Le Village du Peuple Etrange Voyageur

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    Message par Vovonne Mar 21 Sep - 9:33



    Aujourd’hui, on avait rendez-vous avec le banquier.

    Le banquier, il était tiré par quatre épingles.
    Il est grand et tout gris, le costume, le teint, les six cheveux bien rangés sur le haut de la tête et, comme quatre épingles c’est pas solide, ses épaules sont basses et rondes.

    Moi, quand quelqu’un me serre la main, j’aime pas qu’elle soit broyée mais j’aime encore moins quand ça fait mou comme une éponge mal rincée. Celle du directeur de la banque patate, elle est comme ça. Spongieuse.
    Avec Félix, nous on voulait que la banque nous prête 1500 euros pour mettre une cabane en bois de chez Weldom dans le pré de Perdita.
    Le banquier, il a pas dit non, on est des clients depuis quarante quatre ans et jamais en rouge, mais il a pas dit oui. Il va nous faire une proposition, il a dit.
    Parait, elle a dit la voisine, que pour les gens d’un certain âge, c’est nous, même qu’on a un âge certain, il y a des assurances qui coûtent presque le prix de notre emprunt.
    J’ai vu dans la publicité de Weldom qu’on peut payer en huit fois sans frais et il y avait au bout de la ligne la fameuse petite étoile qui renvoie tout en bas de la publicité. Ca, faut bien lire ces toutes petites lignes, c’est là,où on se fait avoir si on les lit pas. C’était écrit « sous condition, dans la limite d’acceptation du dossier » Autant dire qu’il ne faut pas demander à Félix d’aller ployer l’échine devant le directeur du magasin, à moi non plus.

    On verra bien et si il veut pas c’est pas très grave parce qu’une cabane dans le pré de Perdita, c’est un peu un caprice. Mon caprice que Félix veut réaliser pour me faire le cadeau de nos cinquante ans de mariage.
    Si j’avais ma cabane en bois, je mettrais des étagères, un fauteuil, un petit chauffage à gaz , une table et une chaise, le pouf de Leila et comme ça, au fond du pré, je serais toute seule pour penser.
    Je pourrais prendre mon grand lapin des flandres qui verrait autre chose que son clapier.
    Y’aurait pas d’électricité bien sûr mais la couleur de la lumière avec une lampe camping gaz, ça ferait joli.

    Félix, il est pas content, il dit « tu vas foutre le feu avec un chauffage comme ça, autant brûler directement les billets de 500 euros qu’on n’a pas, le voisin, il a récupéré un petit panneau solaire et il s’en sert pas, on lui demandera »
    Je vois pas comment ça va m’éclairer la nuit si il est solaire mon panneau et un plus le grand charme qui sera devant la maisonnette cache la lune.

    Je rêve depuis tellement longtemps à ma maisonnette en bois.
    Si ça marche pas avec le crédit, il me reste le rêve et c’est pas le banquier qui peut me le refuser.

    Félix, il est tout le temps en bisbille avec les gens d’argent et pareil avec les fonctionnaires. Tous, sauf ceux d’école. Il les appelle les ponctionnaires. Il dit que ce sont des gens qui n’ont même pas de noms puisqu’on dit –les agents-. D’ailleurs, c’est pour ça qu’on va dans les agences. Agence postale, agence pôle emploi et tout ça. Il dit aussi que leur emblème, c’est une paille. Pour prendre les dernières gouttes de liquide.
    Moi, ça me fait rire.

    Je reste pas plus longtemps parce que j’entends la machine à laver qui tourne et je me rends compte qu’elle essore depuis très très longtemps, c’est bizarre.










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    Message par Vovonne Dim 26 Sep - 15:38




    Faut des mesures phare pour sortir du tunnel.

    J’ai remarqué qu’on entend toujours ça à la radio mais malgré le phare, ça reste obscur.
    Le champion de la mesure phare c’est l’homme aux UV, même si il passe du temps dans sa salle de bain pour bronzer sous la lampe, y sera pas Obama.
    Je me demande si il est bronzé sur tout le corps ou juste la figure mais peut-être aussi que c’est du fond de teint de bonne qualité pas comme le gemey de chez atac qui fait les encolures marron qui partent pas au lavage. J’en achète plus, c’est pour ça. En plus ça se faufile dans les rides qui deviennent comme des crevasses de terre.
    L’homme à la particule, quel faux jeton, Il va dans les grands immeubles de banlieue, il parle avec les jeunes à casquette et il leur fait croire qu’il est l’homme de demain.
    Tout les gens qui ont du pouvoir sont des faux jetons, ils ont tellement peur de l’hiver qu’ils tirent la couverture vers eux.

    Nous, l’hiver on l’attend de pied ferme, avec du bois et encore du bois. Pour voir de quel bois on se chauffe, y’a qu’à regarder dans les cours. Il sera rude l’hiver cette année, parce que les airelles ont beaucoup donné cette année.
    Y’a déjà des fumées qui montent droit dans le ciel. Pas qu’on soit plus frileux que les autres, c’est juste notre pays qu’est plus froid que les autres.
    J’ai déjà mis les grosses chaussettes dans mes sabots roses.
    Question élégance, ce n’est pas ça mais question confort je m’y retrouve.

    Hier soir, j’avais mis des vraies chaussures parce qu’on était invité à l’apéro chez les potiers.
    Faut ce qu’il faut. Félix portait son nouveau pull de chasseur avec les coudes en cuir.
    L’ouverture de la chasse à tir pour le lièvre, le faisan et la perdrix, c’est dimanche et Félix est déjà fin prêt et il était temps, cette année, il a failli oublié d’envoyer le formulaire de validation de chasse au petit gibier.

    C’était sympathique de se retrouver là-bas, surtout que c’est pas fréquent.
    Claire avait préparé des amuse-bouches, ce sont des amuse-gueules en plus petits et c’est difficile de rester très poli et de ne pas en prendre beaucoup. Ca s’avale en quelques secondes et on a oublié aussi en quelques secondes quel gout ça avait.
    Y’avait aussi des verrines, j’ai appris ce nouveau mot. Des verres comme ceux pour la goutte, sauf que dedans on met des couches de couleur. C’est beau pour les yeux.
    Je me suis aperçue qu’on n’était plus à la mode nous les villageois avec nos petites saucisses et nos cacahuètes, et nos biscuits salés en promotion.
    Je crois que si je veux être très honnête avec moi-même j’avais un peu honte de nos apéritifs si modestes. Et je crois aussi que je ne ferai pas l’effort de faire moderne.
    D’ailleurs, nos politiques nous l’affirment, c’est la diversité qui fait la richesse.

