Le Village du Peuple Etrange Voyageur

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    Les promoteurs sont des salauds

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    Message par geob Mer 6 Juin - 11:16


    Les promoteurs sont des salauds

    Monsieur G... passe tous les matins, du lundi au vendredi, devant le kiosque à journaux, ensuite il s'engouffre dans la station de métro, non loin de chez lui. Il est tellement en dehors de ce qui ne le concerne pas en premier chef, monsieur G..., qu'il ne prête guère attention aux titres des quotidiens et des hebdomadaires, aux couvertures des magazines, aux affiches de cinéma, et, bien sûr, aux publicités, tant il est obnubilé par sa volonté de ne pas arriver en retard à son travail. Qu'un évènement exceptionnel survienne, vu à la télévision, cela ne l'incitera pas pour autant à acheter un journal, néanmoins il se fera violence pour s'attarder sur les gros titres - au grand dam du kiosquier qui en marre de tous ces gens qui tripotent ses journaux sans jamais en acheter un ! Il est comme ça, monsieur G..., il se méfie de la presse, car, pour lui, rien ne vaut son sacro-saint journal télévisé de 20 heures, présenté par une journaliste blonde dont il admire beaucoup le brushing et la capacité à lire le prompteur sans bafouiller. Parfois, il est taraudé par cette idée déprimante qu'elle lui tient compagnie tous les soirs, avant qu'il ne se retrouve seul devant son assiette où refroidit le contenu d'une boite de conserve.

    Mais pourquoi aujourd'hui, après être passé devant le kiosque à journaux, il s'arrête net et comme frappé par la foudre ? Cette fois ci son regard a glissé sur le présentoir à journaux, mais tout en étant préoccupé par ses problèmes professionnels, en somme, il a vu sans voir, en revanche son subconscient vient de lui envoyer un signal, de l'avertir qu'il est en train de rater quelque chose...



    ( à suivre )
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    Message par Skyrgamur Mer 6 Juin - 11:58

    geob a écrit:
    Les promoteurs sont des salauds
    car, pour lui, rien ne vaut son sacro-saint journal télévisé de 20 heures, présenté par une journaliste blonde dont il admire beaucoup le brushing et la capacité à lire le prompteur sans bafouiller.

    M. G... n'a jamais remarqué que les 2 blondasses bafouillaient et nous abreuvaient de euh ?
    Je ne regarde jamais les JT, mais il m'arrive d'aller chez la voisine qui ne baisse même pas le son...


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    Message par Dolma Mer 6 Juin - 14:52

    J'ai comme une petite idée que cette histoire nous réserve des horreurs que nous prendrons plaisir à savourer pensif ! Comme quelques autres précédentes gag ! !

    A suivre donc Han!!

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    Message par Skyrgamur Mer 6 Juin - 14:59

    Le M. G... serait-il M. Géob ? clin d'oeil


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    Message par Dolma Mer 6 Juin - 15:06

    Au secours surpris ! Pitié roulebilles ! Manquerait plus que ça rire ...

    Dolma, écroulée de rire...
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    Message par geob Sam 16 Juin - 11:19

    Les promoteurs sont des salauds (II)


    Tant pis pour sa ponctualité, monsieur G... revient sur ses pas et vient se planter devant le présentoir à journaux. Ça alors ! "La Dépêche" est en vente ! Le journal de sa région ! Il se tourne vers le kiosquier, dont la grosse tête rougeaude apparaît derrière une pile de magazines. Il arbore un sourire ironique.

    - Tiens, monsieur consentira peut être à m'acheter un quotidien ?

    Monsieur G... rougit, mais pas au point de perdre le fil de sa pensée.


    - Depuis quand vous vendez "La Dépêche du Midi" ?

    - Une semaine ! Des clients du Midi me l'ont demandé ! Vous en êtes ? Alors j'espère que vous daignerez m'en prendre un !

    Monsieur G... rougit un peu plus, il se sent obligé de l'acheter, il décide aussi que, dès demain matin, il ne passera plus devant le kiosque mais derrière, discrètement. Il pose la monnaie entre deux piles de magazines, puis il se sauve pour éviter de se faire interroger sur cette soudaine envie d'acheter un journal.

    La journée de travail a été bien ennuyeuse, elle lui a paru fort longue. Il faut dire que monsieur G... n'a pensé qu'à ouvrir "La Dépêche du Midi", mais, soucieux d'être irréprochable, il n'en a rien fait parce qu'il est très bien vu par sa hiérarchie, et très peu apprécié par ces collègues.


    Le soir venu, monsieur G... pousse la porte de son appartement avec un soupir d'aise. Enfin seul ! Il va pouvoir enfin ouvrir son journal sans que personne ne vienne lui demander un renseignement, son avis sur un dossier, ou le résultat d'un match de football qu'il n'a pas vu et dont il se fiche. Il va dans sa cuisine, prend une chaise et déplie "La Dépêche du Midi" sur la table. Il cherche fébrilement la page consacrée à son département, juste pour voir s'il y a des nouvelles de C..., cette petite ville où il a passé sa jeunesse. Ah ! La voici ! Voyons, voyons... tiens, un curieux entrefilet : "Des ouvriers ont mis à jour un cadavre". Un frisson parcourt l'échine de monsieur G..., alors il se met à lire ces quelques lignes, les yeux grands ouverts. On y parle d'un terrain situé près de St H..., à environ cinq kilomètres de C... Il connaît bien ce lieu, combien de fois il y a joué avec ses copains du quartier Bisséous, surtout pendant les grandes vacances....

    ... des ouvriers de Martin & Dupin, promoteurs appréciés dans notre département, propriétaires de la société immobilière "Paradis Pour Tous "(PPT), ont mis à jour le squelette de ce qui semble être un enfant. La Gendarmerie est chargée de l'enquête. Messieurs Martin & Dupin tiennent à préciser que cela ne retardera pas le projet de leur lotissement haut de gamme....

    Monsieur G... relit une nouvelle fois l'article. Enfin, il lève la tête, et regarde droit devant lui, à travers la fenêtre de sa cuisine qui donne sur un coin de verdure. Bon sang de bon sang, se dit-il, ce n'est pas croyable ! Il reste bouche bée, il perd conscience de l'espace dans lequel il se trouve, son esprit se met à vagabonder vers St H..., le lieu décrit dans le journal ; un sourire se dessine sur son visage fatigué par l'accumulation de journées sans intérêt, son esprit vagabonde loin, trop loin, maintenant il a douze ans, c'est l'été 1964.





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    Message par Wapiti Sam 16 Juin - 19:33

    chouette, on va repartir en 1964 ! top !


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    Message par fabizan Sam 16 Juin - 23:49

    Et voilà Geob qui nous redistille savamment du suspens ! vite la suite sourire


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    Message par geob Jeu 28 Juin - 15:52

    Les promoteurs sont des salauds (III)


    Comme la campagne était belle, en cet été 1964 !



