Impressions tadjikes (3)
Assis autour du feu qui éloigne les démons de la nuit noire et la fraicheur du vent du soir, échange musical franco-tadjik a capella. Nos « classiques » français bien futiles (voire paillards), enfin les bribes que nous sommes à peine capables de tous reprendre, font pâle figure face à la mélodie mélopée et la puissance des vers de grands poètes centrasiatiques des siècles antérieurs repris dans les chants traditionnels des bergers tadjiks. Il est question de souffrance, il est question d’amour, d’amour de la nature et de son métier, d’amour de Dieu… Le chanteur est habité, ses choristes heureux de l’accompagner. Nous, touristes, subjugués.
Le soir suivant. Je ne peux me joindre à la veillée et c’est de la tente que j’apprécie le décor sonore. Même puissance émotionnelle que la veille dans ces mélopées incompréhensibles… Et soudain, ce n’est plus la voix de Djamal qui entonne une nouvelle partition, mais une voix cristalline d’enfant berger. L’intensité émotionnelle monte d’un cran. C’est beau. C’est décidément… divin.
Assis autour du feu qui éloigne les démons de la nuit noire et la fraicheur du vent du soir, échange musical franco-tadjik a capella. Nos « classiques » français bien futiles (voire paillards), enfin les bribes que nous sommes à peine capables de tous reprendre, font pâle figure face à la mélodie mélopée et la puissance des vers de grands poètes centrasiatiques des siècles antérieurs repris dans les chants traditionnels des bergers tadjiks. Il est question de souffrance, il est question d’amour, d’amour de la nature et de son métier, d’amour de Dieu… Le chanteur est habité, ses choristes heureux de l’accompagner. Nous, touristes, subjugués.
Le soir suivant. Je ne peux me joindre à la veillée et c’est de la tente que j’apprécie le décor sonore. Même puissance émotionnelle que la veille dans ces mélopées incompréhensibles… Et soudain, ce n’est plus la voix de Djamal qui entonne une nouvelle partition, mais une voix cristalline d’enfant berger. L’intensité émotionnelle monte d’un cran. C’est beau. C’est décidément… divin.
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Allez écouter Davlatmand Kholov sur sa chanson « Tcharkh-o-falak » (ou aussi « Dour Mashaw ») : http://www.deezer.com/fr/music/davlatmand-kholov-abdoussatar-abdoullaev#music/davlatmand-kholov-abdoussatar-abdoullaev
Oubliez le sitâr pour ne garder que la voix,
imaginez un chanteur encore plus habité par ces vers,
sur un rythme un peu plus lent,
en pleine nuit noire, avec le feu de genévriers qui crépite en fond sonore…
vous y êtes.
C’est toi qui fais tourner la roue de ma vie.
Je demeurais à Koulab, tu m’as attiré à Balkh.
Là-bas à Koulab, je buvais de l’eau douce,
Tu m’as fait venir, moi le Fou, goûter l’eau amère.
Malheureux celui qui est arraché à son pays
Et, en son exil lointain, soumis à la loi d’autrui.
(traduction de Tcharkh-o-falak)
Je demeurais à Koulab, tu m’as attiré à Balkh.
Là-bas à Koulab, je buvais de l’eau douce,
Tu m’as fait venir, moi le Fou, goûter l’eau amère.
Malheureux celui qui est arraché à son pays
Et, en son exil lointain, soumis à la loi d’autrui.
(traduction de Tcharkh-o-falak)
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
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Impressions tadjikes (4) - Le temps d’une pause
A l’heure où le cuisinier s’agite derrière son gaz et où chacun vaque à ses occupations pré-dînatoires, chercher un rocher confortable un peu à l’écart, calepin et stylo en main. Chercher un peu de quiétude dans la lumière du jour qui décline lentement pour se retrouver seule face aux parois rocheuses acérées ancrées dans la verdure d’une oasis de montagne, seule face à soi-même, seule face à la page blanche qui appelle les impressions. Le torrent ronronne un peu plus bas, les bruits humains étouffés s’oublient, ânes, chèvres et chiens font une pause, les pensées arrivent…
Mais la solitude n’est que très éphémère en ces lieux. Sans bruit, une ombre approche, une silhouette s’affirme, deux yeux brillants de curiosité et avides de rencontres me fixent. Je n’ai rien écrit, je n’ai plus d’idées, je ne suis plus seule. Bruni de soleil et poussiéreux, le visage enfantin face à moi occupe tout l’espace, réclame toute mon attention. Comment communiquer ? Pas de langue commune. Mais le langage universel, comme toujours. Langage de regards, de gestes, de dessins. Que sais-je dessiner qui puisse nous être commun ? Un âne, Hi-Han. Un mouton, Bêêêê. Un chat, Miaou… Quelques coups de crayons, regards, sourires, onomatopées animalières, la magie opère.
Je ne suis plus seule, ils sont trois maintenant. Dessiner encore, les mêmes choses, pour que chacun ait son bout de papier, à défaut de pouvoir récupérer mon stylo tentateur ou des bonbons que je n’ai pas…
Je ne suis plus seule, rejointe par certaines de mes camarades de voyage. Le contact se modifie. Ces gamins ont l’air très doués pour les langues, avec une sacrée oreille, s’amusant à répéter nos phrases. Une idée : leur apprendre une comptine française. Une souris verte… Frère Jacques… Ils sont incroyables, efficaces, amusés et amusants.
Ils sont crasseux, le plus âgé doit avoir à peine 7 ans, ils nous ont offert de belles minutes de partage. Je n’ai rien écrit, j’ai perdu mes idées, mais je ne regrette pas : rares sont ces instants dans un circuit organisé. Prendre le temps de cet échange, prendre le temps de savourer ces instants, simplement.