    Mais où est la richesse, je comprends pas.
    Nous, à la campagne, on mange beaucoup de patates et de cochon, les parisiens d’ici sont des locavores, c’est pour dire qu’ils mangent local en achetant directement chez les agriculteurs qui font du bio où en cultivant leur potager. Ceux de la ville et ceux qui ont de la culture, pas qui font de la culture, mange des choses nouvelles qui n’arrivent pas jusque là. Des poissons crus roulés, des galettes fourrées de produits piquants, des légumes vapeurs et du lait de soja, qui n’a rien à voir avec le lait mais comme c’est blanc, on dit du lait. En tout cas, j’ai jamais vu la bête qu’on trait pour faire ce lait.
    Je rêve du jour où les gens de l’Amazonie, ceux qui sont vêtus d’un torchon de vaisselle qui tient avec une ficelle, se feront livrer du lait d’endives de chez nous.

    Je vais rejoindre Félix qui cherche toujours la panne de la machine à laver. Il croit pas la voisine qui dit que je mets trop de kilos de linge dans le tambour et que la machine peut plus vider derrière.







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    Message par Invité Mar 28 Sep - 10:13

    Y reste plus qu'à retourner aux lavoirs...
    Au Village, nous ne l'avons pas transformé en parterre fleuri, tu peux venir y rincer ta lessive, je te ferai une place à côté de ma planche, j'y suis le mercredi matin et Mamina - elle lave son linge le même jour - me raconte les blagues du mardi de lahaut.
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    Message par Vovonne Mer 29 Sep - 15:32


    Gwendoline vient de téléphoner. Je vais garder son bébé demain toute la journée. Elle va en ville. Je me demande pourquoi elle ne demande pas à ses parents puisqu’ils vivent tous sous le même toit.
    C’est bizarre, elle était cramboulis mais je ne pose pas de questions, c’est le secret de bonne entente.
    Je lui ai dit que le lit-parapluie est presque fichu. Ce n’est pas un problème, elle vient avec le cosy.
    Quand j’étais fillette, je connaissais une autre fillette qui avait un lit cosy. J’en rêvais, elle pouvait poser ses trésors, ses jouets et même des livres dans cette bibliothèque qui entourait son lit.
    Ca me parait compliqué que Gwendoline vienne avec un lit si encombrant.
    J’espère que le mouniou ne va pas pleurer. Ca m’énerve tellement.

    Ce soir, on va à la réunion du Comité des Fêtes pour organiser les rifles d’hiver maintenant que les brocantes sont terminées. Y’aura aussi l’Association des Amis de l’Eglise. C’est une première parce qu’on fait toujours bande à part. Un peu comme Don Camillo et Peppone.
    Cet après-midi, faut qu’on donne notre avis et on nous a dit qu’il y aurait une table ronde. Ca sera un peu mieux que les tables rectangulaires mises en fer à cheval. C’est curieux comme idée mais au moins on se blessera pas dans les coins.
    Les rifles ont toujours beaucoup de succès et on se partagera les bénéfices.
    Les amis de l’église se servent de l’argent recueilli pour rénover les vitraux de l’église de la commune.
    Le président de l’association est tout à fait agaçant. Il fait son monsieur je sais tout et avec sa bouche en abreuvoir à mouches, il se croit beau. Qui dirait que celui qui chante Tonton Cristobal est beau ?
    Personne, voilà, c’est à cause de la bouche en abreuvoir à mouches. En plus, il crapouche et vaut mieux pas être en face de lui.
    A l’ouverture de la séance, il se frotte les mains comme s’il les lavait.
    Un suffisant voilà ce qu’il est.

    On ne peut pas apprécier tout le monde, heureusement d’ailleurs parce que je m’ennuierais.
    Je ne pourrais pas faire ma teugnât toute seule en écrivant des vilaines choses sur les gens que j’aime pas.
    C’est une difficulté de rester polie et aimable, je choisis souvent d’être comme ça parce que les conflits, c’est pas agréable et pis, quand les gens me plaisent pas, j’en parle avec Félix, qui, lui se fiche de tout et sait rester calme, ça m’aide à pas m’emballer.
    Quand il faut écouter un ennuyeux, je croise les mains l’une sur l’autre devant ma bouche, les deux pouces sous mon menton. Un bon système pour ne pas l’ouvrir trop promptement.

    A la réunion, il y aura Micheline ma copine du hameau voisin.
    Micheline est une femme toute ronde et ses yeux frisent de sourires. Elle fume plus qu’un poêle à bois qui tire mal, jure et queusonne comme si ses poumons allaient sauter sur la table.
    C’est une bonne copine. Elle s’est jamais mariée mais elle est sûrement plus douée avec les choses du lit, que moi qu’a eu que Félix dans ma vie.
    Et Micheline à la réunion, c’est la garantie de rire parce que pour dire les choses, elle sait faire et elle s’en laisse pas compter. C’est pas une pintade.

    J’ai rien d’autres à raconter, c’est pas plus mal parce qu’à force je dois user les touches de l’ordinateur.
    Parait que ça s’appelle logoré, je sais pas l’orthographe, c’est la voisine qui dit ça quand quelqu’un laisse couler un flot de paroles inutiles. Tout moi quoi, sauf que c’est par écrit.


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    Message par Invité Mer 29 Sep - 15:40

    Qui dirait que celui qui chante Tonton Cristobal est beau ?
    - Pierre Perret? -

    Moi.
    Cet homme me ferait fondre d'amour.
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    Message par mamina Mer 29 Sep - 22:56

    j’en parle avec Félix, qui, lui se fiche de tout et sait rester calme, ça m’aide à pas m’emballer.

    d'où l'intérêt à en trouver un qui soit pas tout à fait la même moitié !
    T'as tout compris Vovonne !