    Ô la nostalgie de ces papillons multicolores qui voltigeaient autour de monsieur G... et de ses petits camarades quand ils jouaient au milieu des prairies ou derrière des bosquets fleuris. Bon sang ! Ô ce plaisir inoubliable de partir en balade dans la nature, à l'aventure ! Et puis là où il y avait des arbres fruitiers, ils se servaient sans vergogne, tout le monde s'en mettait plein les poches. Aujourd'hui les fruits n'ont plus de goût, ils pourrissent vite, on a pas envie de les voler ! Les grandes vacances semblaient éternelles, comme si le temps était suspendu dans une joie lumineuse et bleutée. Bien sûr, des orages pouvaient changer le programme d'une après midi ludique, mais cela ne chagrinait personne car, à chaque après midi remplie de noirs nuages sur le pays, une bonne partie en tout cas, la télévision diffusait un film qui attirait beaucoup de copains chez monsieur G... parce que sa mère, prise d'une lubie, avait acheté un poste de télévision. Elle aimait beaucoup voir débarquer ces chenapans, ils mettaient de l'animation dans la grande maison, une des plus belles du quartier, avec celle du pharmacien dont les enfants, Bernard* et Sylvie, attiraient l'autre moitié de la bande durant ces après-midi d'orage. Ah oui, c'était le bon temps, tout allait bien, les gens ne connaissaient pas le chômage, ils assistaient à la messe du dimanche, surtout celle de onze heures, et ils applaudissaient le Général De Gaulle.



    Dans la bande, monsieur G... c'était Petit-Pierre, ou Pierrot, parce qu'il était petit et qu'il s'appelait Pierre. Pour les autres, rares ceux qui se voyaient affubler d'un diminutif, d'un surnom, à part Sylvie, la soeur de Bernard, le fils du pharmacien qui avait toujours les poches pleines de billets de cinq francs, elle, vu son attitude, son allure, c'était pour tout le monde La Garçonne. Hé ! La Garçonne ! Parfois, cela ne lui faisait pas plaisir, alors elle arrivait devant celui qui venait de l'interpeller et lui flanquait un de pied dans le tibia. Il y avait aussi le meilleur copain de Petit-Pierre, Baptiste qui, lui, répondait à ce drôle de surnom : l'Endormi ! En effet, il semblait toujours ailleurs, toujours sorti d'un sommeil interrompu, d'ailleurs on lui disait souvent qu'il avait du caca dans les yeux, mais il haussait les épaules comme si on parlait de quelqu'un d'autre, de quelqu'un qui lui était complètement étranger. Et puis, il y avait Joseph, autrement dit Jo ! Jo était un enfant adopté par des gens relativement modestes par rapport à toutes les familles du quartier, il avait neuf ans cet été là, et il ne lui restait plus que sa mère parce que son père était mort sur la route, au cours d'une tournée pour son travail de représentant en spiritueux - il s'est écrasé contre un platane, sur une ligne droite ; à cette époque là, le platane servait d'éthylotest, a posteriori. Jo était malingre, peureux, alors c'était lui qui subissait les plaisanteries et les avanies les plus douteuses ; en plus c'était le seul à n'avoir pas de vélo, on se moquait bien de lui, sauf François, le plus sportif d'entre eux, qui se dévouait pour le transporter sur son porte-bagages.



    A cette époque, les enfants n'avaient pas de jeux vidéos, cela n'existait pas, en revanche leur imagination était débridée et ils s'inventaient des jeux autrement plus rigolos qu'aujourd'hui ! Ainsi, ils jouaient à reproduire les films qu'ils venaient de voir. Pour cela, la bande comptait sur l'Endormi qui allait au cinoche tous les jeudis et tous les dimanches (1,50 Fr la place). D'abord, il racontait l'histoire en deux ou trois mots, puis il distribuait les rôles, enfin il assurait la mise en scène, et, comme il se réservait toujours le principal rôle, La Garçonne aimait bien se coller avec lui, au grand dam de tous les autres, sauf son frère, mais surtout de François qui réfléchissait beaucoup avec ses biscottos ! Petit-Pierre (Pierrot) ne jalousait pas l'Endormi tant qu'il continuait à lui faire ses rédactions - à la rentrée, ils se retrouveraient une nouvelle fois ensemble dans la classe supérieure -, il constatait seulement que son copain semblait sortir des limbes dans ces moments là, surtout quand La Garçonne lui prenait la main.



    Et les autres ? C'est si loin tout ça ! De vagues souvenirs de visages, d'éclats de rire, d'anecdotes qui se mélangent et embrouillent le fil de la mémoire, mais il est temps d'évoquer cette journée de mauvais temps sur toute la France, une journée qui fut le début d'un processus qui rendit ces grandes vacances scolaires inoubliables.


    (* les prénoms ont été changé )






































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    Message par geob Dim 15 Juil - 20:31

    Les promoteurs sont des salauds (IV)


    C'était au début de juillet. Ce jour-là, de bon matin, des nuages noirs rendirent nécessaire la lumière électrique dans les maisons jusqu'à 9h et demie ! On s'informa pour la météo de la journée. Ouh là ! Pas terrible ! Après le journal télévisé de 13h et le bulletin météorologique où l'on vit le territoire de la France pratiquement recouvert de nuages, la speakerine annonça un film pour l'après-midi.
    - Pourvu que c'est pas encore "Les trois lanciers du Bengale" ! hurla Petit-Pierre à l'intention de sa mère, réfugiée dans la cuisine. Elle préparait un gâteau pour la demi-douzaine de garnements qui ne manquerait pas de frapper à leur porte.
    - Comment ? dit une voix qui semblait venir de loin.
    - Non, rien !
    La speakerine indiqua enfin le titre du film : "Jeux interdits" ! Petit-Pierre fut enchanté, il en avait ras-le-bol des "Trois lanciers du Bengale" ! Il se précipita dans la cuisine pour dire la bonne nouvelle à sa mère. Celle-ci resta pensive quelques secondes, tout en remuant une crème au chocolat, et, à la grande surprise de son fils, elle lui révéla qu'elle avait déjà vu ce film dans une salle de cinéma, en compagnie de tante Annie et oncle Alfred.
    - Tout de même, je me demande si c'est un film pour toi et tes copains.
    - Arrête maman, y'a pas le carré blanc ! Y font ça que le soir !
    Comme tous ses copains, Petit-Pierre s'imaginait que ce "carré blanc" ne signalait que les films les plus intéressants ! Et c'était difficile à en voir puisque, à chaque fois que ce fameux logo apparaissait en bas de l'écran, dans tous les foyers respectables on entendait : allez les enfants, au lit !

    A quinze heures, une demi-douzaine d'enfants prit place par terre, sur le lino de la salle à manger. Merci les intempéries, que le film commence ! Ils restèrent tous bien sages, bien que cette histoire de fillette égarée, pendant la deuxième guerre mondiale, ne suscita chez eux qu'un intérêt tout relatif, sauf pour l'Endormi qui se voyait déjà dans le rôle de Georges Poujouly et, bien entendu, avec Sylvie dans le rôle de Brigitte Fossey. Mais ce qui fascina tout le monde, ce furent les scènes où les deux enfants enterraient les animaux morts qu'ils trouvaient dans la campagne, en organisant un cérémonial avec cercueil et croix, croix de bois, croix de fer, si j'mens j'vais en enfer !

    L'Endormi semblait être le plus fasciné.

    Le lendemain après-midi, ils allèrent sur leur terrain de jeu, en pleine nature et loin des adultes. Ils couchèrent leurs bicyclettes dans un champ de blé, et ils se réunirent à côté d'une remise abandonnée, aux murs en pierres grises, grossièrement assemblées, surmontée d'un toit en tôle ondulée qui n'empêchait pas la pluie de s'infiltrer. A l'intérieur, il y avait en vrac beaucoup d'outils rouillés, boites de clous, deux pelles, trois pioches, des planches plus ou moins vermoulues, posées contre les murs ou jetées à la diable par terre, et entre lesquelles des araignées avaient tissé leurs superbes toiles efficaces, pourvues en permanence d'insectes en attente d'être dévorés.

