par Vovonne Mer 8 Déc - 13:54
C'est l'feurgon qui s'moque d'la penouffe.
Dès que je me mets en colère, je me rends bien compte que c'est mon parlé qui revient.
Mais c'est vrai quoi, il y a des gens, comme ça, qui feugne chez vous et je ne supporte pas.
C'est amusant les commérages mais ça a des limites je crois.
Quand ils ont débarqué à l'improviste dans leur bétaillère à catho, mon cœur a fait des bonds.
Tout de suite elle m'a dit qu'elle avait bien essuyé ses escarpins de ville sur le paillasson et qu'elle ne pouvait pas faire mieux. Les traces de boue, anodines, qu'elle répète. Je sais que c'est un patouillat en ce moment, il ne cesse de pleuvoir mais je lui aurais volontiers prêté mes chaussons fourrés ou même mes sabots roses.
Son mari, lui, est plus poli, il s'est mis en chaussettes. L'autre grosse, ça lui ferait mal d'être en collant sur mes tomettes toutes propres.
« Je suis tellement contente de vous revoir, tu te rends compte Vovonne, depuis l'été et le concert, tu n'as plus donné de nouvelles et comme on descend dans le midi pour les fêtes, on s'arrête vous voir »
Et que son regard furète dans ma salle et que je sens l'énervement qui grimpe dans mon dos, s'infiltre dans mes mâchoires. Elle me prend pour une imbécile, chez nous c'est l'étape. Hôtel et le ventre gratuit.
Et moi, je me donnerais des gifles. Dans ma tête ça crie « j'veux pas qu'ils restent ici » et ma bouche dit « Comme c'est gentil, vous resterez bien dîner et dormir »
« Mais on ne veut pas vous déranger mais si tu le proposes, c'est fooormidable on passera une bonne soirée »
Elle s'est avachie sur la banquette en soufflant « Seigneur, c'est fatiguant la route » Elle a tripoté les petites boîtes en carton décorées d'étoiles qu'on fait au club pour Noël : « Que c'est joli » s'est elle écriée avec la grimace qui dit le contraire. « Tu es douée avec tes mains comme moi, et moi c'est l'art floral, je prends des cours dans un atelier de création florale avec un japonais et on crée des bouquets minimalistes suuublimes. Et je parfais mon ârt»
J'entends bien que c'est nettement supérieur à nos ouvrages du club.
Mais pourquoi je ne peux pas la mettre dehors.
Félix est à l'association des vieux tracteurs et j'ai rien pour me raccrocher.
« Tu veux que je t'aide ? » dit -elle en faisant bouffer ses cheveux blond vénitien couleur grand coiffeur.
« Hon-hon, le lit est toujours prêt et ce soir le dîner est déjà préparé, Félix a cuisiné un petit salé aux lentilles hier et il en reste en abondance. Je jubile, elle déteste les lentilles et je m'en souviens très bien et pis le cochon ça fait grossir.
La malapprise me répond que ce n'est pas la peine, une petite salade suffira.
Et non ma grosse, tu l'auras pas ta petite salade il n'y en a pas, point, c'est tout.
« Oh, tu as un ordinateur ? Et tu sais t'en servir ? »
Voix sous mon crâne : « Aussi bien qu'un ouvre-boîte » et à voix haute : « Évidemment c'est archi simple »
Les ordinateurs c'est pour les gens de la ville, nous les péquenauds on est juste bon à recevoir courrier et barbitras qui encombrent la boîte à lettres et qu'on feuillètent devant le feu avant de les enflammer.
« Moi, (moi-moi-moi) j'utilise internet pour planifier les voyages, c'est très pratique pour comparer les prix des voyagistes même si à la fin on achète chez Fram qui est hyper compétitif et qu'on peut prendre en pension complète avec toutes les options d'excursions, et vous, vous partez pas quelque part ? Tu ne devais pas faire un tour en Arles ? »
Si, on y est allé
« Et alors, c'était bien ? »
Pas la peine de répondre, elle se lanc sur son circuit des pyramides, sur la statue du sfinxe et sa méthode pour marchander
Rooonronron, trop tard, sa voix aiguë s'éloigne je sens que je m'endors...