    PS : avec ton histoire de dent arrachée, ce soir je ris tte seule devant l'écran qui me propose le dentifrice Signal, les implants dentaires en Roumanie et une lotion contre la mauvaise haleine !!!!!
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    Message par Vovonne Jeu 30 Sep - 16:41


    J’écoute la radio, ça parle du bonheur.
    Le journaliste parle d’un philosophe qui s’appelle, chopenaeur, un nom de ce style qui disait que l’humain ne peut pas être heureux parce qu’il est un être désirant. Il désire, il a, après il s’ennuie.
    Mais c’est pas toujours vrai.

    Moi, je vois le gars qui travaille en ce moment chez les voisins, c’est le type même du gars toujours heureux. Il habitait au village avant de déménager dans le hameau voisin.
    On l’appelle Pétrolane rapport aux cheveux qu’il a pas. Son métier, c’est plaquiste. Ben, il en a autant qu’il désire des plaques de placo. Quand y’en a plus, il s’ennuie pas, d’autres plaques arrivent. Heureux le gars.
    Il siffle du matin au soir, le volume de la radio au plus fort et pourtant on l’entend siffler de chez nous, c’est pour dire à quel point il est heureux.
    On dit qu’il est bêtiolot et quand j’entends ça, moi je réponds « vous direz à –on- qu’il se renseigne et qu’il y a des choses qu’on ne dit pas. C’est vrai quand même, tout le monde a le droit d’être heureux.

    Pendant que j’écris sur mon carnet ordinateur, le bébé de Gwendoline dort dans son cosy.
    Parce que un cosy, c’est un siège bébé inclinable et confortable et pas un lit-bibliothèque.
    C’est une chance de le voir aussi sage. J’ai des biberons du lait de sa maman pour le nourrir et des minuscules couches pour le changer. C’est tellement plus pratique que les triangles et les carrés en tissu que j’avais pour mes garçons. Un inconvénient quand même, c’est petit mais ça remplit vite la poubelle.
    Gwendoline n’a rien dit de son rendez-vous en ville et ni pourquoi c’est pas sa maman qui garde le petit. Elle était toute bien habillée. Elle m’a promis de rentrer avant la nuit.

    J’ai hâte d’aller sous les couvertures parce que je n’ai pas fermé l’œil de la nuit et il m’a bien semblé que le jour mettait longtemps à se déplier.

    Je suis restée assise sur la banquette, je n’ai pas allumé la télévision, je n’ai pas allumé la lumière, je n’ai pas pris mon livre. J’ai gardé les yeux ouverts qui ne regardaient rien je crois.
    Je pensais à mille choses et je ne retenais aucune pensée. Le vide est très plein parfois.
    Le silence était si parfait que j’entendais les 150 escargots de Félix qui bavaient dans le seau derrière la porte. Les bruits minuscules des bulles qui crevaient pendant qu’ils mouraient de faim.
    Félix, lui, il était resté chez sa sœur et son ronflement n’emplissait pas la pièce.
    Il est des nuits comme ça qui ne finissent jamais et des matins où je me sens engourdie et rêche.

    Alors quand ce petiôt est arrivé, c’était comme un souffle qui chassait la misère.
    D’un coup, mon énergie était là et j’ai chanté une chanson de Pierre Perret que je trouve pas beau mais qui a une laideur sympathique et que c’est un chanteur que j’aime beaucoup. Cette chanson, elle parle d’enfants, il aurait pu rajouter fils de paysan, et ça dit :

    « Qu'ils soient chinois ou maghrébins
    De Saint-Nazaire ou de Dublin
    Fils de Nabab ou fils de rien
    Tous les enfants ressemblent aux tiens
    Qu'ils soient protégés de Bouddha
    Fils de païen fils de croyant
    Fils de la Bible ou du Coran
    Tous les enfants sont mes enfants »




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    Message par mamina Mar 5 Oct - 10:25

    Bonjour Vovonne ; comment vas-tu ce matin ?

    Te voilà bien occupée certainement entre la cueillette des champignons, les premières châtaignes et les dernières pommes....
    A moins que ta voisine ne t'ai embauché pour enlever les déchets de placo. ?

    Bisous à vous deux en attendant les dernières nouvelles
    geob
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    Message par geob Mar 5 Oct - 16:24

    Une chanson de...Pierre Perret? qui me fait penser à Jacques Brel

    Jacques Brel
    FILS DE...
    1967


    Fils de bourgeois ou fils d'apôtre
    Tous les enfants sont comme les vôtres
    Fils de césar ou fils de rien
    Tous les enfants sont comme le tien
    Le même sourire les mêmes larmes
    Les mêmes alarmes les mêmes soupirs
    Fils de césar ou fils de rien
    Tous les enfants sont comme le tien

    Ce n'est qu'après longtemps après...

    Mais fils de sultan fils de fakir
    Tous les enfants ont un empire
    Sous voûte d'or sous toit de chaume
    Tous les enfants ont un royaume
    Un coin de vague une fleur qui tremble
    Un oiseau mort qui leur ressemble
    Fils de sultan fils de fakir
    Tous les enfants ont un empire

    Ce n'est qu'après longtemps après...

    Mais fils de ton fils ou fils d'étranger
    Tous les enfants sont des sorciers
    Fils de l'amour fils d'amourette
    Tous les enfants sont des poètes
    Ils sont bergers ils sont rois mages
    Ils ont des nuages pour mieux voler
    Fils de ton fils ou fils d'étranger
    Tous les enfants sont des sorciers

    Ce n'est qu'après longtemps après...

    Mais fils de bourgeois ou fils d'apôtre
    Tous les enfants sont comme les vôtres
    Fils de césar ou fils de rien
    Tous les enfants sont comme le tien
    Le mêmes sourire les mêmes larmes
    Les mêmes alarmes les mêmes soupirs
    Fils de césar ou fils de rien
    Tous les enfants sont comme le tien...


    --------------------------------------------------------------------------------

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    Message par Vovonne Jeu 14 Oct - 16:39

    C’est pas que je ne voulais plus venir ici, je ne le peux qu’un petit peu.