    Bien sûr, Bernard et sa soeur, La Garconne, avaient eux aussi vu le film d'hier avec le reste de la bande, alors eux aussi entrèrent dans le cercle qui venait de se former autour de l'Endormi.
    - Bon, dit-il, en se grattant la tête. J'ai une idée : on va jouer à "Jeux interdits" !



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    Message par Dolma Lun 16 Juil - 8:59

    Et nous poursuivons notre lecture-périple dans cette histoire savoureusement horrible surpris ...

    Qu'est-ce que tu vas bien pouvoir encore inventer mon dieu ! ?

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    Message par Skyrgamur Mar 17 Juil - 22:31

    Il en faut du temps pour zigouiller une pôv tite bestiole.


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    Message par fabizan Mar 17 Juil - 23:32

    Je me demande s'il s'agit bien d'une bestiole dans ce cas beurk !


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    Message par Dolma Mer 18 Juil - 9:22

    Hum... Je me pose la même question que toi fabizan pensif ! Une "pôv tite bestiole" ? Connaissant l'imagination du Zig, j'en doute et je dirais même que je crains le pire gag ! ...

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    Message par geob Mer 25 Juil - 15:24


    Les promoteurs sont des salauds (V)


    Pierrot fut déçu car l'Endormi réduisit "Jeux interdits" à cette histoire de cimetière pour animaux. Mais cela n'embêta personne, et la plupart trouvèrent bien rigolo de tuer des animaux et de les enterrer, de leur donner une sépulture avec une petite croix. Bien entendu, l'Endormi et la Garçonne se mirent à l'écart pour construire leur propre cimetière, bien dissimulé aux regards des autres. Alors ces derniers se demandèrent ce qu'ils pouvaient tuer ces deux là, l'Endormi n'était pas très dégourdi pour attraper des papillons, oiseaux, lézards, serpents, ou autre chose d'ailleurs, encore moins pour bricoler tant il était maladroit de ses mains, quant à Sylvie, ben, ils ne savaient pas trop, en tout cas ils la croyaient capable de tout.

    La bande de garnements n'avait pas mis longtemps à se lancer dans une joyeuse éradication des lézards d'alentour, surtout ceux qui se réchauffaient sur les murs extérieurs de la remise quand le soleil tapait dur. Certains se réfugiaient entre les pierres, dans les interstices, mais rien à faire, les garçons se débrouillaient toujours pour les débusquer. Le frère de Sylvie lança qu'on se marrait bien ensemble, pas besoin de fille ! Tout le monde approuva, Pierrot aussi, quoique avec une certaine réserve, et François, lui, il fit la gueule, vu qu'il était vachement jaloux de l'Endormi, et amoureux transi de la Garçonne.

    Ce posa vite ce problème : comment tuer les lézards ? Il y en a un qui essaya avec un pétard : il attacha une bestiole dessus, alluma la mèche, on s'écarta. Une petite déflagration et de la fumée, puis tout le monde constata que c'était une mauvaise idée parce qu'il n'y avait plus rien à enterrer. Alors celui qui ne faisait que suivre, qui ne disait pas un mot, qui était toujours avec la majorité quand il fallait faire un choix, se décida à proposer une méthode, histoire de se mettre en évidence, pour une fois, et démontrer ainsi qu'il avait sa place dans la bande. Joseph, autrement dit Jo, capta tous les regards étonnés, les mines septiques, et aussi quelques ricanements. Il dégrafa l'épingle à nourrice qui fermait le haut de sa chemise un pas sale, qui sentait mauvais. Bon, c'était le plus pauvre d'entre eux, ses parents adoptifs étaient âgés, avec de faibles revenus, le môme se débrouillait donc avec les moyens du bord. Amenez moi un lézard, demanda-t-il. On lui en donna un qu'il prit par le corps, surtout pas par la queue, il s'accroupit et posa la tête du lézard sur un caillou. La pauvre petite bête s'agitait nerveusement, tentait de se soustraire aux doigts de José. Posément, avec assurance, il pointa la fine épingle sur la tête du lézard, et il commença à appuyer, mais, au grand étonnement de tous, avec une lenteur calculée, tandis que sur son visage ingrat se dessinait un rictus épouvantable au fur et à mesure qu'il enfonçait l'épingle. Les soubresauts du lézard devenaient de plus en plus violents, cela semblait le réjouir, et incommoder quelques uns. ( Monsieur G... frisonne en se remémorant cette scène). Enfin Jo brandit le corps inerte, comme un trophée dérisoire. Il souriait, il avait l'air heureux. Voyez, dit-il, maintenant on peut lui faire une sépulture.

    Alors on fit comme ça.

    Au bout d'un moment, les lézards faisant défaut, on attrapa des papillons, ensuite vint le tour des oiseaux visés par la fronde de Bernard qui n'en ratait pas un. Les volatiles qui battaient encore des ailes étaient confiés à Jo, le croque mort en chef, qui, fidèle à sa méthode, utilisait cette fois-ci un un clou qu'il enfonçait dans le crâne en un seul coup de marteau.

    Le cimetière des garçons prenait forme, il y avait maintenant beaucoup de croix, bien sommaires, avec des petits monticules alignés à la va vite. C'était un peu anarchique, quoi ! A un moment donné, il y eut quelqu'un pour se demander comment était celui de l'Endormi et de la Garçonne. Alors ils décidèrent d'aller y jeter un coup d’œil, sauf José, bien trop occupé à creuser des trous et à fabriquer des croix. Les deux héros de la nouvelle version de "Jeux interdits" avait installé leur espace mortuaire derrière le bosquet qui leur assurait une relative discrétion. Lorsqu'ils le découvrirent, ils restèrent bouche-bée. Certes, il y avait beaucoup moins de croix que chez eux, mais la Garçonne et l'endormi avaient agencé leur affaire avec un sens du détail qui laissait pantois : tout d'abord, ils admirèrent les minuscules allées, bien nettes, qui reliaient les petites tombes les unes aux autres, les croix impeccablement dressées - elles arboraient toutes un écriteau avec une belle calligraphie -, et puis surtout cette profusion de fleurs plantées de ci de là. Ben, ça alors, fit Petit-Pierre. Bernard lui donna un coup de coude dans les côtes. Tu parles, dit-il, encore un truc de filles ! On retourne sur notre terrain ! Fallait pas trop embêter sa sœur, à Bernard, alors ils firent demi tour discrètement. Comme l'Endormi creusait des trous pour planter des fleurs, et Sylvie fabriquait des croix avec minutie, ils n'avaient rien vu venir.

