Bien entendu, chacun pense ce qu'il veut, néanmoins je suis surpris par tes lamentations sur toi-même, disons plutôt par tes émotions, ton ressenti sur cette pauvreté qui te saute à la figure et qui semble t'étonner. Tes émotions ne parlent que toi mais absolument pas des Africains. Tes annotations sont très justes lorsque tu te sens "voyeur", mais c'est inévitable à partir du moment où tu voyages en groupe et que tu n'es que de passage. Tout de même, on vit dans une société où aucune actualité nous est épargnée, où tout se sait, où tout est transparent, tu n'aurais pas dû être surprise par cette pauvreté au Mali dont les principaux responsables sont ces élites africaines voraces qui garnissent leurs comptes en banque plutôt que fournir le nécessaires à leurs peuples. Heureusement, tu te rattrapes un peu en parlant de ta honte d'avoir eu des pensées négatives sur toi-même, mais tout cela n'est pas très clair, tu sembles danser sur un fil tendu au dessus de ta vie.
En te lisant, il y a un livre qui m'est instantanément revenu à la mémoire :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2008/08/14/le-sanglot-de-l-homme-blanc-par-philippe-bernard_1083679_3232.h
(une critique que je ferais sur Pascal Bruckner, c'est d'avoir cautionné la guerre en Irak)
Après tout, si tu as ressenti de la culpabilité, c'est sans doute qu'il y a en toi un bon fond, comme une vocation réprimée. Tu devrais retourner au Mali, seule ou juste avec quelqu'un, prend le temps de rester dans un endroit, planque ton appareil photo, et parle, parle, parle avec les gens et surtout ne rien attendre d'eux, ne rien espérer. Bien sûr que voyager en Afrique est déstabilisant, nous avons tellement l'habitude de vivre dans une société protégée, où tout nous est offert sans que l'on fasse le moindre effort. On a soif? Il suffit d'ouvrir le robinet et nous avons de l'eau potable tout de suite dans notre verre. Un truc bête mais si confortable : chez nous, lorsqu'on veut acheter quelque chose, nous savons quel est le prix puisqu'il est affiché, au Sénégal, où j'avais voyagé avec un ami, je me souviens du premier achat que je voulais faire dans un marché, il n'y avait aucun prix affiché, alors j'ai demandé à un gars qui se promenait s'il pouvait m'indiquer le prix de l'objet, et tu sais ce qu'il m'a répondu? Il faut parler !
Si tu retournes au Mali, tu le verras d'une manière différente, au delà des oripeaux. Et peut être que tu liras dans le sourire qu'ils t'offriront l'amusement de te voir gênée par ton propre niveau de vie.
En tout cas, ton carnet était agréable à lire !
Qui va doucement, va longtemps