    Mon ordinateur est fichu. Y’a un disque dedans, un dur, qui est cassé.
    Mon fils m’a dit que c’était très rare avec un ordinateur neuf comme le mien et c’est comme si il disait que c’était ma faute. Au téléphone, sa voix était furieuse.
    Pourtant j’ai rien fait de particulier.

    Je lui ai expliqué que j’avais cherché, comme il me l’a expliqué, dans gogol, le mot chrysanthème.
    L’écran, s’est mis à clignoter et puis, l’ordinateur s’est éteint, rallumé, éteint, rallumé. J’ai laissé mon doigt sur la touche en haut, à gauche pour l’éteindre complètement. J’ai attendu que l’ordinateur se repose et j’ai réessayé et ça a fait pareil.
    Après, le soir, j’ai appelé mon fils et il m’a dit qu’il viendrait en novembre voir ce qu’il peut faire.
    J’ai raconté à la voisine et elle me prête le sien, un peu, chaque jour.

    Je venais ici pour lire et heureusement, j’ai pas perdu grand-chose, il n’y a pas grand monde qui raconte des potins. C’est tout vide et c’est aussi désespérant que le temps gris et le brouillard.

    Maintenant que l’automne est installé, j’ai rangé mes sabots roses et sorti les bottes en caoutchouc.
    C’est plus pratique pour marcher dans les champs détrempés.
    J’ai cueilli la dernière jatte de framboises tardives. Il y avait du brouillard ce matin là et j’avais de l’étoupe dans la bouche. De l’étoupe glacée aussi légère que de la barbe à papa. Mes bottes étaient noyées dans la brouillasse qui rampait et s’enroulait sur mes mollets. J’étais une femme lourde avec des pieds de fantôme.

    Et c’est pour ça que j’ai pensé aux chrysanthèmes. C’est bientôt la Toussaint et j’aime beaucoup ces fleurs qu’on trouve à cette saison. J’en achète toujours. Des blanches et pompons. Uniquement celles-là. Les autres couleurs et les autres variétés sont très désolées.

    J’aime aussi la bruyère. Elle tapisse le fond du pré sous les sorbiers. Heathcliff dans les Hauts du Hurlevent marchait dans les landes de bruyère et j’ai toujours rêvé de ce pays sauvage. Ici, c’est un tout petit tapis de bruyère et j’aime pas marcher dessus pour ne pas les écraser.C’était Mme Granger ma maîtresse de septième qui m’avait prêté le livre, c’était vraiment un bon livre.

    Quand on marche dans le brouillard, les souvenirs arrivent comme lui en vagues blanches qui s’effilochent. Des souvenirs silencieux et froids qui serrent la poitrine. Des nuages blancs qui s’écrasent sur la terre humide et mouillent mes joues.
    Il ne faut pas rester dans le brouillard trop longtemps, on attrape la mort parce que c’est la saison.En automne beaucoup de gens s’éteignent, ils ont raison de partir avant les grands froids d’hiver. Ils font pareil au printemps parce que la sève n’arrive plus à circuler dans les corps trop usés.

    J’ai resserré mon châle autour de mes épaules et de la jatte de framboises et je suis rentrée à la maison avec ce dernier rouge de l’été entre les mains.

    Je me rends compte que j’écris des choses pas gaies.
    C’est comme ça, c’est l’automne.

    Je vais rejoindre au grenier les voisins qui trient les tomettes pour les passer à l’acide.
    Il fait un froid terrible chez eux, y’a plus de poêle, les artisans n’ont pas encore installés le chauffage, la maison est éventrée jusque sous la terre, sous les fondations de pierre.
    Je suis dans la pièce où ils vivent en ce moment, il y a leur lit, une table, un réchaud, le téléphone et l’ordinateur et un radiateur à bain d’huile pour chauffer.

    On s’était dit au village : « sont fous ces gens de refaire une aussi grande baraque », c’est exactement vrai. Ils sont fous.
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    Message par Vovonne Ven 15 Oct - 15:48

    Je dis que l’on vaut yeux des gens ce que l’on est à ses yeux.

    C’est pour ça, quand quelqu’un me dit, "j’y arriverai pas, je suis nul", ça m’agace. Faut jamais clamer sans cesse qu’on est nul, à force, les gens le croit.
    C’est ce que je répète sans cesse à Gwendoline.

    Je sais ce qu’elle va faire en ville, la petite. Elle va rencontrer des gens qu’elle rencontre d’abord sur internet. Elle dit qu’il y a des sites pour rencontrer des hommes bien. Elle s’est donnée un autre nom, elle s’est décrit sur une fiche et après, elle fait son marché d’hommes bien.
    Les hommes bien pour Gwendoline, ce sont ceux qui acceptent son enfant. Elle dit que presque tous sont d’accord pour la rencontrer parce qu’ils la trouvent jolie et que son enfant, c’est génial.
    Alors, elle va en ville, elle boit un café et après, elle couche et après elle le revoit plus l’homme bien.

    Alors elle dit qu’elle est nulle.

    Je lui explique que mots de miel, cœur de fiel. Je lui dis qu’elle croit que c’est plus facile de rencontrer par internet, que peut-être qu’elle se trompe, que peut-être les hommes sont aussi seuls qu’elle mais que ça veut pas dire qu’ils veulent passer un grand bout de vie avec elle.
    Les hommes cherchent du délassement, cherchent de l’admiration, un bon moment au lit mais faut pas qu’elle soit pressée, ni de vivre avec quelqu’un, ni de coucher tout de suite. L’homme, plus tu lui cours sur le haricot, plus il se défile et plus tu le repousses, plus il s’accroche.

    C’est vrai, tu es jolie Gwendoline, trouves un travail, il y en a dans les supermarchés, trouves un petit appartement et vis comme une grande avec ton enfant. C’est pas bon pour toi les hôtels Formule 1 ou le siège de la voiture. Voila ce que je lui dis.

    Alors Gwendoline, elle prend son bébé si sage dans son cosy, tellement sage que je commence à trouver ça bizarre et elle retourne chez ses parents à la ferme, avec ses yeux tout charbonneux et les coins de sa bouche qui tirent en bas.