    Le lendemain matin, ils continuèrent à jouer à "Jeux interdits", mais vers les onze heures il n'y avait plus le même entrain, ça finissait par devenir lassant cette histoire de cimetière, sauf pour Jo qui s'ingéniait à trouver des bestioles à enterrer. Avant midi, la Garçonne et l'Endormi rejoignirent le groupe, et ils cassèrent la croûte tous ensemble. Petit-Pierre but une gorgée de limonade après avoir avalé son sandwich au jambon cornichons que sa mère lui avait préparé. Il lâcha un rot tonitruant, ce qui fit s'écrouler de rire tout le monde. Ouh ! le cochon ! lança Sylvie. Puisque ses camarades semblaient être, tout à coup, dans de bonnes dispositions, Petit-Pierre fit le constat que beaucoup n'osait faire :
    - On commence à s'emmerder, et en plus il y a des nuages qui viennent !
    Ils levèrent la tête pour regarder le ciel, oui quelques sombres nuages s'avançaient au dessus de la colline, non loin de là, mais ça ne voulait rien dire. Il y avait eu des journées semblables avec des nuages menaçants, mais pas d'orage en conclusion.
    - Qu'est-ce que tu proposes, Pierrot ? demanda François.
    - J'sais pas, moi ! dit-il en se tournant vers l'Endormi.
    Du coup, tout le monde fit pareil. L'Endormi avait fini son sandwich, et la Garçonne l'invita à croquer dans la pomme qu'elle était en train de manger. Ce qu'il fit, sans hésitation. Et ce geste énerva certains, et mit en émoi les autres. Enfin, l'Endormi prit la parole :
    - Et si on s'enterrait les uns les autres, à tour de rôle ? Ce serait marrant, non ?




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    Message par Skyrgamur Mer 25 Juil - 16:29

    beurk ! beurk ! beurk ! beurk ! beurk !


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    Message par fabizan Mer 25 Juil - 22:52

    J'aurais pas pensé que c'était si horrible cette histoire, pauvres petites bêtes ! beurk ! Je crains le pire pour la suite dégout


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    Message par Wapiti Mer 25 Juil - 22:58

    J'allais dire ce matin que j'avais du retard de lecture à rattraper ici... A voir les têtes de Skyrgamur et Fabizan, pas sûre d'avoir vraiment envie de lire ! question
    clin d'oeil


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    Message par geob Mar 7 Aoû - 16:46

    Les promoteurs sont des salauds (VI)


    La proposition de l'Endormi provoqua un enthousiasme inattendu. Aussitôt, on se précipita vers la remise où il y avait le matériel nécessaire pour fabriquer un semblant de cercueil et creuser un trou idoine. Le partage des taches se fit sans difficultés, les plus costauds s'emparèrent des pioches et des pelles, tandis que les plus bricoleurs sortaient des outils, des clous, des planches, enfin de quoi réaliser une boite où ils enfermeraient l'un d'entre eux, comme ça, rien que pour rigoler. Pierrot dénicha un bout de tuyau d'arrosage, une chignole. Pourquoi faire ? demanda La Garçonne. Faudra bien qu'on respire lorsqu'on on sera dans la boite, dit Pierrot. Pas con, dirent les autres, et Sylvie s'en voulu de ne pas y avoir pensé alors qu'elle entendait être le maître d’œuvre de la fabrication du cercueil. Plus loin, Bernard et François cherchaient un endroit pas trop difficile à creuser, accompagnés par trois autres garçons. L'Endormi décida d'être avec eux, mais ce furent Bernard et François qui exécutèrent, une fois le choix opéré, le plus gros du travail ; ils manièrent leurs pioches avec une énergie farouche, comme pour exsuder un trop plein dont ils n'avaient pas conscience. Pierrot vint leur conseiller de ne pas creuser de plus de quatre vingts centimètres en profondeur, sur un mètre de largeur, et sur une longueur de un mètre cinquante. Il fit les mesures avec le ruban métallique d'un double mètre qu'il tirait de son compartiment avec un sérieux d'ouvrier chevronné ; il posa aussi les marques, en l’occurrence des bouts de bois, pour la longueur et la largeur ; en ce qui concernait la profondeur, il leur montra jusqu'où ils devaient creuser en mesurant le manche d'une pioche. D'où que tu tiens ces chiffres ? interrogea François. Va demander à la frangine de Bernard, dit Pierrot. T'es pas d'accord ? demanda Bernard, avec un grand sourire en coin, suivi d'un clin d’œil complice pour l'Endormi. Non, c'est bon, fit François, y'a pas de lézards ! Ça c'est vrai ! s'exclama Pierrot. Et tout le monde se boyauta ! Alors on n' entendit plus les coups de marteau, la scie qui coupait des planches. Le chantier du cercueil, près de la remise, semblait s'être arrêté d'un coup. La Garçonne s'avança, les poings sur ses hanches :
    - Hé les garçons ! On va finir avant vous ! Et toi, Petit-Pierre, reviens avec nous, n'oublie que t'es chargé de la ventilation !

    Malgré la chaleur qui devenait suffocante, sous un ciel menaçant, les travaux furent achevés en moins d'une heure. Quatre gamins amenèrent le cercueil, posé sur leurs épaules, en marchant avec une lenteur appropriée à l'idée qu'ils se faisaient d'un enterrement - deux autres portaient le couvercle dont lequel on voyait un petit trou d'une rondeur parfaite, Pierrot, lui, suivait avec le tuyau d'arrosage autour de son cou, comme un dresseur de serpent visqueux. On mit aussitôt le cercueil dans la fosse, et tout le monde se congratula : ils étaient contents de leur travail et ils se félicitèrent les uns et les autres. Pierrot compressa le tuyau pour l'introduire dans le trou du couvercle, tira un peu pour qu'un bout apparaisse du côté qui devrait se trouver à l'intérieur de la caisse, assurant ainsi à l'apprenti défunt de quoi ne pas passer de vie à trépas, tiens un peu comme dans les films où l'on voit quelqu'un se cacher dans l'eau d'une rivière et respirer grâce à un roseau creux qui émerge à la surface. François vérifia le travail de Petit-Pierre : il constata que le tuyau épousait bien la circonférence du trou, donc l'étanchéité était garantie.

    Au bout de deux à trois minutes, les rires et les paroles s'estompèrent jusqu'au silence final. Bon, ben voilà, fit Bernard. Déjà, on se jetait des coups d’œil par en dessous, on se jaugeait, ou bien on regardait ailleurs. Certains s'éloignèrent comme si de rien n'était. Pour aller pisser ! jurèrent-ils, dès que les lazzis fusèrent méchamment. Ce fut la Garçonne qui, courageusement, balaya cette gêne qui finissait par devenir lourde à supporter.
    - Y'a un volontaire, les mecs ?
    - On pourrait tirer au sort ? proposa François.
    - Pas question, y'a toujours de la triche ! dirent deux ou trois gamins.
    Les pisseurs revinrent devant la future tombe, la mine déconfite. Il y avait parmi eux Joseph. Auréolé de son savoir faire dans la mise à mort des animaux, il s'imagina pouvoir passer à l'échelle supérieure de la création.
    - Pierrot, tu pourrais être volontaire, non ? Après tout, il faut que tu essaies ta ventilation !
    Petit-Pierre blêmit, il ne sut que répondre. Sa chemisette luit collait à la peau, il défit les boutons pour s'aérer, mais il essaya surtout de trouver une idée lumineuse pour éviter un angoissant séjour sous la terre. Bernard, François... tout à coup, Pierrot réalisa que ces deux là, les plus costauds de la bande, et les plus grands, auraient du mal à s'allonger dans la caisse, c'était donc pour ça qu'ils le regardaient avec un sourire un coin, et le pire c'était la satisfaction de Sylvie, et des autres, en fait, la moitié de la bande qui se rendait chez Bernard et Sylvie pour regarder la télévision durant les après midi pluvieux.
    - Y'a un problème, dit doucement l'Endormi.
    - Ah oui ? dit la Garçonne, interloquée.
    - Ben oui, il faut quelqu'un qui fasse les prières en latin dès qu'on aura recouvert de terre le cercueil. Pierrot, il est enfant de chœur, et tous les mardis il sert la messe au Petit Séminaire. Pas vrai, Pierrot ?
    - Oui, oui, c'est vrai, ça ! confirma Pierrot, déjà soulagé.
    - Et puis, ajouta un môme, sa maman fait d'excellents gâteaux au chocolat !
    Un grand "ouaiiiis" retentit au dessus de la fosse.
    - Pfff ! J'vois pas le rapport ! fit la Garçonne.
    L'Endormi fixa sur elle son regard le plus intense, il essaya de lui faire passer un message bien ambigu où se mélangeait la supplication et la possibilité d'une confrontation entre tous les deux.
    - Moi, si !
    - Bon, ça va, te fâches pas, dit-elle avec un petit sourire charmant, histoire de rattraper le coup.
    François leva les yeux au ciel. C'est pas possible ! Comment il fait, ce gringalet ! Les filles, c'est vraiment trop compliqué, pensa-t-il, dégoûté. Alors, il tenta un coup de poker.
    - Et toi, l'Endormi, t'as pas envie d'essayer ?
    Une carte qu'il ne fallait pas abattre devant Sylvie. Elle s'avança vers François. Lui, il croisa les bras fièrement, en position d'attente. Tu crois me faire peur, moustique, se dit-il. Vlan ! Un coup de pied dans le tibia ! Oh bon sang ! Il ne l'avait pas vu venir, "çui" là ! Elle avait osé ! Même son frère n'en revenait pas ! Aie ! C'est pas vrai ! cria François en dansant la gigue sur un pied. Mais elle est folle ! Cinglée, va !

