Quelle douceur que celle des flocons qui tombent lentement sur le sol, quelle frayeur que celle des chiens errants qui hurlent au bas des immeubles, claquant leurs crocs sous nos mollets, quel étonnement dans ce climat où même l'alcool gèle, où les cheveux mouillés se transforment en stalactites, quel ravissement que celui de se sentir seul au monde dans un univers cotoneux, loin du bruit des avenues soviétiques.
Dans l'horrible martellement du béton, du ciment, des talons féminins faisant "clac, clac, clac" sur l'avenue, dans le bruit écrasé des pneus à clous sur les routes, dans un monde fait de ces matières dures et froides, retrouver le bonheur de l'hiver qui étouffe les plaintes.
Se retrouver au bistro, fêter le bonheur d'avoir chaud, aucune envie d'affronter le froid du dehors. Et partir, malgré tout, frissonner, se crisper et se rappeler qu'il faut se détendre pour avoir moins froid, respirer profondément, relacher ses muscles tendus, crever de froid quelques instants et soudain être bien. Le brouillard glacé, le vent qui siffle dans les arbres, les lumières de la ville qui se brouillent dans des reflets oranges qui se dispersent...
Etre bien quoi, dans l'hiver russe, dans cette toundra pelée, ce désert gelé qui ne va nulle part.
Dieu qu'il me manque mon hiver russe!
Et dire que dans quelques jours, il fera vingt degrés. Quelle pitié! Vivement l'hiver, c'est si bon!