    Et c’est tout pour aujourd’hui. Gervaise va arriver.
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    Message par Invité Dim 24 Oct - 20:25

    Vovonne, ce que je lis de tes voisins me les rend très sympathiques.
    Tu nous préviendras quand ils auront achevé leurs fouilles? On viendra trier les ossements, les débris de poterie et les sous de César.
    En attendant, peut-on leur faire parvenir un édredon ou une bouteille de schnapps?
    mamina
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    Message par mamina Sam 30 Oct - 23:58

    Où en sont-ils d'ailleurs tes voisins ?
    Toujours à camper dans leur cuisine ?
    Les pauvres ! avec le froid qui s'y met je suppose Vovonne que tu leur apportes une bonne soupe de temps en temps ?
    Vivement de vos nouvelles à tous !
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    Message par Vovonne Dim 31 Oct - 18:03

    Ce matin, j’allais chez le boucher et le soleil étant en visite, j’avais mes sabots roses.

    J’ai glissé sur son carrelage, au boucher. Je suis revenue à la maison, l’œil fermé, la pommette fendue, un hématome géant jusqu’à la mâchoire, le genou noir et le poignet douloureux. Félix a hurlé. Pas après moi mais c’est tout comme. Après mes saloperies de sabots en plastique qu’il déteste et qu’il juge responsable.

    Il a foncé chercher la voisine. Elle m’a envoyé à l’hôpital, hop là, direct et en plus elle a voulu que je tienne un gant de toilette rempli de glaçons dans un sac de congélation. On a roulé une heure, il est loin l’hôpital. Radio du visage, rien, radio du genou, rien. Le médecin m’a dit que j’avais des rotules de jeune fille, ça m’a fait très plaisir. Ca sert l’aquagym et la gym. Du papier collant sur la pommette et retour à la maison.

    J’évite le miroir, je me fais peur. La voisine a demandé en riant à Félix, s’il me battait souvent et le médecin de l’hôpital avait aussi demandé en riant de même. Ca n’a pas fait rire Félix mais il n’a jamais eu d’humour.

    J’ai pas eu envie d’écrire tous ces jours.
    Je me sentais inhabitée, vide quoi depuis le départ de Leila. Elle a bien travaillé au château et le nouveau châtelain est ravi. Leila le guidait parce qu’elle m’a expliqué que les nouveaux riches ont très souvent des mauvais goûts. Ils veulent des choses qui brillent et veulent des meubles qui font anciens mais qui ne le sont pas, un peu comme ceux de style chez Conforama pour les pauvres.
    Leila m’a montré les brocards, les soies sauvages, les draperies en lin brodé, plein de tissus qu’elle transporte dans sa voiture pour son métier. On passait des soirées à bavarder au chaud dans la salle et quand elle est entrée à Paris, je suis devenue vide.

    J’ai beaucoup marché dans les sous-bois dont l’odeur de feuilles mouillées et pourrissantes me réjouit. La campagne est maintenant carrelée de brun, les champs sont labourés, les tas de potasse blanche qui ressemblent à des tas de sel sont enfouis dans la terre et la voilà au repos comme Willy qui travaille moins.

    On ira porter les chrysanthèmes sur nos morts parce que c’est la saison et que les morts, c’est bien de leur faire de belles tombes une fois par an.
    Quand on est vivant, on fait le nettoyage de printemps pour remettre la maison sur les rails du soleil, quand on est mort, il faut bien qu’on nous nettoie le plafond, enlever les herbes, les moisissures, les plantes en plastique trop décolorées.
    Je prends l’eau à la pompe à l’entrée du cimetière et d’un coup de brosse sur les dalles, c’est propre. Il ya une odeur qui me gêne à chaque fois, au cimetière, c’est l’eau croupie des vases. Ca me soulève le cœur.
    On dit qu’on peut penser à nos morts n’importe quand dans l’année. C’est vrai et on le fait dans la tête mais on ne va pas au cimetière parce qu’il n’y a pas de chrysanthèmes à n’importe quelle saison. En ce moment, il est tellement beau notre petit cimetière qu’on s’y attarde comme dans un parc. On rencontre les amis, les connaissances et on peut même poser un petit pot de bruyère sur la tombe d’un oublié.

    L’oubli c’est le pire d’une existence, c’est comme l’indifférence.

    On va partir chez les voisins pour l’apéro, je reste pas plus longtemps ici.
    On va être à la cuisine avec le four allumé, c’est comme ça qu’ils chauffent leur pièce parce que le petit radiateur à bain d’huile donne une chaleur chétive.
    La voisine en a marre mais elle a intérêt de prendre son mal en patience. Y’en a encore pour quelques mois et les plus rudes. En plus, ils ont décidé de perdre des kilos, alors que c’est pas le moment de manger que des légumes et plus de fromages et plus de sauce et je ne sais quoi encore. Ils ont refusé une énorme potée l’autre soir, tant pis pour eux.
    Peut-être qu’ils veulent maigrir parce que la couenne, ils ne veulent plus se la geler.

    Allez j’arrête de médire, c’est pas bon pour l’humeur.
    mamina
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    Message par mamina Dim 31 Oct - 19:35

    Bien contente d'avoir de vos nouvelles !!!
    ça se comprend que des fois on n'ai pas le coeur à écrire mais peut-être que après ça fait aussi du bien !
    Moi, c'était la semaine dernière la visite au cimetière.... mais chez les grands-parents dans un petit village au fin fond de la Bretagne, dans les Monts d'Arrée ; et là, les tombes sont en granit, pleines d'aspérités, il n'y a que l'eau de Javel pour enlever les mousses qui s'incrustent... Alors, avec Papipic, on y est allé avec l'huile de coude et au pinceau !!!! ils doivent être contents, eux qui sont nés il y a deux siècles.... nous avons été les premiers à fleurir car en général on attend le dernier moment à cause des premières gelées, j'espère que les potées sont encore belles car c'est demain la fêtes de tous nos morts....
    Méritent-ils d'être "tous saints" ? pas sur ! mais on pense bien à eux quand même !
    Nos enfants, petits-enfants auront-ils le même respect des lieux quelqu'ils soient... pas sûr non plus !
    Peu importe !

