par Invité Mer 4 Sep - 19:59
Mais oui, bien sûr, c'est la bonne rubrique, je m'avais très trompé les autres jours !
Instantanés d'été
Alors voilà, c'est Fonk, avec un k ou un g , je ne retiens jamais. Ce sera donc Fonk.
C'est un lionceau dont la mère a été tuée par de méchants chasseurs dans la savane.
Et puis voilà, c'est Louise. C'est une grande fille qui a six ans et qui veut être vétérinaire-dresseur d'animaux sauvages dans les zoos parce que la savane c'est trop loin de papa et maman et ils seraient tristes.
Pour son anniversaire, elle n'avait qu'un souhait. Que ses parents lui offrent une laisse et un collier pour de vrai, pas un jouet. Elle fut exaucée. Chez elle, elle dresse sa panthère, son tigre, blanc-le-tigre-c'est-plus-féroce-tu sais-Mamido et son guépard.
Quand elle sera grande, elle dressera tous les animaux sauf la girafe. Non parce qu'elle est trop haute mais parce que son cou est trop maigre pour son collier.
Il fait une chaleur de savane, ça tombe bien et je lis à l'ombre du tilleul. Les parents siestent derrière les volets clos et les enfants sont au grenier.
Louise arrive le collier autour du cou et la laisse à la main.
« Tu ne joues pas avec tes cousines ? »
Non elles veulent que jouer à la maîtresse et à la marchande (ça c'est Fée Transparente) ou à l'hôpital (ça c'est Gaïané, original non!!) et moi je veux jouer aux fauves.
« Et alors ? »
« Tu veux jouer à Fonk avec moi ? »
Je suis saturée de Fonk.
Si, du matin au soir, Fée Transparente agite ses ailes en sautillant dans toute la maison, Fonk, lui, est dans nos jambes, à quatre pattes, sous la table, dans les escaliers, partout.
Les genoux du petit animal sont si talés et écorchés que je lui ai confectionné des coussinets avec du coton.
Ce n'est pas une mince affaire de jouer à Fonk, il faut le dresser et le nourrir et lui caresser le dessus de la tête. Fonk ne parle pas « l'humain » (sic), il parle le langage des fauves, il rugit donc. En fonction de la situation ça ressemble à un bêlement misérable et la tessiture peut grimper dans le rugissement aigu de l'animal furieux.
« Allez Mamido, tu veux bien jouer à Fonk, s'il te plaiiiit »
Je tente un vain : « On va réveiller les parents »
« Mais non, on joue dans la cour, on dira que c'est la savane avec les baobabs, allez, juste un petit peu »
Je fonds devant ce regard bleu implorant : « Dix minutes »
« Ouiiii » et la voilà qui rentre dans la maison pour ressortir aussitôt : nue
« Mais qu'est-ce que tu fais Louise toute nue »
« Rhaoooo »
« Ah non, tu m'expliques en « humain »
Soupir excédé de Louise-Fonk : « Mamido, où t'as vu des lionceaux en jupe, ça n'existe pas, tu sais bien »
« Mais tu ne te mets jamais toute nue d'habitude ? »
« Je sais, mais là, y'a personne et pour une fois je serais vraiment Fonk, avec tout mon vrai pelage »
L'argument est valable, je l'admets.
Louise enfile mes gants de jardinier et les coussinets autour des genoux.
Je ris très fort (à l'intérieur, faut pas se moquer d'un si petit lionceau ridicule avec des gants de jardinier et des morceaux de coton aux genoux, le tout dans une parfaite nudité halée).
J'accroche la laisse au collier et nous marchons dans la cour aux gravillons si piquants.
Fonk rugit de satisfaction.
Je vous épargne l'écuelle d'eau à laper, les brins d'herbe dans la truffe, la patte arrière levée pour faire pipi sur l'arbre (si-si-si) etc...
Je vous le dis, si les lions dévorent la chair fraîche, un lionceau est capable de dévorer le cœur d'une Mamido.