A l’heure où le cuisinier s’agite derrière son gaz et où chacun vaque à ses occupations pré-dînatoires, chercher un rocher confortable un peu à l’écart, calepin et stylo en main. Chercher un peu de quiétude dans la lumière du jour qui décline lentement pour se retrouver seule face aux parois rocheuses acérées ancrées dans la verdure d’une oasis de montagne, seule face à soi-même, seule face à la page blanche qui appelle les impressions. Le torrent ronronne un peu plus bas, les bruits humains étouffés s’oublient, ânes, chèvres et chiens font une pause, les pensées arrivent…
Mais la solitude n’est que très éphémère en ces lieux. Sans bruit, une ombre approche, une silhouette s’affirme, deux yeux brillants de curiosité et avides de rencontres me fixent. Je n’ai rien écrit, je n’ai plus d’idées, je ne suis plus seule. Bruni de soleil et poussiéreux, le visage enfantin face à moi occupe tout l’espace, réclame toute mon attention. Comment communiquer ? Pas de langue commune. Mais le langage universel, comme toujours. Langage de regards, de gestes, de dessins. Que sais-je dessiner qui puisse nous être commun ? Un âne, Hi-Han. Un mouton, Bêêêê. Un chat, Miaou… Quelques coups de crayons, regards, sourires, onomatopées animalières, la magie opère.
Je ne suis plus seule, ils sont trois maintenant. Dessiner encore, les mêmes choses, pour que chacun ait son bout de papier, à défaut de pouvoir récupérer mon stylo tentateur ou des bonbons que je n’ai pas…
Je ne suis plus seule, rejointe par certaines de mes camarades de voyage. Le contact se modifie. Ces gamins ont l’air très doués pour les langues, avec une sacrée oreille, s’amusant à répéter nos phrases. Une idée : leur apprendre une comptine française. Une souris verte… Frère Jacques… Ils sont incroyables, efficaces, amusés et amusants.
Ils sont crasseux, le plus âgé doit avoir à peine 7 ans, ils nous ont offert de belles minutes de partage. Je n’ai rien écrit, j’ai perdu mes idées, mais je ne regrette pas : rares sont ces instants dans un circuit organisé. Prendre le temps de cet échange, prendre le temps de savourer ces instants, simplement.
Rahmat, enfants tadjiks.
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Impressions Tadjikes (5)
Le lendemain, chez l’habitant tadjik au cœur des montagnes. Une maison sans prétention accrochée aux rochers au-dessus de la « route », ses murs blancs et son toit de tôles, sa terrasse ombragée, son antenne télé faite de bric et de broc, son système électrique aléatoire, son eau courante de seaux en tuyaux d’arrosage... Une famille se met en quatre et s’entasse dans une pièce pour nous faire de la place : deux chambres sombres meublées de tapis, tentures et couvertures confortables, d’une propreté inimaginable en ces lieux pierreux et poussiéreux. Le luxe : une « salle de bain » et sa « douche », seaux d’eau chaude et godet sur caillebotis et écoulement. Le luxe : tables et bancs sur la terrasse pour une assise à l’occidentale plus confortable.
Pendant que certains arpentent encore les sentiers caillouteux et écrasés de chaleur, les malades et convalescentes profitent longuement de nos hôtes dans la tiédeur matinale offerte par la terrasse. Jeunes enfants en vacances chez leurs grands-parents, trop heureux de pouvoir échanger sans parole avec les touristes français, trop fiers de pouvoir raconter cela à leurs copains à la rentrée. L’appareil photo numérique fait son effet habituel. Un plaisir, un jeu. Clic. Clic. Encore. Encore. Le modèle tadjik devient photographe amateur. Encore. Encore… Une attraction à laquelle même la grand-mère finit par succomber en posant avec le plus jeune, encore bébé.
Plus tard dans la journée, on trouve autre chose. Jouons au tic tac toe (ou morpion). Toi, jeune Tadjik, tu ne sais pas jouer ? Peu importe, tu apprends vite. Neuf cases, des croix, des cercles. Règles vite comprises. Échange sans paroles encore une fois.
Des petites filles ? Nous n’en aurons pratiquement pas vues au Tadjikistan. Les femmes ? Elles se font discrètes, mais efficaces dans la marche de la maison.
Le soir, après le dîner, le maître de maison, adjoint de l’imam du village, discutera un moment avec nous, grâce à la traduction de notre guide ouzbek.
La soirée est douce, encore une fois arrosée de vodka, il fait plaisir trainer. On se sent bien ici. Comme à la maison. Regrets de repartir déjà dès demain matin.
Le lendemain, chez l’habitant tadjik au cœur des montagnes. Une maison sans prétention accrochée aux rochers au-dessus de la « route », ses murs blancs et son toit de tôles, sa terrasse ombragée, son antenne télé faite de bric et de broc, son système électrique aléatoire, son eau courante de seaux en tuyaux d’arrosage... Une famille se met en quatre et s’entasse dans une pièce pour nous faire de la place : deux chambres sombres meublées de tapis, tentures et couvertures confortables, d’une propreté inimaginable en ces lieux pierreux et poussiéreux. Le luxe : une « salle de bain » et sa « douche », seaux d’eau chaude et godet sur caillebotis et écoulement. Le luxe : tables et bancs sur la terrasse pour une assise à l’occidentale plus confortable.
Pendant que certains arpentent encore les sentiers caillouteux et écrasés de chaleur, les malades et convalescentes profitent longuement de nos hôtes dans la tiédeur matinale offerte par la terrasse. Jeunes enfants en vacances chez leurs grands-parents, trop heureux de pouvoir échanger sans parole avec les touristes français, trop fiers de pouvoir raconter cela à leurs copains à la rentrée. L’appareil photo numérique fait son effet habituel. Un plaisir, un jeu. Clic. Clic. Encore. Encore. Le modèle tadjik devient photographe amateur. Encore. Encore… Une attraction à laquelle même la grand-mère finit par succomber en posant avec le plus jeune, encore bébé.
