de Narcisse" Ces deux livres se lisent avec un crayon dans la main tant l'envie nous prend de souligner des passages)
Dernière édition par geob le Mer 24 Nov - 15:55, édité 1 fois