    Soignes-toi bien Vovonne et laisse tes "crocs roses" de côté pendant l'hiver ! il a un peu raison de te gronder le Félix !
    Gros bisous à tes voisins ; dis-leur que si ils ont trop froid ou si ils en ont trop marre, y'a une mamina qui est prête à les accueillir au bas des Pyrénées !
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    Message par Vovonne Ven 5 Nov - 17:35

    Pétrolane est venu casser la croûte. J'ai pu enfin faire ma concierge. Il travaille toujours sur le chantier des voisins et je suis dévorée de curiosité. Non que je ne questionne pas la voisine mais faut dire qu'elle reste laconique ces dernières semaines. Elle doit me trouver envahissante et c'est vrai que je le suis un peu. Y'a pas grands événements dans notre petit village et tous ces ouvriers, ces camions, cette gadoue, ça met de l'animation. Je crève d'envie de passer tous les jours voir l'avancement des travaux mais j'ose plus.
    La voisine décape et peint toute la journée et son mari maçonne à la chaux les murets, autant dire que je me sens intruse et c'est pas avec mon visage et mon genou cabossé que je peux donner un coup de main histoire d'être dans le vif du sujet. Félix dit que j'exagère, que je ferais mieux de m'occuper de mes oignons. N'empêche, il n'est pas le dernier à écouter Pétrolane.

    Paraît que la voisine leur fait tous les jours café et quiche, cidre et brioche, pâté et bière et qu'ils ont de la veine d'être sur ce chantier que c'est pas partout comme ça. Elle ne me l'avait même pas dit, pourtant c'est pas secret ça. Elle m'avait pas dit non plus qu'ils faisaient une salle de bain pour eux plus grande que ma salle. Ben, mon vieux, ils ont des sous.
    J'arrive pas à comprendre de quoi ils vivent. Je vais pas demander, ça ne se fait pas mais je voudrais bien savoir parce qu'ils ne sont pas à la retraite, ça je sais.

    Ils se gèlent, c'est sûr et je suis embêtée de ne pas pouvoir leur dire qu'il y a une dame de ce village qui propose d'aller chez elle dans le sud. Moi aussi j'ai mes secrets et j'ai pas dit à la voisine que je racontais des choses sur eux.

    J'ai bêché ce matin devant la ferme, j'ai enlevé les tournesols et les cosmos fauchés par la pluie et le vent et j'ai la vue plus dégagée sur la maison des voisins.
    Il me semble bien que j'ai un peu honte de mon attitude. J'étais pas comme ça autrefois, je comprends pas comment c'est venu. Je commence à ressembler à ces vieilles en fichu noir qui clabaudent sur les gens.
    Qu'est-ce que j'ai pu rouspéter quand je voyais, assises sur le banc vers la gare, Félicie et Marguerite, leurs têtes penchées l'une vers l'autre et qui chuchotaient à mon passage. Je détestais leurs joues aspirées de l'intérieur et l'ombre de leurs moustaches sous leurs nez qui gouttaient toujours.

    Faudra que je demande à Félix si je leur ressemble. Parce que j'ai aussi la goutte au nez et aussi des poils très noirs qui rebiquent sous le menton. L'autre soir je regardais ma figure violette et bleue avec beaucoup d'attention. Je me plaignais en moi-même d'être aussi vilaine et j'ai vu un poil plus long que les autres et qui même faisait une bouclette, au milieu de la joue, en plein sur l'hématome.
    Je me suis demandée où était passé ma peau de velours et dans la foulée comment ma jeunesse avait pu filer si vite. C'est comme la chanson « mourir cela n'est rien, mais vieillir, O vieillir.... »



    mamina
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    Message par mamina Ven 5 Nov - 17:43

    A quand "Paroles de vieilles" ?

    Il y a largement matière à....

    bisou
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    Message par Vovonne Lun 8 Nov - 11:17

    Il y a des jours, comme ça, où je me sens joyeuse sans motif, un peu excitée comme si je tombais amoureuse. Exaltée, pleine d'énergie. C'est pas souvent alors je l'écris pour ne pas oublier qu'au mois de novembre de cette année, j'ai l'humeur aussi légère et aérienne que la traînée blanche de l'avion qui glisse dans le ciel glacé de cette matinée.

    J'ai frotté avec la sève d'une feuille de joubarde le pouce de Félix qui, comme chaque nouvel hiver se gerce méchamment. J'ai récuré les clapiers, j'ai appelé mes garçons pour organiser Noël, j'ai enfourné un beau poulet, j'ai préparé la soupe, j'ai changé les draps du lit, j'ai balayé la cour, j'ai payé la facture d'eau sans grincer des dents parce qu'il faut bien avouer que régler la Saur qui nous délivre de l'eau inconsommable est source d'énervement à chaque fois, j'ai entassé les cartons, le micro-onde fichu, l'abattant des cabinets, fendu et qui me pinçait la cuisse droite chaque fois que je m'asseyais. Les encombrants passent demain ramasser tout ça.

    Une matinée bien remplie et comme ça, j'ai aucun scrupule à me détendre sur mon ordinateur.
    J'écoute la radio en écrivant et j'entends un chroniqueur qui parle des régimes dissociés très à la mode. Il dit qu'il y a ceux qui bouffent et ceux qui en chient. C'est juste et complètement affreux et pourtant je ris. Tout m'amuse depuis que je suis debout.
    Je me suis levée à 5 heures, j'ai ramassé l'arrière train d'une souris sur la carpette.
    Ce matou est un gros dégoutant. Il croque la moitié de la souris, se lèche les babines, fait sa toilette, se lèche le zizi et tranquille, vient se frotter sur ma figure et ose me lécher le nez. Dégoutant. D'un revers de main, je l'ai fait valser sur le plancher.
    J'ai fait couler le café, j'ai mis du petit bois et une bûche dans le poêle, j'ai fais des crêpes et l'aube n'était pas encore devant la fenêtre. J'ai pensé à la belle soirée et aux caresses de Félix. Dans dix jours, c'est notre anniversaire de mariage. Cinquante années et ses mains me font toujours frissonner. C'est important de garder la joubarde sur le muret.