Plus tard dans la journée, on trouve autre chose. Jouons au tic tac toe (ou morpion). Toi, jeune Tadjik, tu ne sais pas jouer ? Peu importe, tu apprends vite. Neuf cases, des croix, des cercles. Règles vite comprises. Échange sans paroles encore une fois.
Des petites filles ? Nous n’en aurons pratiquement pas vues au Tadjikistan. Les femmes ? Elles se font discrètes, mais efficaces dans la marche de la maison.
Le soir, après le dîner, le maître de maison, adjoint de l’imam du village, discutera un moment avec nous, grâce à la traduction de notre guide ouzbek.
La soirée est douce, encore une fois arrosée de vodka, il fait plaisir trainer. On se sent bien ici. Comme à la maison. Regrets de repartir déjà dès demain matin.
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Nous reprenons la route vers le bas, vers l’ouest, en 4x4 tadjiks d’abord, en minibus ouzbek ensuite.
Nous laissons les monts pierreux tadjiks, leurs oasis vertes et leurs lacs aux charmes envoûtants pour rejoindre l’Ouzbékistan et les promesses de ses cités de la Route de la Soie.
Samarkand d’abord. Boukhara ensuite. Puis plus tard la longue traversée du désert vers Khiva. Des heures de route à regarder le paysage défiler.
Instantanés de route
Dans la clarté matinale et la très relative fraicheur défilent la route partiellement macadamisée, ses bas-côtés classiquement composés du canal d’irrigation, éventuellement d’un rideau d’arbres, mûriers ou autres essences à la base peinte de chaux, et les champs en culture, en friche ou labourés. De loin en loin on devine un groupe de maisons, petits hameaux perdus dans les cultures.
Ville ou village approche : au-delà des petits canaux bordant la route se dressent des murs blancs, gris, peints, lépreux ou rénovés. Maisons accolées les unes aux autres, aux délimitations parfois invisibles, juste repérables par la grande porte, large et haute permettant le passage d’automobile lorsque grandes ouvertes, et pourvues en leur sein d’une ouverture à taille humaine. Où l’on devine l’agencement intérieur classique de la région : carré de pièces autour d’une cour, parfois fleurie ou arborée, toujours équipée de son charpoï, cette estrade mobile qui ressemble à un lit en plein air, sert de canapé de repos et de salle à manger au gré des heures et des temps forts de la journée.
De-ci, de-là, vaquent quelques vaches menées ou simplement surveillées par un enfant ou une femme, il est l’heure de la pâture. Sur la route nous doublons et croisons ânes montés à crus par des enfants ou tirant charrette plus ou moins chargées de femmes, d'enfants, de foin, de pastèques et autres productions maraîchères, il est l’heure de se rendre au marché du matin. Quelques jeunes gens ou barbes grises sur leurs bicyclettes qui paraissent d’un autre temps, tirant eux aussi parfois une petite cariole brinquebalante. Groupe de femmes belles de couleurs dans leurs robes et foulards, attendant patiemment un bus au milieu de nulle part.
Plus loin, plus tard, scènes récurrentes : femme colorée accroupie au bord du canal, œuvrant à la lessive ou vaisselle, groupe d’enfants en maillots jouant dans le canal rafraichissant dans un éclaboussement de rires et de gouttelettes, vieil homme calotté et barbe blanche se reposant sur une pierre à l’ombre d’un mûrier, femmes courbées en deux dans les champs, affairées à quelques travaux agricoles…
Ailleurs, plus loin, champs de coton à perte de vue. Parcelles plus restreintes de céréales, entre deux chemins bordés de feuillus.
Carrés de terres labourées, noires ou palette de marrons. Au milieu, sous l’écrasante torpeur de l’après-midi, en ombre chinoise, immobilité d’un bovidé esseulé coiffé d’un corbeau tout aussi stoïque.
Ainsi défile la route, souvent rectiligne, rarement surchargée en dehors des grandes agglomérations. Paysages champêtres, scènes de vie d'un quotidien poussiéreux de labeur mais joyeux de vie.
Nous laissons les monts pierreux tadjiks, leurs oasis vertes et leurs lacs aux charmes envoûtants pour rejoindre l’Ouzbékistan et les promesses de ses cités de la Route de la Soie.
Samarkand d’abord. Boukhara ensuite. Puis plus tard la longue traversée du désert vers Khiva. Des heures de route à regarder le paysage défiler.
Instantanés de route
Dans la clarté matinale et la très relative fraicheur défilent la route partiellement macadamisée, ses bas-côtés classiquement composés du canal d’irrigation, éventuellement d’un rideau d’arbres, mûriers ou autres essences à la base peinte de chaux, et les champs en culture, en friche ou labourés. De loin en loin on devine un groupe de maisons, petits hameaux perdus dans les cultures.
Ville ou village approche : au-delà des petits canaux bordant la route se dressent des murs blancs, gris, peints, lépreux ou rénovés. Maisons accolées les unes aux autres, aux délimitations parfois invisibles, juste repérables par la grande porte, large et haute permettant le passage d’automobile lorsque grandes ouvertes, et pourvues en leur sein d’une ouverture à taille humaine. Où l’on devine l’agencement intérieur classique de la région : carré de pièces autour d’une cour, parfois fleurie ou arborée, toujours équipée de son charpoï, cette estrade mobile qui ressemble à un lit en plein air, sert de canapé de repos et de salle à manger au gré des heures et des temps forts de la journée.
De-ci, de-là, vaquent quelques vaches menées ou simplement surveillées par un enfant ou une femme, il est l’heure de la pâture. Sur la route nous doublons et croisons ânes montés à crus par des enfants ou tirant charrette plus ou moins chargées de femmes, d'enfants, de foin, de pastèques et autres productions maraîchères, il est l’heure de se rendre au marché du matin. Quelques jeunes gens ou barbes grises sur leurs bicyclettes qui paraissent d’un autre temps, tirant eux aussi parfois une petite cariole brinquebalante. Groupe de femmes belles de couleurs dans leurs robes et foulards, attendant patiemment un bus au milieu de nulle part.