    Ce n'est pas peu dire que ce fut l'hilarité générale. Ils étaient tous écroulés de rire ! Il y eut même l'un d'entre eux qui glissa dans la fosse : il se retrouva allongé dans la boite, tout autant amusé que les autres de sa déconvenue. La Garçonne ! lança quelqu'un. Et si tu mettais le couvercle ? Cette saillie relança de plus belle ce fou rire incontrôlable, vous savez, celui qui vous laisse fatigué, complètement vidé de vos forces. Des gamins se roulaient par terre, d'autres criaient "au secours ! j'étouffe !", pendant ce temps là celui qui était dans la tombe s'extirpa de la caisse, il tendit sa main pour qu'on l'aidât à sortir du trou, mais certains trouvèrent encore plus amusant de le repousser. Oh ! Con ! fit-il. Déconnez pas, les gars ! En fait, il ne riait plus, mais il ne pouvait s'empêcher de sourire encore, alors Petit-Pierre l'aida à revenir parmi les siens.

    Bientôt, comme après la tempête, le calme revint petit à petit, les rires s'éteignirent un par un, on reprit son souffle dans cette atmosphère chaude et humide, sous un ciel d'encre, on respirait profondément, on s'essuyait les yeux. ( Monsieur G... sort un mouchoir en papier pour en faire autant, il vient de rire aux larmes, silencieusement ). Mais un rire continuait, complètement incongru, irritant comme le son d'une crécelle. Étonnés, les gamins se tournèrent vers Joseph qui se tenait les cotes....

    Qui aura l'horreur d'inaugurer cette fosse si peu commune ? Vous le saurez en lisant le prochain épisode de...




    LES PROMOTEURS SONT DES SALAUDS !







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    Message par geob Sam 18 Aoû - 11:10


    Les promoteurs sont des salauds (VII)


    Maintenant, Joseph ne riait plus, il se sentait mal à l'aise, au point que lorsqu'il voulut s'éloigner du trou, il trébucha, et le fait de trébucher le rendit proche de la panique : il eut cette impression soudaine, effrayante, que des mains invisibles tentaient de le retenir, de le faire tomber dans le trou. Et puis les visages de ses petits copains, bizarrement figés dans un rictus épouvantable, lui firent comprendre qu'ils avaient trouvé un volontaire, c'est à dire lui, Joseph, autrement dit Jo.
    - Ah non ! cria-t-il. Pas moi ! C'est pas juste ! cria-t-il en tapant du pied sur le sol.
    - Ben quoi, c'est toi le plus courageux, dit Bernard, qui se savait capable de la plus extravagante hypocrisie. Tu nous montres la voie, et puis, après, ça s'ra chacun son tour. Pas vrai, vous autres ?
    Personne ne se fit prier pour acquiescer, avec un enthousiasme qui reflétait un soulagement généralisé.
    - Ben ch'uis pas d'accord ! dit Jo, en essayant de trouver de l'aide dans le regard de François ...occupé à regarder le bleu sur son tibia.
    - Allez, montre nous que t'es le meilleur, lança Petit-Pierre, bienheureux que la bande l'eut vite abandonné pour le rôle de défunt, un rôle de décomposition pas très gratifiant. A la réflexion, il s'en voulait de sa panique passagère, il pensait que Jo ne pouvait échapper à sa désignation puisque que tout le monde le considérait comme la tête de turc, celui qui subissait les plaisanteries les plus bêtes et méchantes, et, comme aussi il ne se révoltait jamais, ou du moins pas très longtemps, il acceptait bien d'être un souffre douleur pour ne pas être seul, isolé, pour ne pas se sentir rejeté, alors oui, vraiment, il n'y avait que lui, Joseph, ou autrement dit Jo, pour se faire enterrer sans que cela fît imploser la bande dans un méchant conflit.

    Un des mômes, Gilles ?, se mit à taper dans ses mains en scandant : Jo ! Jo ! Jo ! Et bientôt, il fut suivi par tous les autres. Jo ! Jo ! Jo ! Ce son bref, qui sortait des poitrines comme un souffle menaçant, rythmé par le claquement des mains qui devenait de plus en plus violant, semblait être le signe avant coureur d'une catastrophe à venir. Des larmes commencèrent à couler sur le visage de Jo, alors le rythme des mains perdit tout de suite son homogénéité, la sonorité devint discordante pour finir dans un "clac" isolé, incongru, et les bouches se fermèrent l'une après l'autre. On aurait dit la fanfare municipale en déroute, après une dégustation de vin du pays durant la foire annuelle ! Le silence qui s'ensuivit fut déstabilisant pour tout le monde. Une brise s'était levée, Petit-Pierre ouvrit complètement sa chemise. L’Endormi tirait sur son maillot trop grand pour lui. On cherchait tous à se rafraîchir, disons aussi à se donner une contenance, pour ne plus voir les larmes de Jo. La Garçonne s'avança vers lui, et aussitôt il se mit de profil, comme s'il apprêtait à recevoir une attaque, histoire surtout de protéger ses tibias. Elle mit son bras droit autour du cou de Jo. Il se calma, il avait déjà l'air sournoisement réjoui.
    - Viens, faut qu'j'te dise quèque chose !
    - J' veux bien, dit Jo avec une petite voix d'enfant étonné.

    Ils s'éloignèrent de quelques mètres, puis La Garçonne se pencha vers l'oreille de Jo, et, s'abritant derrière sa main droite, elle lui murmura "quèque chose". On vit Jo se redresser avec un grand sourire, il semblait tout à coup revigoré, plus grand que sa taille. On l'entendit poser une question : "c'est vrai ?". C'est vrai, quoi ? La curiosité des garçons était piquée au vif, surtout lorsque Jo reçut cette réponse : "parole !". Ouh là ! Ça cachait quoi, ça ? Tout à coup, l'Endormi se dit qu'il aimait beaucoup moins la Garçonne, et elle finissait même par le mettre mal à l'aise avec ses interventions de caïd. Mince alors ! Elle se prenait pour qui ?

