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    Le pont sur la Drina, le roman inoubliable de Ivo Andric

    geob
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    Message par geob Sam 29 Nov - 11:05

    Le pont sur la Drina, de Ivo Andric


    Le hasard m'a permis de découvrir une information qui m'a surpris : Emir Kusturica a le projet de tourner un film tiré du roman inoubliable de Ivo Andric : "Le pont sur la Drina". Mais elle date de 2011, et elle s'avère très complexe car Kustirica, jamais dans la demi-mesure, est en train de construire une ville près de ce fameux pont, une ville qui deviendra un truc qui se terminera par "land", un endroit touristique. J'ai retrouvé ce que j'avais écris en 2009, à propos du roman de Ivo Andric....

    une nouvelle plus récente donc :
    http://balkans.courriers.info/article21775.html



    2009 :

    Quand un  livre commence par une longue description qui s'étale sur plusieurs pages, je lis en diagonale pour vite arriver au cœur du sujet, sauf si, et ce des les premières lignes, j'ai le sentiment de découvrir un style, le style qui est toujours l'empreinte d'un grand écrivain, et ce fut le cas en lisant le début de "Le pont sur la Drina" de Ivo Andric : il nous présente, nous offre a voir, le cours de la Drina, son environnement géographique, le bourg de Visegrad, et ce pont à la beauté immuable.

    C'est la première fois que je lis Ivo Andric, et je suis convaincu qu'il ne pouvait pas ne pas recevoir le prix Nobel de littérature car, comme pour les grandes œuvres littéraires, il nous dit l’universalité de la nature de l'Homme, son rapport avec l'histoire, son désarroi face aux évènements qu'il ne maitrise pas.

    Cette chronique qui chevauche plusieurs siècles raconte la vie et le destin des habitants de Visegrad, ce bourg de Bosnie longtemps ignoré du monde, et de ce pont magnifique qui, lui, défie le temps qui efface toutes vies. Elle contient de nombreuses histoires plus ou moins légendaires dont certaines, à elles seules, pourraient faire l'objet d'un roman, ainsi celle du sublime orgueil de Fata qui, obligée de se marier avec le garçon d'une famille voisine, alors qu'elle n'avait cessé de lui affirmer qu'elle ne se marierait jamais avec lui, devra accepter cette union pour obéir à son père, mais cela ne l'empêchera pas de tenir parole d'une façon grandiose, sublimement tragique et romanesque.

    Des scènes baroques, et surtout celle, en particulier, ou l'on voit des gendarmes arriver au milieu d'une foule en liesse, avec une fanfare et une farandole animées par une envie folle de s'amuser, d'exprimer la joie de vivre. Les gendarmes commencent par diffuser une nouvelle dans l'oreille des gens qui se sauvent aussitôt, un gendarme s'approche des musiciens et parle à l'un d'eux qui cesse alors de jouer tandis que les autres continuent, mais, séquences par séquences, l'ombre funeste d'un drame annoncé se propage sous le soleil de ce bel été de 1914, jusqu’à la farandole des jeunes gens excités qui ne comprennent pas tout de suite, bien sur, et il y en a même qui continuent de sautiller une fois que toute la fanfare aura cesse de jouer. Ces pages sont vraiment extraordinaires ! Et c'est tellement bien écrit, que l'on voit cette scène avec une acuité invraisemblable ! C'est a ce moment la que m'est apparu cette évidence : maintenant, je comprends mieux le cinéma de Emir Kusturica ! Ce cinéaste talentueux a certainement lu Ivo Andric.

    Ce livre est d'une telle ampleur, de part aussi sa dimension historique - passionnant de voir ce qui adviendra grâce/à cause de l'annexion de la Bosnie par l'Autriche-Hongrie-, qu'il n'est nul besoin d'en rajouter. Mais voici quelques lignes de "Le pont sur la Drina", juste pour vous faire écouter la voix poignante d'un grand écrivain :

    ...."Il y avait toujours eu et il y aurait toujours des nuits étoilées au dessus de la ville, et des constellations somptueuses, et des clairs de lune, mais il n'y avait jamais eu et Dieu sait s'il y aurait encore un jour des jeunes gens comme ceux la, veillant sur la kapia à discuter de la sorte, a brasser de telles idées, de tels sentiments. Ce fut une génération d'anges révoltés, dans tout ce laps de temps très bref où ils ont encore toute la puissance, tous les droits des anges mais aussi l'ardente fierté des rebelles....
    La vie ( ce mot revenait très souvent dans leur conversation, de même que dans la littérature et la politique de cette époque, où on l’écrivait avec un V majuscule), la vie s'ouvrait devant eux comme un terrain de conquête, comme une arène offerte à leurs sens libérés, à leurs aventures intellectuelles et leurs exploits sentimentaux qui ne connaissaient pas de frontières....
    "

    " Le pont sur la Drina" de Ivo Andric - éditons

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