Plus loin, plus tard, scènes récurrentes : femme colorée accroupie au bord du canal, œuvrant à la lessive ou vaisselle, groupe d’enfants en maillots jouant dans le canal rafraichissant dans un éclaboussement de rires et de gouttelettes, vieil homme calotté et barbe blanche se reposant sur une pierre à l’ombre d’un mûrier, femmes courbées en deux dans les champs, affairées à quelques travaux agricoles…
Ailleurs, plus loin, champs de coton à perte de vue. Parcelles plus restreintes de céréales, entre deux chemins bordés de feuillus.
Carrés de terres labourées, noires ou palette de marrons. Au milieu, sous l’écrasante torpeur de l’après-midi, en ombre chinoise, immobilité d’un bovidé esseulé coiffé d’un corbeau tout aussi stoïque.
Ainsi défile la route, souvent rectiligne, rarement surchargée en dehors des grandes agglomérations. Paysages champêtres, scènes de vie d'un quotidien poussiéreux de labeur mais joyeux de vie.
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
C’est comme si je reculais sans cesse devant l’inévitable moment où il me faudra vous parler de Samarkand, de Boukhara, de Khiva, de ces cités des Routes de la Soie et de leurs beautés bleues.
Pourquoi ? Je ne sais.
Peut-être parce que Samarkand me laisse une impression en demi-teinte, d’insatisfaction, comme tout mythe enfin découvert, ou quand les images d’un passé révolu ne s’accordent pas vraiment au présent citadin et empreint de modernité…
Peut-être parce que Boukhara me laisse en bouche un goût de reviens-y, les affres de ma santé ayant alors amputé mon temps et mon plaisir de découvertes.
Peut-être parce que j’ai souffert de ne pouvoir profiter plus de la belle Khiva à cause des chaleurs insupportables de l’été ouzbek…
Peut-être parce qu’il est très difficile de décrire ce trop plein de médersas, de mosquées, de mausolées, de caravansérails que nous avons affronté…
Peut-être parce qu’il est trop difficile de poser des mots pour présenter ces innombrables pishtaks majestueux, ces coupoles de briques ou de céramiques, ces minarets et autres tours, ces remparts, ces jardins et cours, ces intérieurs tout en longueur, en hauteur, en décorations, ces sols, ces murs, ces plafonds, ces moucharabiehs, ces stucks…
Peut-être parce qu’il est impossible de raconter les bleus des coupoles, les bleus des céramiques, faïences et mosaïques, les bleus des façades extérieures, les bleus des intérieurs, les ors de certaines pièces…
Peut-être simplement de peur de voir les mots posés ternir ou flouter ces souvenirs qui hantent le fond de l’esprit, dans toute cette superposition intérieure de lieux, de monuments, de beautés, d’impressions, de bleus.
Camaïeux de bleus. Mélange d'imagerie imaginaire et de perceptions réelles et modernes.
Et pourtant... il le faudra bien, un jour.
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
mamina- Localisation : Près de Pau, sur le chemin de St Jacques...
J'aimerais bien oui que tu arrives à mettre des mots, tes mots, sur ces magnifiques cités...
Ce que je garde de l'Ouzbékistan c'est le bleu, tous les bleus... et l'or de leurs sourires
Ce que je garde de l'Ouzbékistan c'est le bleu, tous les bleus... et l'or de leurs sourires
Invité- Invité
Prends ton temps si ça s'emmêle au portillon des souvenirs, je ne connais rien de tous ces lieux, même si Mamina a raconté ça, un jour, j'aime bien lire.
imanachnuelohim- Localisation : E(A)n 1195 Kemingsen
Et aussi visiblement,tes bleus dans l'âme !!Wapiti a écrit:Peut-être parce qu’il est impossible de raconter les bleus des coupoles, les bleus des céramiques, faïences et mosaïques, les bleus des façades extérieures, les bleus des intérieurs, les ors de certaines pièces.
Quelle lenteur splendide, ce discours épique d'un autre temps .....
Je traîne, je traîne, mais la marche inexorable de tes souvenirs fabuleux m'emporte dans l'onirisme.
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Il n'y a pas d'homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé,de celui qui a changé 20 fois la forme de sa pensée et de sa vie
Lilie- Localisation : Pieds sur Terre, tête en l'Eire
MERDEUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUU! Je viens de me rendre compte que j'ai laisse en plan les Stan wapitiens depuis mon depart pour la Gaule il y a 3 semaines! pfffffff... va vraiment falloir que je me trouve du temps pour toutes ces lectures!
Lilie
Lilie
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
Mes routes de la soie sont restées en plan... et le seront encore quelques semaines...
... mais ce soir, pendant quelques minutes, je suis repartie là-bas, à Samarkand et Boukkhara...
Vous avez zappé ?
C'était là : Des Racines et des Ailes sur France 3 : Trésors d'Ouzbekistan
... émission qui sera normalement visible sur http://pluzz.fr dans les heures/jours qui viennent pendant quelques jours seulement...
... mais ce soir, pendant quelques minutes, je suis repartie là-bas, à Samarkand et Boukkhara...
Vous avez zappé ?
C'était là : Des Racines et des Ailes sur France 3 : Trésors d'Ouzbekistan
... émission qui sera normalement visible sur http://pluzz.fr dans les heures/jours qui viennent pendant quelques jours seulement...
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Skyrgamur- Localisation : Normandie
Comme d'habitude, superbe émission.
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Skyrgamur, le lutin Islandais
mamina- Localisation : Près de Pau, sur le chemin de St Jacques...
Tiens ! on s'est assis là ! oh ! ici y'a des gamines qui ont essayé de nous vendre des poteries ! tu te souviens à cet endroit tu saignais du nez, on cherchait de l'eau partout ! et qu'est-ce-qu'on a eu froid ce jour-là ! et le lutrin... ma photo était loupée...