    Ils revinrent vers le groupe. La Garçonne marchait devant Jo, et tout le monde vit son coup d'oeil appuyé.
    - Bon, il est d'accord, c'est lui qui commence !
    Alors, on acclama Jo, on lui tapa sur l'épaule, certains voulurent le porter en triomphe, mais ce n'était plus le moment et ils furent quatre à le porter et à le déposer dans la caisse, au fond du trou. Faut reconnaitre qu'il avait bien joué le jeu, le Joseph, il s'était raidi pour faire macchabée, un défunt acceptable ; il avait, avec un souci du détail qui n'amusa pas Petit-Pierre, croisé ses mains sur sa poitrine. On l'installa dans la caisse, Jo ne bougeait pas. Dès que les quatre porteurs s'extirpèrent du trou, François y sauta. Passez moi le couvercle, dit-il. Ce fut donc François qui referma ce cercueil. Il tendit le tuyau à Petit-Pierre qui le déposa sur un morceau de bois, ainsi il ne touchait pas le sol et l'air pouvait pénétrer sans problèmes. François fit un bond pour sortir du trou, et, avec Bernard, ils prirent les pelles pour...
    - Attendez ! fit Pierrot. J'ai pas fait les prières !
    Ils prirent tous la position de ceux qui assistent aux enterrements : la tête inclinée sur la poitrine, les mains jointes au niveau de la poitrine. La Garçonne eut du mal à garder son sérieux, elle pouffa. Son frère lui jeta un regard courroucé.
    - Bon, dépêche ! dit-il à Pierrot.
    Petit-Pierre voulut afficher une mine compassée, qui fasse sérieux en ces circonstances. Dur! Dur ! Mais il n'hésita pas à noyer toute la bande sous un flot de mots latins, avec le ton d'un gamin récitant une table de multiplication :
    - dominus vobiscum duice et decorum est pro patria mori errare humanum est homo homini lupus in cauda venimum ite missa est ipso facto mens sana in corpore sano nosce te ipsum omne vivum ex ovo...euh... rosa rosae rosaris amen !

    En fait, il avait vraiment prié et remercié Dieu de lui avoir permis d'échapper à ce jeu idiot, et il l'implorait pour que son tour ne vînt pas !

    Ça alors ! Ils avaient tous l'air triste ! Sauf l'Endormi, un peu à l'écart, qui riait silencieusement - lui aussi, il aimait bien lire les pages roses du Larousse. Bernard et François prirent enfin les pelles pour pousser la terre dans le trou, les autres le firent avec leurs pieds, en s'excitant les uns les autres, à celui qui en mettrait le plus. Bientôt la caisse fut entièrement recouverte par 50 centimètres de terre, mais ils n'eurent pas le loisir d'en rajouter car, soudain, on entendit :
    - Hello ! Bonjour !
    Près de la remise, quatre filles les interpellaient. Bon sang ! Comme elles étaient mignonnes !
    - Faut pas qu'elles s'approchent, souffla Bernard.
    - Hé ! Les minettes ! fit Gilles. ( oui, c'était Gilles, se dit monsieur G...).
    Ils parcoururent rapidement la dizaine de mètres qui les séparaient de la remise, tandis que Bernard, François, l'Endormi finissaient d’aplanir grossièrement la terre qui recouvrait le trou - il y en avait encore un peu sur le pourtour, mais ils laissèrent en l'état, et s'assurèrent surtout que le bout du tuyau reposait bien sur le bout de bois...


    Mais d'où elles sortent, ces minettes ?
    Comment La Garçonne a-t-elle convaincu Jo ?
    Vous le saurez en lisant le prochain épisode... enfin, peut être !
    prof




    Maadadayo !
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    Message par geob Mer 5 Sep - 10:19

    Les promoteurs sont des salauds (VIII)


    Ah ça jouait des coudes ! Ça faisait le fier ! C'était à celui qui serait le plus dominateur, le plus marrant, le plus beau, histoire de capter l'attention des nanas et en imposait aux autres ! Bernard, François, Gilles, eux, c'étaient les plus costauds et ils étaient donc devant tout le monde. Petit-Pierre se plaçait toujours derrière, avec les autres, rien que de plus normal vu qu'il ne se prévalait pas de son physique, au demeurant fort limité - il ne voulait jamais se battre, parfois il préférait une humiliation à une dent cassée. Il se contentait d'observer les filles, mais surtout une qui ne causait pas beaucoup, elle se tenait même un peu en retrait, et elle était vachement rousse : un véritable incendie ! Ça devait être pour ça que les garçons l'ignoraient : à cette époque on voyait les rousses comme des êtres différents, étranges, "les enfants du diable ! "pensaient certains parents qui ne rataient jamais la messe de 11H, tous les dimanches. Petit-Pierre, lui, il était déjà fasciné par les yeux émeraude de la minette, et, quand ceux-ci se posèrent sur lui, il en fut tout retourné. Aussitôt, il chercha le soutien de l'Endormi, mais zut, il était où ?

    Mu par un pressentiment, Petit-Pierre se retourna. A quelques pas de là, La Garçonne glissait quelques mots dans le creux de l'oreille de l'Endormi. Allons bon ! Ça cachait quoi, tout ça ? Une fois qu'elle eut fini, elle se redressa, puis, elle déposa rapidement une bise sur sa joue, ou plutôt juste un effleurement soyeux, une caresse furtive de ses lèvres, ensuite elle courut rejoindre le groupe qui entourait les minettes en agitant ses bras et en sautillant comme si elle cherchait à prendre son envol, avec ce grand sourire qui illuminait son visage. Quant à l'Endormi, il s'était transformé en statue de cire, il semblait être tétanisé.

    La Garçonne passa devant Petit Pierre et se plaça devant les garçons.
    - Salut les filles ! lança-t-elle

    Maintenant, l'Endormi se rapprochait du groupe, pas à pas, l'air hagard, comme s'il débarquait d'un monde inconnu dont il venait à peine d'entrevoir toutes les richesses. Pierrot se débrouilla pour interroger son meilleur copain, discrètement. Alors ce dernier lui expliqua qu'il avait demandé à la Garçonne comment elle avait pu convaincre Jo d'inaugurer la tombe. Elle n'avait eu aucune hésitation à lui répondre qu'elle avait promis à Jo de lui montrer son minou. Hein ? fit Pierrot. Ben oui, tu sais bien, dit l'Endormi. Ouh ! Le choc émotionnel ! Aucun des deux n'en avait vu ! La jalousie tritura l'estomac de Pierrot, mais il se força à rester impassible. Ensuite, continua l'Endormi, la Garçonne avait ajouté que, bien entendu, elle ne tiendrait pas parole parce qu'elle ne le montrerait qu'à lui seul. Mais j'veux pas, moi, avoua-t-il, bien embêté. Pierrot se retint tout juste de lui balancer que c'était un dégonflé, et tous les deux revinrent s'intégrer à la bande qui entourait les minettes.

