C´est comme si la poisse avait mis la main sur ma vie depuis quelques jours. Ca a commencé vendredi au taf. PAF m´avait envoyé un mail pour me demander de lui faire passer au plus vite le protocole du dernier meeting. J´ai complètement zappé le message (par mégarde évidemment, pas par mesquinerie) et me suis arrachée en weekend.
Faut dire que dans la matinée, j´avais dû boucher un trou pour le service « Qualité ». Tu verrais la chetron du chef de département. Ravagé par quinze ans de mauvais et déloyaux service dans boîte et (au bas mot) par le double de temps consacré à la défonce (avec en pole-position la bibine). Le caniche qui lui sert de secrétaire s´étant absentée pour une cure d´amincissement et la remplaçante ayant été bloquée par la grève du service public, c´est kitusé a dû se mettre mise au garde-à-vous.
J´ai halluciné en rentrant dans son bureau parce qu´il avait deux clopes d´allumées, une dans la main, l´autre qui se consumait dans un cendrier qui débordait sur des dossiers. Au service « Qualité », on n´est apparemment pas encore au fait des nouvelles directives anti-tabac. Ceci explique cela : ce bouffon de Pagnard est le pote du PDG, qui laisse encore passer généreusement bon nombre d´abus, surtout chez les vieux de la vieille. D´après les confidences de PAF, auxquelles j´ai droit en exclusivité sur l´oreiller, ça ne devrait pas durer...
Bref ! J´ai simulé une quinte de toux incurable en m´asseyant et j´allais commencer à prendre des notes quand ce pochetron m´en a proposé une ! Il m´est rien venu de plus percutant qu´un faible « non merci ». M´a demandé en prime si sa clope me dérangeait. Comme si j´allais lui faire le numéro de la chieuse stérile, hostile à tout. Bref, j´ai pas moucheté. Je m´en veux presque sur ce coup... Manque de franchise (savoir dire « NON ! », paragraphe 2 de mon programme « revivre »).
Tout compte fait, on a tapé la petite discute assez pépère pendant dix minutes. Suite à quoi puis il m´a expliqué qu´il fallait que je rédige dare-dare des réponses à deux ou trois courriers urgents de réclamations « parce que, que vous le croyiez ou pas, il y a plus de blaireaux branquignols qu´on imagine, incapables de déchiffrer deux lignes d´explication pour décongeler une moussaka ! ». Je croyais qu´il allait me les dicter, les courriers. Nan. Au lieu de ça, il se lève en resserrant sa cravate et me fait « vous avez l´air plus dégourdie que la moyenne, je vous fais entièrement confiance pour le choix du contenu et de la forme ».
Je l´aurais assommé, ce cave. Comme si j´avais que ça à faire, un vendredi aprem, de plancher sur ses réclas. J´ai zappé la cantine parce que je voulais rater à aucun prix ma première séance de karaté. Et c´est comme ça que PAF et son protocole sont passés aux oubliettes. Faut dire qu´avec Fabienne, on se tordait comme pas possible en dépeçant les nouvelles de la semaine sur le net avec, en Une d´un torchon, la mort du Héro de Kung-Fu. Tu sais, celui qui aurait été retrouvé pendu dans placard de sa piaule par un système de cordes plutôt louche, limite mystique. « Selon les enquéteurs, il serait mort d´un accident de masturbation ». Ouais, chacun ses vices, mais là... ouf ouf ! Comment veux-tu bosser avec ces conneries. Faites que PAF me pardonne, mon Dieu. Il a pas dû kiffer de se le coltiner en solo, le protocole.
J´te mens pas, tout ça pour que finalement, le karaté passe à la trappe. J´ai fait le pied de grue trois-quart-d´heure devant le gymnase. En rentrant chez moi, j´avais un message à la con sur le répondeur qui me « prévenait » que l´entraineur était coincé par des inondations dans sa campagne et était obligé d´annuler et de reporter la séance.
J´étais tellement à cran que j´ai enfilé mes Asics et j´ai pis ma bagnole pour sortir de la ville et aller courir en forêt. Si je te dis buse, tu penses à quoi ? Au film d´Hitchcock, ouais. Ou à mon jogging dorénavant. J´ai eu la trouille du siècle. Je courrais bien quand un ovni, surgi de nulle part, m´a planté des trucs dans le crâne au point que j´ai fait un volplané sur trois mètres. Sur le coup, je flippais tellement que j´ai pas pigé ce qui m´arrivait. En me relevant puis en avançant au pas de charge, je l´ai vue derrière moi, la buse, qui me repiquait droit sur ma tête. Qu´est-ce que t´aurais fait à ma place ? J´ai chopé le premier bâton que j´ai trouvé et l´ai agité comme une tarée au dessus de ma tête en gueulant. Ouste, j´ai déguerpi. La vache, c´est la première fois que je pique un sprint sur plusieurs kilomètres à en avoir la chair de poule!
A la maison, grosse panique. Dans mon carnet de vaccination, que dalle, pas une trace de vaccin rabique récent. Comme par hasard, Hossein était injoignable. Devine où j´ai fini la soirée : plantée à 22heures, dans la salle d´attente du médecin de garde.
Sinon, j´ai cafardé tout le weekend, à guetter un signe de vie de PAF. Mal dormi, pas beaucoup mangé. Envie de rien. Alors quand Jane m´appelée pour me proposer un sauna, j´ai sauté sur l´occaz.
Te bile pas, poulette, j´ai déjà repris le dessus..