Voilà une partie des commentaires devant la télé ce soir... et au final le bonheur d'y être allés
Voilà une partie des commentaires devant la télé ce soir... et au final le bonheur d'y être allés
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
On reprend un peu le fil de la promenade ouzbèke ?
Samarkand
Autant Tashkent m’était un nom pratiquement inconnu jusqu’à mai dernier, autant Samarkand résonnait depuis quelques années à mes oreilles de promesses de mille et une découvertes mythiques...
La déception est souvent proportionnelle à l’avide attente que l’on porte à un lieu… Non, Samarkand ne m’a pas déçue à ce point. Elle me laisse simplement dans un mélange complexe d’insatisfaction et d’émotions très positives.
La beauté de ses monuments n’est absolument pas à remettre en cause, le nombre incalculable de photos que j’en ramène – et toutes celles que je n’ai pas prises faute aux touristes, au timing, à la lumière et plein d’autres raisons – est là pour prouver mon émerveillement à leurs pieds, en leurs cœurs.
Mais Samarkand, c’est aussi et surtout autre chose : une ville, une grande ville, qui se veut moderne, qui se modernise encore et toujours plus, toujours plus vite. Quartiers centraux vidés de leurs habitants et habitations originelles, grandes et larges avenues trop propres bordées d’arbres et aux bâtiments aseptisés… Et les bâtiments historiques magnifiques ne sont que des îlots isolés dans cet ensemble urbain qui n’a plus vraiment, voire plus du tout, l’âme que l’on pourrait espérer, attendre d’une cité de la Route de la Soie...
Patrimoine architectural de l’humanité, ces petites merveilles de Samarkand sont elles aussi rénovées. Heureusement… et malheureusement. Redressées, remises en état, restaurées pour reprendre des dimensions et des couleurs qu’elles avaient quelques siècles plus tôt et que l’usure du temps ou les invasions destructrices avaient mis à mal. Mais restaurées « à la russe », sans réelle prise en compte des techniques et matériaux d’époque, ce qui leur donne parfois un cachet un peu surfait, ce qui fausse les couleurs – qu’étaient ces bleus avant de devenir ces nouveaux bleus ? –, joyaux un peu trop lisses, un peu trop propres, peut-être un peu trop identiques les uns aux autres au final.
Il n’empêche, c’est beau !
Mais comment vous raconter cela ?
Me faudra-t-il, comme notre guide, en passer par la difficile histoire de cette région d’Asie Centrale ? Tour à tour envahie et annexée ou dirigée par les Grecs d’Alexandre le Grand, les nomades d’Asie (qui fondèrent les Routes de la Soie), les Perses Sassanides et les Huns Blancs, les Arabes, les Perses Samanides, les Turcs, les Mongols de Gengis Khan, les Timourides de Tamerlan, et enfin les Russes…
En fait, non, pas tout à fait.
A Samarkand, comme sur la majeure partie du territoire ouzbek, il n’est pratiquement point utile de remonter au-delà de Gengis Kahn tant celui-ci a su anéantir les civilisations envahies, détruire l’essentiel des constructions antérieures. L’essentiel des « monuments » et vestiges qui se visitent sont donc postérieurs à 1369, avec l’accession au pouvoir de Tamerlan, alias Amir Timour (= « l’Émir de fer »).
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
lahaut
Et les photos puisque tu en as un fait un nombre incalculable ! ?
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
Impatient !lahaut a écrit:Et les photos puisque tu en as un fait un nombre incalculable ! ?
Il faut savoir savourer les mots pour apprécier les photos...
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Le site le plus ancien que nous ayons visité daterait néanmoins de 500 avant J.C. : le musée Afrasiab retrace les fouilles réalisées et les vestiges extirpés de cette colline proche du centre-ville de Samarkand, emplacement de la cité originelle. Si la colline n’est aujourd’hui que pâturages (interdits mais réels) à moutons avec quelques fossés et monticules de pierres à ciel ouvert, le musée présente une multitude d’objets archéologiques classiques, de la poterie aux bijoux et autres ustensiles ferreux ou pierreux… dont quelques trésors, comme les, parait-il, plus vieux pions d’échecs connus, et une magnifique fresque murale remarquablement conservée et restaurée.
Les autres visites effectuées à Samarkand nous auront permis d’admirer les beautés artistiques de la période timouride de la région des XIV° et XV°, et de ses descendants jusqu’au XVII° siècle.
Les autres visites effectuées à Samarkand nous auront permis d’admirer les beautés artistiques de la période timouride de la région des XIV° et XV°, et de ses descendants jusqu’au XVII° siècle.
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
lahaut
On attend toujours les photos .......notre patience a une limite ....
Dernière édition par lahaut le Sam 19 Mar - 21:33, édité 1 fois
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
.../...
Il y a d’abord eu le Mausolée Gour-Emir, première rencontre avec les merveilles timourides.
Approche toute en lenteur, avec une longue explication face à ce « tombeau du souverain » ; assise à l’ombre et bercée par l’histoire timouride racontée par Kahramon, c’est l’occasion d’admirer cette silhouette : majestueux portail d’entrée paré de calligraphies et motifs géométriques en faïences et vernissages de bleus, verts et blancs sur briques brunes, derrière lequel se dresse le corps de bâtiments, épaulé de sa colonne élancée à la spirale de caractères arabes en turquoise, et surmonté de son dôme impressionnant en nervures émaillées bleues.
Approche toute en lenteur, avec une longue explication face à ce « tombeau du souverain » ; assise à l’ombre et bercée par l’histoire timouride racontée par Kahramon, c’est l’occasion d’admirer cette silhouette : majestueux portail d’entrée paré de calligraphies et motifs géométriques en faïences et vernissages de bleus, verts et blancs sur briques brunes, derrière lequel se dresse le corps de bâtiments, épaulé de sa colonne élancée à la spirale de caractères arabes en turquoise, et surmonté de son dôme impressionnant en nervures émaillées bleues.
Vient ensuite le temps d’entrer dans la place, de se rendre vraiment compte des dimensions, et de découvrir la multitude de détails architecturaux et décoratifs.