    Lorsque la rousse revit Petit-Pierre, en compagnie cette fois-ci de l'Endormi, elle retrouva son sourire. Elle fit un pas dans leur direction. Petit-Pierre recula par réflexe, un réflexe qu'il mit plus tard sur le compte de sa timidité, heureusement l'Endormi le repoussa vers elle en marmonnant que bon sang comme elle était chouette !
    - Comment tu t'appelles ?
    - Pierrot ! Et toi ?
    - Chantal !
    Petit-Pierre n'entendait plus les exclamations, les rires, les sifflets des gars occupés à faire les paons, il ne prêta même pas attention au fait que la Garçonne avait cassé la baraque à François en captant l'attention d'une gamine enjouée, rigolote, que François, apparemment, essayait de draguer, non, maintenant, les autres il s'en fichait, ils n'existaient pas, ils pouvaient s'étriper, se rouler par terre, il ne se sentait plus concerné parce qu'elle était là et qu'elle s'appelait Chantal.(Monsieur G... sort son mouchoir pour essuyer une larme qui coule sur sa joue)

    Les quatre filles logeaient dans un camping, à environ deux kilomètres, près du village de X... Personne de la bande ne connaissait ce lieu. Elles venaient du nord de la France, avec leurs familles et elles restaient dans cette région durant tout le mois de juillet. Alors, on aura le temps de se revoir ? lança Pierrot. Chantal en accepta l'augure, en se fichant pas mal de l'accord de ses trois copines. Un des gars de la bande avait entendu cette idée de rendez-vous et la répercuta, du coup tout le monde adhéra à cette initiative. Bon, il faut qu'on rentre, dit la plus grande qui s'appelait Monique, la seule à porter une montre. Et puis, on risque de prendre un sacré orage, ajouta-t-elle en regardant le ciel. En effet, il y avait de quoi être impressionné, mais les garçons les rassurèrent, ils étaient du coin, l'orage n'était pas certain. On y va quand même, il est bientôt quatre heures nos parents vont s'inquiéter, dit fermement Monique...




    Maadadayo !


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    Message par Dolma Mer 5 Sep - 15:05

    Je ne sais pas pourquoi mais j'ai comme une vague certitude (c'est rigolo une vague certitude non rire ?) que ton imagination ô combien débordante va nous emmener vers une fin d'histoire horrible pensif ...

    En tous cas tu sais faire durer le suspens gag ! !

    Dolma
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    Message par geob Sam 15 Sep - 10:40

    Les promoteurs sont des salauds (IX)




    Comme les garçons, les filles avaient posé leur bicyclettes sur le chemin caillouteux qui longeait la prairie, à une centaine de mètres derrière la remise. Elles furent escortées bruyamment jusqu'à cet endroit, Monique et Bernard devant tout le monde, au grand dam de la Garçonne qui n'aimait pas se voir reléguer au second plan. En serre file, Chantal parlait à Pierrot et cela le rendait heureux. Quand on a vu tous les vélos par terre, on s'est demandé à qui ils appartenaient, disait Chantal, alors on a enquêté et on vous a trouvés.

    Ils arrivèrent sur le chemin d'où l'on pouvait voir, au delà de la prairie, la petite route départementale bordée de platanes par où tout le monde s'en irait. A droite, la direction du camping des minettes, à gauche le retour vers les résidences des garçons, cinq kilomètres plus loin, avec une côte assez sévère de 800 mètres environ.

    Un éclair zébra le ciel. Zorro ! Zorro ! Les garçons chantèrent en rigolant le générique du célèbre feuilleton de ces années là, mais les filles commencèrent à pousser des cris stridents, en surjouant la peur, alors elles s'emparèrent de leurs vélos, et ce fut à ce moment que les premières gouttes tombèrent, énormes : elles faisaient des grosses taches d'humidité sur le sol !
    - Vite ! On dégage nous aussi ! hurla Bernard.
    On se serait cru dans une cour de récréation, à la sortie des cours. Quelle bousculade ! Tout le monde criait, s'excitait, et les plus dégourdis enfourchaient déjà leurs vélos pour se lancer vers la route. Dans sa précipitation à vouloir prendre la tête du peloton, cet imbécile de François bouscula Chantal alors qu'elle venait juste de s'élancer - heureusement elle se ramassa dans l'herbe. Pierrot descendit de son vélo pour la remettre en selle. Vas-y ! Vas-y ! lui dit-elle, moi je n'ai que deux kilomètres ! La pluie prenait de l'intensité, elle piquait un peu, mais ce n'était pas encore si embêtant que ça vu la chaleur qu'il faisait. Ne t'en fais pas, je vais les rattraper dans la côte et j'arriverai chez moi avant les autres, lui assura -t-il

    Chantal et Petit-Pierre furent les derniers à s'engager sur la route. Ils stoppèrent en posant les deux pieds à terre. Oh ces yeux verts qui le transperçaient ! Dépêche toi, cria-t-il. Alors il lui tendit la main, elle en fit de même, et ils se saluèrent ainsi, ensuite elle redémarra prestement et prit tout de suite de la vitesse. Alors Petit-Pierre prit la route sur la gauche. Il rattrapa la bande, enfin une partie, au bas de la montée casse-pattes. Mètre après mètre, il finit pas tous les passer en revue, à mis-pente il fondit sur François qui décrochait de la roue de l'Endormi. Il les laissa sur place. Le bitume luisait sous la pluie, le tonnerre semblait se rapprocher de plus en plus, mais Petit-Pierre ne s'inquiétait pas, il ne se sentait pas fatigué, mais léger, aérien. Tout à coup il pensa à l'étape du Tour de France, dont l'arrivée se situait ce jour là sur le vélodrome de Bordeaux. Son coureur préféré, André Darrigade, allait-il enfin gagner dans cette ville ?

    Pierrot prit des risques fous dans la descente, mais il s'imaginait être dans la peau d'un coureur du Tour de France, invincible. Néanmoins, François et l'Endormi finirent par le rejoindre, et ce fut François qui mena jusqu'en ville, l'Endormi et Pierrot s'abritant derrière sa roue. Lorsqu'ils arrivèrent dans la zone pavillonnaire, il pleuvait si fort que la visibilité en était considérablement réduite et les coups de tonnerre d'une violence inouie. Une vraie canonnade ! Ils ne prirent pas le temps de se dire au revoir, chacun pour soi , vite, vite ! Devant chez lui, Pierrot ouvrit le portail du jardin, jeta le vélo par terre et courut vers la maison. La porte d'entrée était déjà ouverte, sa mère l'attendait avec une serviette de bain. Dès qu'il fut à l'abri, elle lui ordonna d'enlever tous ces habits et puis elle l'emmaillota, elle lui frotta énergiquement le dos, la tête. Quelle folie ! fit-elle en riant. Je présume que tu es arrivé dans les premiers ? Bien sûr, maman, tu sais bien que la côte, ils n'aiment pas ça les copains ! Au fait, qui c'est qui a gagné aujourd'hui ? Darrigade, dit-elle, il a battu sur le fil Barry Hoban ! Alors il hurla un tonitruant "ouaiiiis" !!! (Monsieur G... se souvient de la photo parue le lendemain, dans "La Dépêche du Midi : on voyait Hoban en pleurs, si marri d'avoir été battu d'un boyau ).

