Voila,
Je viens de repenser a ca, ecrit environs 2 semaines apres avoir repris a fumer, il y a environs 2 ans. J'etais deja a nouveau a plus de 10 clopes par jour, facile. C'etait dans le Nord Ouest argentin:
**************************************************************************************
Elle m’indique le chemin, que je
redemenderai deux fois avant de frapper à la porte de Soña Dora. Une petite
fille m’ouvre ; je demande si je peux dormir ici cette nuit. Elle part en
courant et une petite dame d’une soixantaine d’années arrive quelques instants
plus tard. Oui, je peux dormir ici, c’est quinze pesos la nuit. Le prix me
paraît raisonnable, je n’ai pas trop d’option dans ce trou perdu de toute
manière et pis, au choix, je préfère dormir chez l’habitant que dans un hostel.
Je demande à visiter quand même avant d’accepter. Elle me fait traverser la
maison ; Il y a une femme assise à regarder la télé et la petite fille, à
la table qui fait ses leçons d’écolières. On sort par le jardin et la chambre
est une pièce dans le prolongement de la maison. Deux lits, deux armoires, deux
chevets, une table et une chaise, et des matelas adossés le long du mur. La
salle de bain familiale est à côté. Ça me paraît très correct, je prend. Soña
se met alors à faire un peu d ménage dans la chambre, serpillère et
désinfectant même dans la salle de bain, c’est impec’ ! Pis elle met de l’eau
à bouillir pour mon maté... Je sens que je vais me plaire ici, c’est un de ces
endroits où l’on vous fait sentir comme à la maison. Le jardin, très grand, est
très agéable, ombragé par un grand avocatier, des citroniers, d’autres arbres
et quelques rangées de hautes vignes sur lesquelles il reste encore un peu de
raisins de fin de saison. Deux chiens, le grincheux Jack et la caline Dalila,
tiennent compagnie aux poules du fond du jardin, et à moi aussi, un peu. Je dis
à Soña que je vais me ballader un peu dans le village. « On va se
promener, me dit-elle, tu veux venir avec nous ? » D’accord. Vicki,
la petite fille, enfourche son vélo et nous partons toutes les trois. Soña me
dit qu’on va à la ferme familiale où on fait du tabac principalement, et du
maïs aussi. Vicki est loin devant nous quand sa grand-mère me dit que cette
petite fille à un grand frère mais que son papa lui manque. Je ne relève pas le
sujet, n’étant pas sure d’avoir bien compris, et par pudeur aussi, un peu.
Vicki est sa petite-fille, et la dame un peu sauvage, qui était devant la télé
à mon arrivée, sa fille. Je remarque un concentré de vieilles voitures ici,
encore plus rouillées et cabossées qu’ailleurs. Il y a quatre chevaux attachés
à un arbre le long de la route.on leur refait une beauté. Deux hommes sont en
train de ferrer l’un d’entre eux, et un autre est à couper la crinière d’un
second équidé. On arrive à la ferme, au coin d’une rue. Ce que je remarque
d’abord, ce sont ces petits bâtiments en pierre, assez haut, tous alignés, avec
sur la façade, une petite porte en bois. Autour de ces petites portes en bois,
les pierres sont carbonnisées. Des fours, me dis-je. Une tripotée de minots
joue dans la cour. On avance sous un préau soutenu par des rangées de poteaux
en bois que des fils de fer relis entre eux. On entend des voix de femmes dans
le bâtiment en pierre d’à côté. Soña appelle quelqu’un. « Si,
veni ! veni ! ». On entre. Il y a quatre femmes dans cet
endroit sombre. Rapidement Soña me présente, je suis une touriste française qui
dort chez elle pour la nuit. « Ah ! De Francia ! ». La dame
la plus forte, que je devinne être la patronne m’explique ce qu’elles font. Le
tas devant moi, ce sont des feuilles de tabac, qu’on a étouffées dns les fours
que j’ai vus en arrivant, avant de les mettre à sécher sur ces bâtons en bois
qu’on étend ensuite sous le préau d’à côté, comme du fil sur le linge. On trie
ces feuilles par catégorie de une à quatre, pis il y a les negros
aussi. Les feuilles de catégorie une sont celles qu’on vend le plus cher. Ensuite,
cette grosse femme sort, nous passons sous le préau et entrons dans le bâtiment
d’en face. Là, ce sont quatre hommes qui travaillent. Ils mettent les feuilles
en fagots, les humidifient avant pour ne pas qu’elles s’émiettent, et ces
fagots sont ensuite envoyés à la coopérative pour transformer ces feuilles en
tabac, qu’on exporte pour les compagnies cancéreuses de poumons. Soña me montre
un tas de feuilles de tabac avec une tête désolée : « Autant de
travail pour que ça parte en fumée... ». La grosse dame a ficelé de
feuilles séchées qu’elle m’offre, le sourire aux lèvres. Je la remercie, en me
demandant où je viens bien pouvoir mettre ce gros bouquet d’environs soixante
centimètres de haut. Je me demande même l’espace d’une micro-seconde si je
devrais l’accepter ; ces feuilles pour moi, ce sont autant de tunes en
moins pour les bouches à nourir. Et dieu sait si on a besoin d’argent dans
cette ferme ! Son mari nous rejoint près du champ de maïs, derrière les
bâtiments où un homme conduit un tracteur avec une machine atelée à l’arrière.
Om m’explique que c’est un tracteur qu’on loue. La discussion s’agrave, on
m’oublie. L’homme explique alors à Soña qu’il s’est renseigné pour acheter le
tracteur dont on manque cruellement à la ferme. C’est quarante mille pesos,
quarante mille pesos qu’on n’a pas évidemment... Je comprend aussi que la
coopérative fait ses prix, comme partout dans le monde malheureusement je me
dis. Sur la route du retour, Soña m’explique qu’ils travaillent beaucoup à la
ferme, jours et nuits pendant quatre mois de saisons nécessaires à la récolte
et au travail du tabac. Un léger malaise me prend, moi, avec mes clopes dans ma
poche. Je fais partie de ceux qui exploitent ces gens. Indirectement, certes,
mais quand même... Je grillerai seulement deux cigarettes pour le reste de la
journée, que je fumerai avec toute la culpabilité du monde en recrachant la
fumée nauséabonde de l’injustice et de l’exploitation.
**************************************************************************************
Pour eux aussi, je veux arreter de fumer.
Lilie