Ces reliefs en stucs peints de bleu, d’or et de blanc, ou simplement de blanc souligné de gouttes d’or et de fines lignes bleutées, ces murs extérieurs tapissés de faïences, ces lourdes portes de bois finement sculptées…
Et l’intérieur de ce mausolée, sous le dôme, splendide coupole couverte de feuilles d’or rehaussées de bleus, encore… sous laquelle repose plusieurs tombes, dont celle en granit noir de Tamerlan. A ses côtés repose notamment son petit-fils bienaimé, Moukhammad Sultan, pour lequel ce mausolée a été initialement construit.
Bleus, bleu clair, bleu foncé, turquoise, blancs, ors. Motifs géométriques, losanges, rectangles, triangles, étoiles, rosaces, motifs floraux, entrelacs, caractères arabisants ou persans,… Nous ne savons déjà plus où donner de la tête, où donner de l’œil.
Ces reliefs en stucs peints de bleu, d’or et de blanc, ou simplement de blanc souligné de gouttes d’or et de fines lignes bleutées, ces murs extérieurs tapissés de faïences, ces lourdes portes de bois finement sculptées…
Et l’intérieur de ce mausolée, sous le dôme, splendide coupole couverte de feuilles d’or rehaussées de bleus, encore… sous laquelle repose plusieurs tombes, dont celle en granit noir de Tamerlan. A ses côtés repose notamment son petit-fils bienaimé, Moukhammad Sultan, pour lequel ce mausolée a été initialement construit.
Bleus, bleu clair, bleu foncé, turquoise, blancs, ors. Motifs géométriques, losanges, rectangles, triangles, étoiles, rosaces, motifs floraux, entrelacs, caractères arabisants ou persans,… Nous ne savons déjà plus où donner de la tête, où donner de l’œil.
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
Fabricia- Localisation : Alpes Maritimes
... C'est trop beau, Wapiti !
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Fabricia
"Le présent est un leurre puisqu'il se transforme sans cesse en passé" (selon Flora Groult)
mamina- Localisation : Près de Pau, sur le chemin de St Jacques...
J'ai cherché un bon moment où était le changement ?
Dis donc ! ils ont bien restauré la porte depuis notre passage...
Effectivement, un endroit magique ; et quelle sérénité auprès des tombeaux...
Dis donc ! ils ont bien restauré la porte depuis notre passage...
Effectivement, un endroit magique ; et quelle sérénité auprès des tombeaux...
lahaut
Et alors la suite elle est où ?
chabadaba
Eh ben,après plusieurs minutes de lecture,quel voyage ?
J'epère que tu as ramené de ce beau voyage quelques étoffes soieuses,magnifiques souvenirs de ton périple .
lahaut
Et de plus de très jolies photos que la cheftaine nous a rapportées .... et alors la suite !!!
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
Pas d'étoffes, non, ce n'est pas trop le style de la maison.chabadaba a écrit:J'epère que tu as ramené de ce beau voyage quelques étoffes soieuses, magnifiques souvenirs de ton périple.
Par contre plein de belles images dans la tête et dans l'appareil photos, ça c'est sûr !
Oui, oui, Lahaut, ça arrive !
Dès la fin de semaine prochaine je pourrai consacrer quelques heures à ce carnet en souffrance (en attendant, la semaine laborieuse est chargée), promis.
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
.../... (Samarkand, suite)
Passé le pishtak d’entrée de la nécropole Chahk-i-Zinde, c’est une guirlande de merveilles qui nous assaille le long de l’allée pavée et ses hauts escaliers de briques brunes : sur ce versant de colline s’égrainent pas moins de 11 mausolées, 3 mosquées, 2 khanas et 3 tchortaks (ces kiosques à 4 arcs à claire-voie), datant du XV° siècle pour les plus anciens.
Quoique restauré, l’ensemble l’est moins que d’autres monuments de Samarkand, et il est encore possible d’y admirer quelques bouts de façades aux mosaïques lépreuses, mais toujours dans ce tournoiement de bleus, turquoises, ors et blancs à vous faire perdre la tête.
Et la tête, en ces lieux, il faut vraiment la tourner dans tous les sens, jusqu’au torticolis, tant la ruelle est étroite entre les hautes façades décorées des tombeaux, surplombées de leurs coupoles, tantôt lisses de briques ou de motifs faïencés, tantôt à crêtes ou cannelures. Point de recul possible, difficile d’apprécier l’ensemble dans un point de vue global. Seuls les détails, la multitude des détails, vous est perceptible. Et l’œil s’affole devant tous ces détails architecturaux et décoratifs tandis que l’oreille capte quelques bribes du discours sur la variété des procédés artistiques utilisés, briques vernissées, carreaux de céramique et autres, et le curriculum vitae des hautes instances supposées reposer ici auprès du tombeau légendaire de Koussam, cousin du prophète Mahomet.
A l’ombre de ces hautes façades règne un peu de tiédeur bienfaisante et nous prenons notre temps pour apprécier l’ensemble et les détails, les couleurs, les ombres et les lumières, les points de vue très divers selon que l’on monte ou descende le long de cette nécropole, selon que l’on soit un peu éloigné ou au pied de ces monstres de briques colorés. La quasi-absence d’autres touristes et la présence de quelques fervents pèlerins ouzbeks nous forcent naturellement à parler à voix basse. Au détour d’un recoin, l’arrêt s’impose pour apprécier le chant de la prière de l’imam qui s’élève d’une des khanas et résonne entre ces hauts murs. Délicieux instants toujours trop brefs, toujours brutalement interrompus par l’irruption soudaine d’un compagnon de voyage trop bavard dans son émerveillement.
Quoique restauré, l’ensemble l’est moins que d’autres monuments de Samarkand, et il est encore possible d’y admirer quelques bouts de façades aux mosaïques lépreuses, mais toujours dans ce tournoiement de bleus, turquoises, ors et blancs à vous faire perdre la tête.
