par Vovonne Mer 24 Nov - 10:23
Je m'installe un petit peu devant mon ordinateur.
Il fait bon dans ma salle et par la porte vitrée je vois la brume glacée qui m'empêche d'apercevoir la maison des voisins.
Je me suis trompée de jour pour mon anniversaire, c'est ce soir.
Ma tête a des problèmes en ce moment et Félix, qui déteste le téléphone a appelé le docteur pour que j'aille le voir.
Ça me fait dire que je tourne pas rond.
Après mes hallucinations où je sortais de mon corps, maintenant je m'endors comme un rien.
Même si on va au bourg, que c'est à un quart de route, je pique du nez.
Hier, je suis allée voir Baratte dans sa maison de retraite. Baratte, elle a la langue bien pendue et j'écoutais. Elle m'expliquait qu'on la posait comme une potiche sur la chaise pot et qu'on la laissait des heures comme çà. Après j'ai plus entendu parce que je me suis endormie sur ma chaise.
Et même quand je regarde Derrick, je dors.
Moi, je suis pas inquiète, je me sens bien. Félix, lui, il l'est. Il dit : « si tu t'ennuies avec moi, t'as qu'à me le dire au lieu de t'endormir quand je te parle ».
J'ai juste mal au crâne, tous les jours, un peu, et rien qu'avec du doliprane, ça passe.
Ce soir, c'est pas moi qui fais la cuisine. Je fais jamais le repas de mon anniversaire parce que, quand même, c'est ma fête et je vais pas passer des heures aux fourneaux.
Félix prépare un parmentier de canard. Comme ça, c'est économique, très bon et surtout y'en a autant que possible quand des gens s'ajoutent à la dernière minute.
Je me réserve de préparer la table pour la faire belle. Je mets la nappe avec les oies brodées et un chemin de table en lin blanc. Après à chaque bout de table je mets un bouquet de feuilles d'érable.
L'érable, il est dans le terrain du chef de gare. Il reste plus beaucoup de feuilles et je vais aller ramasser celles qui sont rouges et jaunes, par terre. Les moins détrempées. Après je mets du raphia et ça fait beau sur la table.
La voisine est venue me montrer le courrier du chef de gare. Quand on dit qu'il est un accumonceleur de vieilles choses et le roi de la récupération, il n'y a pas plus vrai.
Le courrier, c'était un emballage cartonné de chocolat blanc de chez leader price. C'était fermé avec des gommettes offres spéciales et écrit à l'intérieur de l'emballage.
Ca disait : « blaablabla... j'ai vu les deux asticots présentateurs de jardinage, Noëlle Breha et Stéphane Marie et ils présentaient votre arbre adossé à l'écurie. J'ai noté et vous livre le nom après vérification sur le net. Il s'agit d'un pommier -malus golden hornet-. Malus est le nom générique de tous les pommiers » C'était signé -l'gars d'la gare-.
Avec ça, c'est sûr que ça va lui changer la vie à la voisine de savoir le nom de son pommier qui fait des pommes pas plus grosses que des mirabelles.
C'est gens de la ville, ils savent même pas vivre en faisant que voir les choses, faut toujours qu'ils mettent un nom sur les choses.
Moi le pommier, je l'ai toujours vu là, contre le mur de l'écurie. C'est un trognon qui a du être jeté et qui s'est senti bien à l'abri du vent et qui a poussé. On a tous, au village cueilli les minuscules pommes quand on était gamin. C'était pour jouer à la bataille en s'en servant comme projectiles, parce que les pommes, c'est de la pomme à cochon et elles sont pas bonnes à manger, ni même à distiller.
Nous, on reçoit aussi les vœux de bonne année du chef de gare. Il se sert de l'enveloppe en carton qui entoure les yaourts qu'on vend par douze. Il aime pas le gâchis et recycle tout ce qu'il peut.
En attendant, il vient avec sa femme ce week-end et ils dorment dans la chambre de mes garçons parce que, à la gare, y'a pas de chauffage et c'est humide. Ils viennent parce que chez Willy, on tue le cochon.
Le chef de gare, il en acheté un et comme on fait aussi venir le boucher, il faut être là pour dire ce qu'on veut exactement en côtelettes, saucisson et tout ça.
Alors je n'aurais pas le temps de venir sur mon ordinateur parce que, nous les femmes, on fait les boudins, les gratons et tout et tout.
Les cochons, ils ont bien engraissé et ils pèsent presque 200 kilos.
Quand on a récupéré le sang pour les boudins, on laisse les hommes verser l'eau bouillante sur la bête et passer le racloir pour enlever les soies. On a déjà assez à faire avec le sang frais.
Pour faire le boudin, il faut cinq litres de sang, une miche de pain de deux kilos et puis, on mélange le sang et le pain et la viande et on remplit dans les boyaux de la gorge de porc.
Après le week-end-, si j'ai envie, j'écrirai cette journée que c'est une belle fête, sauf pour le cochon.