    Petit Pierre trouva des vêtements secs sur une chaise dans la cuisine, et un bol fumant de chocolat chaud sur la table recouverte d'une jolie nappe en tissu. Il s'habilla prestement, puis, il s'assit et prit avec délectation le bol dans ses mains, il huma avec délice avant de boire une lampée de ce breuvage qui le rendait si fort. La pluie cinglait les vitres de la fenêtre de la cuisine, les éclairs jetaient une lumière blanche durant une fraction de seconde, comme le flash d'un photographe : Dieu devait s'amuser à photographier les humains en débandade dans la tourmente.
    - Qu'est-ce qu'il y a ? demanda sa mère.
    Après avoir bu délicatement, pour éviter de se brûler la langue, Petit Pierre n'avait pas reposé le bol tout de suite, son geste restait en suspens, comme si une pensée venait de parasiter sa douillette quiétude. Il se reprit, la question de sa mère l'avait électrifié.
    - Non, rien, ça va maman.
    Sauf que, nom d'un chien, il avait eu soudainement la vision de Jo dans la tombe.

    Oh putain ! Ils l'avaient oublié !




    Maadadayo !



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    Message par Invité Sam 15 Sep - 18:30

    Je crois n'avoir encore jamais eu l'occasion de te le dire, Geob...
    J'aime bien ce que tu nous écris ! top !

    Voilà... C'est dit !!! clin d'oeil sourire
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    Message par geob Mar 25 Sep - 11:09


    Dernier épisode (enfin, peut être)

    Au début des années 60, au vingtième siècle, rares étaient les gens qui possédaient le téléphone. Dans la bande, seuls les enfants du pharmacien pouvaient se vanter de l'avoir, et d'ailleurs ils ne s'en privaient pas. Vers 18 h de cette fin d'après midi orageuse, ils reçurent la visite de François, la mine décomposée, blême. La Garçonne monta avec lui dans la chambre de Bernard. Une fois à l'intérieur, la porte soigneusement refermée, François, quasiment aux bord des larmes, raconta qu'il venait de recevoir la visite du père adoptif de Jo : il s'inquiétait de l'absence de son fils. Oh non ! se lamentèrent Bernard et Garçonne. Ils réalisaient juste à l'instant qu'ils avaient laissé Jo dans la tombe. J'ai dit à mes parents que j'avais ramené Jo sur mon porte-bagage, continua François, et que je l'avais laissé au début de sa rue, et qu'il pleuvait tellement que je n'avais qu'une idée en tête c'était de me mettre à l'abri, voilà. Y'avais personne dans les rues, dit la Garçonne, on a tous intérêt à dire la même chose, sinon on est pas sorti de l'auberge ! ( en fait, Monsieur G... se souvient qu'elle avait employé d'autres termes ) François ajouta qu'à l'heure actuelle les parents adoptifs de Jo ont dû déjà téléphoné à la gendarmerie. Bon, dit Bernard, on va aller voir les copains et leur dire qu'il faut absolument que l'on tienne tous le même discours, tout en espérant que Jo est sorti du trou... à moins que la pluie a alourdi la terre et qu'il n'a pas pu soulever le couvercle, bref, on est mal s'il est encore dedans, parce que, dans ce cas là, plus de trois heures après... Mais non ! s'exclama François, il y a le tuyau, p'têt bien qu'il peut respirer encore. Hum ! Pas sûr ! fit la Garçonne, si jamais le tuyau est tombé dans la terre, surtout avec ce vent, alors imaginez avec la gadoue, le tuyau va plus servir à grand chose, il doit être bouché ! Oh con ! se lamenta François, faut aller voir, on ne se jamais. Tout à coup, juste après cette proposition bien tardive, ils sursautèrent : ils eurent l'impression qu'on lançait du gravier sur la fenêtre de la chambre. Ils se précipitèrent, et...
    - Pas possible ! Voilà maintenant la grêle ! dit la Garçonne.
    - Mon Dieu, c'est la fin de tout ! pleurnichait François.
    - Attends, t'espère quoi, il fait maintenant nuit avec ces nuages noirs, on peut plus prendre nos vélos et retourner là bas, on inquiéterait nos parents, et d'ailleurs ils nous empêcheraient de partir comme ça, avec ce temps de chien qu'il fait ! Allez, on se partage les visites, et on fait ça rapidement !

    La Garçonne savait commander !

    Les grêlons énormes s'entassaient sur le rebord de la fenêtre, telle une invasion inquiétante de milliers d'insectes glacés. Les trois enfants frissonnèrent, peut être qu'ils ressentaient déjà le froid qui maintenant devait gagner tout le corps de Jo et l'endormir pour toujours.

    Dès qu'il y eut une accalmie, ils se précipitèrent chez tous les gars de la bande.

    Trois jours plus tard, toujours sous une pluie continuelle - on n'avait jamais vu ça pour un mois de juillet dans la région ! -, deux gendarmes entamèrent la tournée de la zone pavillonnaire. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les gamins tinrent le même discours, ils comprirent d'ailleurs fort bien l'intérêt de le faire puisque Jo n'avait pas donné de nouvelles, et donc qu'il était certainement encore dans la tombe, mort. Cela provoqua des nuits agitées, des cauchemars pour quelques uns de la bande, mais Pierrot, lui, pensait surtout à Chantal dans le camping, il se disait que ça ne devait pas être amusant mais que peut être elle dormait dans un camping-car, en tout cas il était bien content de vivre dans une maison avec un temps pareil. Quand les gendarmes passèrent chez lui, sa mère les reçut en mettant sur la table de la cuisine une bouteille de vieil armagnac - on les connaissait bien, ces deux là, leur devise c'était : jamais en dehors du service ! Ils étaient déjà assez allumés, leurs trognes rougeaudes n'étaient pas le résultat d'un coup de soleil. Ils eurent le bon goût de ne pas évoquer le mari absent : tout le monde savait que la mère de Pierrot avait divorcé, qu'elle recevait une sacrée pension alimentaire, et en prime la maison lui appartenait dorénavant, sans partage. ( Monsieur G... revoit tout à coup son père battre sa mère, alors le divorce a eu sur lui un effet libérateur, et aujourd'hui encore il se dit que sa mère avait eu bien du courage pour entamer une procédure, surtout à cette époque socialement très cadenassée ). Bien sûr, Pierrot raconta aux militaires l'histoire convenue, et ils n'insistèrent pas dans la recherche d'éléments nouveaux, la dégustation de l'armagnac suffisait à satisfaire leur curiosité.

    A vrai dire, l'enquête fut bâclée, la gendarmerie nationale, lorsqu'elle ne dégustait pas les produits locaux, se préoccupait surtout des possibles retombées en France des affaires algériennes. Les enfants entendaient parler quelquefois de putsch, de o.a.s, mais cela ne les perturbait pas trop, et d'ailleurs ils n'y comprenaient rien, cela semblait si loin tout ça, sauf pour l'Endormi dont le père, colonel chez les parachutistes, se trouvait en Algérie au début des années 60.

    Quelques jours passèrent, le ciel retrouva une couleur d'été. La Garçonne et Bernard partirent en vacances dans les Landes, avec leurs parents qui avaient fermé la pharmacie, deux ou trois autres aussi quittèrent aussi le quartier pour changer d'air - ce furent surtout les parents qui voulaient éloigner leurs enfants de cette affaire, une affaire bien louche pour tout le monde, on disait même que des fellaghas, déguisés en ouvriers agricoles, avait kidnappé ce pauvre petit Joseph...



    Monsieur G... exagère ! Il reste encore dans sa cuisine à vagabonder dans les souvenirs de cet été qui a marqué sa vie ! Tout de même, le dernier épisode ne saurait tarder, enfin... peut être !



    Maadadayo !
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