    On dit que les gens heureux n'ont pas d'histoires. C'est vrai, je ne raconte rien et je n'ai rien à raconter. Des instants si menus, si communs, si quotidiens qu'ils remplissent mes heures de calme et de joie bête.
    Quand j'étais petite, ma belle-mère me retournait une claque quand je disais que j'adorais le chocolat, parce qu'on adore que Dieu disait-elle. Mais comme je ne suis pas certaine qu'il y ait un Dieu, je dis que j'adore ma vie. Je ne crains qu'une seule et unique chose. Perdre Félix parce que, quand ma main ne trouvera plus la sienne, je ne suis pas sure de savoir avancer.

    Ca va être l'heure de partir au club. On fabrique des cartes de voeux en trois dimensions. On va en vendre encore beaucoup cette année, elles ont beaucoup de succès. Surtout celles où l'on colle de la poudre argentée.


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    Message par Vovonne Mer 10 Nov - 11:14


    Réveil nocturne en sursaut.
    On entend crier dehors.
    Pan !
    Un coup de fusil et la voix de TGV qui hurle «  Voyous, sauvages »
    Deux portières qui claquent et des feux de camionnette qui s'éloignent.
    Une partie du village est dans la ruelle.
    « C'était qui ? »
    "Des voyous redit TGV, ce sont ceux d'hier qui sont passés pour la ferraille, les zavez pas vu chez vous ?
    « si-si, prenaient même les vieilles batteries »
    « Ouais, z'ont embarqué, les rails des cloisons et les chenaux chez vos voisins, avec leur cour ouverte à tous vents, pas étonnant »

    « Sont où les voisins ? »
    « Ben y dorment »

    « faut les réveiller »
    « Ben non, on leur dira demain et on appelle pas les gendarmes, ça sert à rien ; En tout cas, y'en a un des deux que je reconnaîtrai, l'avait le nez treuffiât »

    « C'est un coup des roms »
    Et voilà, toujours le même à dire ce genre de choses. Ils sont installés depuis deux jours sur le champ de foire au bourg et les langues vont bon train. Pour ce qui arrive au village, faut être idiot de dire ça parce que les ferrailleurs qui sont passés hier, je peux dire qu'ils étaient bien de notre région, ils avaient même un sacré accent d'ici.

    « allez vous autes, on va se coucher, tu peux rentrer ta zille pour c'te nuit, vont pas revenir de sitôt » conclut Willy.

    Et ce matin, les pieds dans la boue, alors qu'il en rouche depuis des heures, les voisins font le constat avec le chef des travaux. Je les vois depuis ma cour. Ils ont la figure consternée.
    Un cambriolage à la campagne c'est pas tout le temps. Ça doit être un coup pour eux qui disent qu'à la campagne on est bien tranquille.
    Déjà qu'ils sont ragoués de se geler dans l'humidité, la voisine va pas être commode.

    Dire que je voulais la voir pour lui demander si les mouches volantes qui se baladent devant mon œil c'était grave, s'il fallait que je vois le docteur.
    C'est pas que je songe qu'à ma petite personne, je veux juste savoir si je peux m'attendre à ce que les mouches retournent hiberner.
    Je vais y aller et j'apporte une belle courge, ça facilitera mon arrivée.

    Ah oui, j'allais oublier.. Bon voyage aux Amériques et aux Indes pour les deux messieurs d'ici.



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    Message par mamina Mer 10 Nov - 14:12

    Zut ! zut !
    Qui que ce soit maintenant le mal est fait ! mais c'est fou quand même !
    On pense fort à vous !
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    Message par Vovonne Mer 10 Nov - 16:58

    Je termine mon histoire du jour, parce que sinon dans quelques années, je me rappellerai plus de la mouche volante.Et en plus, ça occupe.

    Alors voilà :


    J'ai été au docteur. Oh non, j'ai été chez le docteur. C'est pas encore ça, je suis allée chez le docteur.
    J'entends ma voisine qui me dit la main posée sur mon épaule : Vovonne, enfin, il n'y a que la vache qui va au taureau ».
    Donc, je dis : je vais chez le pédicure, je vais chez le dentiste, je vais chez le coiffeur et je vais à la poste ; Tiens, on dit pas : je vais chez la poste. Ça c'est bizarre.
    Donc, je suis allée chez l'ophtalmo. J'écris ophtalmo parce que ça m'arrange. Je sais jamais si c'est ophtalmologiste ou ophtalmologue.
    C'est pénible parfois de n'avoir pas fait d'études. La grammaire, l'orthographe, la façon de tourner les phrases, ça montre tout de suite si on est allé à l'école longtemps ou pas longtemps.
    Quand on parle bien ou qu'on écrit bien, c'est tout de suite distingué.
    Félix, c'est pas mieux que moi, il fait une faute à chaque mot, c'est de la dysclexie, ça s'appelle.
    Quand il parle, ça s'entend pas. Faut dire qu'il parle pas beaucoup.

    N'empêche, il y a des gens, c'est plus pire que moi.
    J'ai entendu à la radio, une femme qui disait qu'elle avait un coeur d'artichaude. C'est la meilleure celle-là. Un coeur d'artichaux pour l'homme et un coeur d'artichaude pour la femme.
    Ca soulage de savoir qu'on en est pas à ce niveau nous deux Félix et moi.

    Alors l'ophtalmo a dit que les mouches disparaitraient, que l'œil allait bien. Il a mis des gouttes et j'ai l'œil d'un extra-terrestre. Plus de pupille et un hâlot violet tout autour. J'ai l'œil valide qui cligne devant l'écran et l'œil rond multicolore qui coule et qui pique.
    Faut que je fasse attention, c'est encore un coup à me beugner dans la porte.

    La voisine, elle a posé sa courge, (ma courge donc) dans le capharnaüm de la cuisine.
    Par terre, parce qu'elle est si grosse qui ne restait aucun autre endroit.
    J'ai eu l'impression, de l'ennuyer, mais, comme ça très vite, juste par un froncement de sourcil, après, elle est redevenue comme d'habitude.
    Je me relis et m'aperçois qu'on dirait que je parle de la courge qui fronce le sourcil et de la voisine qui est si grosse qu'elle se pose par terre.
    Encore heureux que je me comprends.
    Bref, la courge, c'est bon en gratin, je lui ai dit, comme ça, tu chauffes ton four, pas pour rien, et en plus ça sent bon.
    Et là, elle a pris la mouche (pas celle qui volète devant mon œil).
    « Dis que ça pue ici »
    « mais non, mais l'odeur de chaux humide c'est un peu comme l'odeur du pipi de chat »
    « c'est donc bien ce que tu dis : ça pue dans la cuisine »
    « te fâche pas, avec l'encens que tu mets ça masque l'odeur »
    (c'est encore bien des idées de gens de la ville, de mettre ces bâtonnets tordus, qui fument et qui puent encore plus que la chaux humide, mais ça je l'ai pas dit).