Et la tête, en ces lieux, il faut vraiment la tourner dans tous les sens, jusqu’au torticolis, tant la ruelle est étroite entre les hautes façades décorées des tombeaux, surplombées de leurs coupoles, tantôt lisses de briques ou de motifs faïencés, tantôt à crêtes ou cannelures. Point de recul possible, difficile d’apprécier l’ensemble dans un point de vue global. Seuls les détails, la multitude des détails, vous est perceptible. Et l’œil s’affole devant tous ces détails architecturaux et décoratifs tandis que l’oreille capte quelques bribes du discours sur la variété des procédés artistiques utilisés, briques vernissées, carreaux de céramique et autres, et le curriculum vitae des hautes instances supposées reposer ici auprès du tombeau légendaire de Koussam, cousin du prophète Mahomet.
A l’ombre de ces hautes façades règne un peu de tiédeur bienfaisante et nous prenons notre temps pour apprécier l’ensemble et les détails, les couleurs, les ombres et les lumières, les points de vue très divers selon que l’on monte ou descende le long de cette nécropole, selon que l’on soit un peu éloigné ou au pied de ces monstres de briques colorés. La quasi-absence d’autres touristes et la présence de quelques fervents pèlerins ouzbeks nous forcent naturellement à parler à voix basse. Au détour d’un recoin, l’arrêt s’impose pour apprécier le chant de la prière de l’imam qui s’élève d’une des khanas et résonne entre ces hauts murs. Délicieux instants toujours trop brefs, toujours brutalement interrompus par l’irruption soudaine d’un compagnon de voyage trop bavard dans son émerveillement.
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
Une découverte de Samarkand ne peut se passer d’une double visite, libre puis guidée, sur sa place centrale du Registan, encadrée de ses trois medersas rivalisant de prestance et de beauté…
Au centre de cette place, ce sont trois monstres de largeur, de hauteur et de mosaïques qui vous encerclent et vous filent le tournis avec leurs majestueux pishtaks, leurs minarets, leurs coupoles, leurs calligraphies colorées… Vous vous sentez alors bien petit, bien rien. Puis vous décidez de les affronter les uns après les autres, pour mieux les apprivoiser.
Au centre de cette place, ce sont trois monstres de largeur, de hauteur et de mosaïques qui vous encerclent et vous filent le tournis avec leurs majestueux pishtaks, leurs minarets, leurs coupoles, leurs calligraphies colorées… Vous vous sentez alors bien petit, bien rien. Puis vous décidez de les affronter les uns après les autres, pour mieux les apprivoiser.
image de Stomac sur wikipedia sous licence Creative Commons Paternité
Quelques présentations : à main gauche, donc à l’ouest, la médersa d’Oulougbek, petit-fils de Tamerlan, la plus ancienne (XV° siècle) ; en face, donc au nord, la plus récente (2ème moitié du XVII°), medersa de Tillia-Kari, bien nommée « recouverte d’or » ; enfin, à main droite, la « medersa aux lions », Chir-Dor, du début XVII°.
Toutes trois ornées de majestueux pishtaks qui semblent bien similaires dans leurs couleurs (bleus, turquoise, blanc et ors, toujours) et leurs figures (géométriques, florales, d’entrelacs et autres calligraphies, toujours). Mais aux différences sensibles néanmoins : simplicité des formes géométriques pour l’une, belles étoiles d’or à 8 branches pour l’autre, et scène surprenante du lion d’or pourchassant la blanche biche sous le soleil aux yeux en amande pour la troisième.
Au-delà des pishtaks et minarets incontournables, tout comme les nombreuses boutiques d’artisanat et souvenirs occupant les cellules et alcôves encadrant les cours internes, architectures globales et internes diffèrent quelque peu également.
Entrez dans la medersa d’Oulougbek, et découvrez une grande cour carrée vide encadrée de 4 hauts minarets partiellement redressés et fermée de 4 portails. Au fond, la porte s’ouvre sur une mosquée toute en longueur et hauteur ; moquettes, murs peints ou faïencés, plafonds décorés, l’ensemble est chargé mais harmonieux et appelle au silence admiratif ou recueilli.
Passez ensuite sous le pentaèdre de mosaïque de Tillia-Kari et empruntez une de ses deux portes latérales pour découvrir sa cour intérieure au carré de verdure accueillant et rafraichissant. Côté ouest de cette cour s’élève encore un magnifique portail surmonté de sa coupole lisse turquoise. Qui ose s’aventurer en ces lieux ne peut que s’extasier devant la magnificence des salles aux murs, plafonds, stucs et cupules peints en relief et couverts d’or.
Enfin, attardons-nous devant cette dernière façade, réplique volontaire de celle qui lui fait face, à la différence de la fresque animalière et de ses coupoles latérales complémentaires. L’harmonie qui se dégage de ses minarets élancés, ses coupoles cannelées et son pishtak massif captivent et forcent à mitrailler de photos sous tous les angles cette medersa devenue le symbole de la ville. L’intérieur de la cour révèle néanmoins que cette médersa est la dernière rénovée, aux travaux non encore achevés. Nous y découvrons une minuscule boutique d’instruments musicaux locaux au vendeur-musicien qui nous en a fait découvrir les sonorités avec délice. Pause très touristique mais instructive et agréable à l’oreille.
Toutes trois ornées de majestueux pishtaks qui semblent bien similaires dans leurs couleurs (bleus, turquoise, blanc et ors, toujours) et leurs figures (géométriques, florales, d’entrelacs et autres calligraphies, toujours). Mais aux différences sensibles néanmoins : simplicité des formes géométriques pour l’une, belles étoiles d’or à 8 branches pour l’autre, et scène surprenante du lion d’or pourchassant la blanche biche sous le soleil aux yeux en amande pour la troisième.
Au-delà des pishtaks et minarets incontournables, tout comme les nombreuses boutiques d’artisanat et souvenirs occupant les cellules et alcôves encadrant les cours internes, architectures globales et internes diffèrent quelque peu également.
