par Glatch Lun 22 Juin - 20:57
Je savais bien que PAF était un mec bien. Un Everest de sensualité d´une part, mais surtout un homme ouvert au dialogue. On est arrivés les premiers à la pizzeria. Enfin... moi. Lui a défoncé la porte du resto une demi-heure plus tard (« Impossible de trouver à me garer ! Si ça continue, je vais me mettre au vélov »). Et les lumières se sont éteintes lorsque nous sommes repartis, aussi bancals l´un que l´autre, après que la fontaine de Chardonnay et de Pinot Grigio se soit asséchée.
Primo, il faut dire qu´on avait le feu au gosier, à force de mettre les points sur les I de notre relation, de nos carrières TGF respectives et surtout du risque à prendre (ou pas) concernant Jane.
Secundo, j´étais dans tous mes états parce que pour arriver au resto, j´avais pris le métro et que je m´étais retrouvée nez à nez avec la savate du distribanque, cet avachi de mes deux. Je t´en ai pas encore parlé, t´es sûre ? Tu m´diras, je préfère ça que radoter.
Il y a un an de ça environ, j´étais aux abois comme d´hab et je venais de faire un passage obligé par le distribanque avant de piquer un sprint vers le bureau. En repartant, je rangeais ma carte de crédit dans mon porte-monaie quand je me suis aperçue que j´avais oublié de prendre le pèze (un biffeton conséquent, rapport à ma fortune tout au moins).
Au moment où j´ai opéré un demi-tour-toute pour foncer vers la banque, je l´ai repéré, ce tire au flanc, qui repartait au pas de charge sans chercher son reste. Evidemment le fric n´était plus là et à la banque, on m´a dit le lendemain que le billet n´avait pas été avalé par l´appareil. J´en ai déduit que ce morveux se la pétait pour quelques heures à mes frais. Le tout au quinze du mois, alors que j´étais déjà à découvert. Ô Rage ! Ô désespoir ! Surtout ultra méga rage.
Deux semaines après, alors qu´exceptionnellement je prenais le bus plutôt que le métro, qui ai-je vu, avachi deux rangs plus loin, baissant le regard au moment où le mien plongeait dans le sien ? La lavasse du distribanque. Entre nous, pas vraiment un Adonis. Fringué avec un vieux blouson en toile déglingué d´un jaune pisseux écoeurant et des sandales assorties à ses yeux de cadavre. En gros l´épouvantail que tu plantes dans un champ si tu veux être sûr que les moineaux te gâcheront pas la récolte.
J´ai l´ai fixé tout le temps qu´a duré le trajet. Quand il est descendu au même arrêt que moi, j´ai pensé qu´avec un peu de chance, s´il habitait le même quartier, j´aurais d´autres occasions de boxer sa conscience. Quand le bus est reparti, je l´ai hélé :
- Et mon fric, il est où ? T´en as bien profité, au moins ?
- N´importe quoi... De quoi vous m´parlez ?
- Des cent euros que tu m´as barbotés, Monsieur-je-fais-l´innocent.
- Je n´ai jamais volé d´argent et surtout pas le vôtre.
- Ben voyons. On se reverra sûrement...
Je l´ai croisé à plusieurs reprises. A chaque fois, il changeait de trottoir où il filait dans la direction opposée. Dernièrement, je l´ai surpris à la terrasse d´un café.
- Ca te dérange pas de siroter un kir royal à la con avec mon oseille, pendant que je rame des heures tous les mois dans une boite de crétins pour pouvoir payer mon loyer ?
- Ca ne va pas recommencer !
- Ben, désolée de prendre sur ton temps... alors que tu t´accapares mon blé sans scrupule.
Et j´ai continué ma route. La dernière fois, c´était dans le métro hier en allant à la pizzéria. J´étais déjà installée quand il est monté dans la rame. Il s´est assis au moment même où il m´a apercue mais... trop tard ! Je l´ai de nouveau fixé avec insistance. Je me foutais des voisins, de tout en fait pour ainsi dire. Au contraire, leur présence m´arrangeait. J´avais l´intention de jouer le tout pour le tout et de le pousser dans ses retranchements.
- Tu sais pourquoi je te regarde comme ça ?
- .....
Alors-là, surprise. Il m´a fait signe de m´approcher et de m´asseoir à ses côtés. J´ai hésité une demi-seconde et puis je me suis dit que je n´avais rien à perdre. Il a sorti un porte-monaie, aussi nase que lui d´ailleurs, et m´a tendu cent dix euros.
- C´était cent, pas cent dix.
- C´est pas grave. J´ai plus besoin de bosser pour vivre. Prends les dix euros d´intérêts. Comme ça, on est quitte.
(En prime, il m´a tendu sa sale patte, genre calumet de la paix et on n´en parle plus)
- Dix euros, ça fait pas cher de l´heure. T´as pas plumé la bonne poule, mon pote, si tu veux rincer ta conscience.
Sur ce, je lui ai refourgué son billet de dix et je suis sortie du métro. Sous le coup de l´euphorie, j´ai commandé un bonne bouteille de blanc en attendant PAF et je l´ai invité à bouffer. C´est pas si souvent.
Bon, et Jane dans tout ça ? Va falloir que je me décide.