    La voisine s'est excusée de sa mauvaise humeur, c'est rapport aux chenaux et aux rails, elle m'a remercié pour la courge, m'a conseillé pour ma mouche d'aller consulter comme elle dit et voilà, on est le soir, il cheuille toujours.

    Félix coupe du petit bois en sifflant et je vais préparer une bonne soupe sans trop la meurer c'est mauvais pour le cœur.




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    Message par Wapiti Mer 10 Nov - 17:50

    J'adore, Vovonne. Continue à nous raconter, c'est aussi bon qu'un gratin de courge qui fond sous le palais.
    Et je compatis pour tes voisins.
    (M'enfin ! z'ont le sommeil si durs qu'ils sont les seuls à n'avoir rien entendu ?)


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    Message par Vovonne Ven 12 Nov - 13:44

    Je viens encore ici, où que c'est un village où la pluie ne ravine pas l'écran du paysage et c'est agréable d'écrire les ch'titetés de chez moi, bien au chaud. Personne n'est obligé de lire, il y a bien d'autres endroits de ce village pour s'occuper même si en ce moment c'est comme dans mon village à moi : déplumé.


    Il cheuille et il cheuille depuis des jours.

    Le ciel s'égoutte à n'en plus finir et j'ai posé une serpillière sur les tommettes de l'entrée et j'ai abandonné l'idée de les faire briller.
    L'eau crépite sur la marquise et le visiteur tape ses pieds bien poliment sans entamer la gangue de boue sous sa semelle.

    Hier, la lampe éclairait l'après-midi. J'étais installée à la table à peler des coings. Jour férié, jour de pluie.
    Félix lisait système D. Aucune musique, ni radio, ni télé. Rien que le fin qssss du couteau sur l'épaisse peau du fruit, le flaccc de la page qui se tourne.
    Plus tard quand définitivement l'après-midi anémique a laissé enfin la place à la soirée, Pierre-Marie et Jacques sont passés. Ils ont gadouillé mon sol.
    Ils proposaient leur calendrier. Nous on le prend toujours le calendrier des pompiers, ceux du facteur aussi. On a bu du cidre en bavardant. Pierre-Marie est capitaine et connait tout et tout le monde. On lui a parlé de Pierrot qui paraît perdre un peu la boule.
    Je suis passée chez lui, hier et il avait enfilé les manches de son pull sur les jambes et tenait pitoyablement le bas du pull en tentant vainement de le faire tenir autour de la taille.
    Après, on a parlé du feu qui a ravagé l'élevage d'un agriculteur dans la commune cet été.
    De l'assurance qui avait mal couvert et de l'abandon de l'agriculteur. Paraît qu'il boit maintenant.
    On a parlé aussi de ma figure et Félix a baissé le regard en entendant la même blague sur ses maltraitances supposées.

    Et puis ils sont partis, la nuit avait installé son écran sombre détoilé. On a écouté la radio, et j'ai ricané quand j'ai entendu que ça allait être la journée de la gentillesse.
    C'est incroyable d'inventer des journées particulières pour faire réagir les gens. On a qu'à inventer la journée des vacheries, ici on a de quoi faire entre les limousines et les salers.
    Je me demande si on verra dans la rue des gens avec un tronc et un panier d'épinglettes qui, en échange d'un sourire au prix qu'on veut, disons 50 centimes d'euros, vous piqueront un sourire idiot jaune comme sur l'ordinateur pour dire qu'on est content, sur le revers du manteau.

    Non, elle est bête mon idée. On peut être très méchant avec le sourire. Il y a des gens comme ça qui savent envoyer des méchancetés mais si finement avec un grand sourire que je mets trois jours à trouver la répartie. Trop tard, l'autre n'est plus en face de moi.
    D'ailleurs la gentillesse, elle est au fond de nous et on en parle pas trop, ça fait pas très moderne, dans notre époque, c'est mieux d'être cynique et de faire de l'exbrouffe comme il dit Félix.

    Le mieux du mieux, c'est d'être gentil avec des gens qu'on connait pas. Ceux qui habitent à Haïti, ceux qui habitent au Tibet, ceux qu'on renvoie dans leur pays. Là, on est un Très Vrai Gentil.
    Gentil avec le voisin, avec celui qui vit à côté, pas loin dans son mobil-home, c'est moins à la mode.

    Je connais un proverbe qui dit que « sagesse, beauté et gentillesse n'ont jamais fait bouillir le chaudron »
    Ma foi je suis de cet avis. Quand j'entends les journalistes et les hommes politiques, je vois bien que l'agressivité ça fait plus vendre que la gentillesse.

    Et pis d'abord, bienveillant et gentil, on a pas besoin d'en faire une journée spéciale.
    Suffit d'aller chez Pierrot, de l'aider à enlever les manches du pull coincées sur ses jambes, d'en rire avec lui, de lui mettre sa parka et de le ramener à la maison devant le poêle, de pas lui donner une pâte de coing qui va lui faire cracher son dentier, c'est arrivé et faut avoir le cœur bien accroché devant les débris anciens qui ont éclaboussé la table.
    Et voilà, je peux dire : "j'ai été gentille-gentille" comme on dit "celle-là, elle est con-con " avec le petit sourire de commissaire à Sion.

    Ils ont sûrement fabriqué une charte de la gentillesse pour cette journée.
    Je sais pas où je dois signer.
    Faut pas que ça me coûte, j'ai déjà donné dix euros pour le calendrier des pompiers.






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    Message par Wapiti Ven 12 Nov - 13:51

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    Message par Skyrgamur Ven 12 Nov - 14:04

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