Entrez dans la medersa d’Oulougbek, et découvrez une grande cour carrée vide encadrée de 4 hauts minarets partiellement redressés et fermée de 4 portails. Au fond, la porte s’ouvre sur une mosquée toute en longueur et hauteur ; moquettes, murs peints ou faïencés, plafonds décorés, l’ensemble est chargé mais harmonieux et appelle au silence admiratif ou recueilli.
Passez ensuite sous le pentaèdre de mosaïque de Tillia-Kari et empruntez une de ses deux portes latérales pour découvrir sa cour intérieure au carré de verdure accueillant et rafraichissant. Côté ouest de cette cour s’élève encore un magnifique portail surmonté de sa coupole lisse turquoise. Qui ose s’aventurer en ces lieux ne peut que s’extasier devant la magnificence des salles aux murs, plafonds, stucs et cupules peints en relief et couverts d’or.
Enfin, attardons-nous devant cette dernière façade, réplique volontaire de celle qui lui fait face, à la différence de la fresque animalière et de ses coupoles latérales complémentaires. L’harmonie qui se dégage de ses minarets élancés, ses coupoles cannelées et son pishtak massif captivent et forcent à mitrailler de photos sous tous les angles cette medersa devenue le symbole de la ville. L’intérieur de la cour révèle néanmoins que cette médersa est la dernière rénovée, aux travaux non encore achevés. Nous y découvrons une minuscule boutique d’instruments musicaux locaux au vendeur-musicien qui nous en a fait découvrir les sonorités avec délice. Pause très touristique mais instructive et agréable à l’oreille.
Medersas d'Oulougbek, de Tillia-Kari et de Chir-Dor
lignes de la medersa de Chir-Dor et intérieurs de la medersa Tillia-Kari
On ne se lasse pas d’admirer cette place et ses trois monstres de beautés, symboles emblématiques de Samarkand.
Néanmoins, quelque chose m’a dès le début dérangée, au Registan. C’est en voyant de vieilles gravures et photos jaunies que j’ai compris : sur cette place manque aujourd’hui… la vie. Elle est aseptisée par la restauration à tout prix, par la volonté politique d’en faire un haut lieu touristique et de manifestations culturelles de grande envergure. Elle n’a, malgré ses bleus et ses ors, plus la splendeur et le charme qu’elle pouvait avoir avec son immense marché grouillant de vie en son sein, avec ses quartiers friables la ceignant de toutes parts, avec ce charme des vieilles pierres ébranlées par les séismes et les affres du temps. Elle n’a plus cette ambiance magique qu’on devait ressentir du temps des routes de la soie ou même encore au début du siècle dernier.
Mes yeux ont goulûment emmagasiné des tonnes d’images, de détails, bien plus que ma carte photos n’aurait jamais pu ingurgiter, mais me reste en bouche ce petit arrière-goût de trop propre, de trop parfait.
Néanmoins, quelque chose m’a dès le début dérangée, au Registan. C’est en voyant de vieilles gravures et photos jaunies que j’ai compris : sur cette place manque aujourd’hui… la vie. Elle est aseptisée par la restauration à tout prix, par la volonté politique d’en faire un haut lieu touristique et de manifestations culturelles de grande envergure. Elle n’a, malgré ses bleus et ses ors, plus la splendeur et le charme qu’elle pouvait avoir avec son immense marché grouillant de vie en son sein, avec ses quartiers friables la ceignant de toutes parts, avec ce charme des vieilles pierres ébranlées par les séismes et les affres du temps. Elle n’a plus cette ambiance magique qu’on devait ressentir du temps des routes de la soie ou même encore au début du siècle dernier.
Mes yeux ont goulûment emmagasiné des tonnes d’images, de détails, bien plus que ma carte photos n’aurait jamais pu ingurgiter, mais me reste en bouche ce petit arrière-goût de trop propre, de trop parfait.
On ne s’étonnera donc point que j’aie préféré le dernier site visité à Samarkand, au coucher du soleil : l’ensemble Bibi-Khanym, construit par ou pour l’épouse de Tamerlan (début XV°) et à ce jour le moins bien restauré de tous les monuments principaux de la ville. A côté du portail d’entrée ou de la coupole de la mosquée principale ayant retrouvé des formes et couleurs (d’antan parait-il), subsistent briques éparses, murs rongés et vestiges infimes de ses murs, ses minarets et des 488 colonnes de marbre qui soutenaient les centaines de petites coupoles de ses galeries couvertes… Après le magnifique surfait du Registan, cette magie des vieilles pierres au soleil couchant m’a quelque peu reposée.
Nous pouvons nous vanter de la majesté architecturale pluri-centenaire de nos cathédrales d’Occident, les pishtaks, minarets et coupoles de Samarkand, et plus largement d’Orient (Moyen ou central) n’ont rien à leur envier. Nos monuments auraient-ils mieux survécu aux affres du tranchant climat continental, aux séismes récurrents et aux invasions barbares destructrices ? Il serait présomptueux de l’affirmer me semble-t-il.
Repenser à Samarkand, c’est faire revenir sur la rétine de la mémoire cette multitude de briques, de lignes droites ou courbes, de fabuleux pishtaks, minarets élancés ou dômes éblouissants, de fresques colorées, de mosaïques et faïences, ces overdoses de bleus et turquoises, d’ors... en une superposition d’images qui me donne encore le vertige.
Mais repenser à Samarkand, c’est aussi…
Repenser à Samarkand, c’est faire revenir sur la rétine de la mémoire cette multitude de briques, de lignes droites ou courbes, de fabuleux pishtaks, minarets élancés ou dômes éblouissants, de fresques colorées, de mosaïques et faïences, ces overdoses de bleus et turquoises, d’ors... en une superposition d’images qui me donne encore le vertige.
Mais repenser à Samarkand, c’est aussi…
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac