Dimanche 27 juillet, vers midi, à quarante kilomètres de Chiang Mai...
...
Un nouvel orage se déclenche. J'arrive a l'intersection des routes numéro 1317 et 1006, je m’apprête à prendre la direction des sources d'eau chaude de Samkaepeng. Il y a des gens au milieu du carrefour, parapluies ouverts, des débris de verre et de métal jonchent le bitume, une moto renversée comme un pantin désarticulé. Quelques mètres plus loin, ignoré des vivants, tel un paquet abandonné, gît un homme, couché sur le ventre. La pluie tombe drue, pique le visage. J’aperçois un abris bus en bois ou se trouvent déjà quelques personnes et deux motos mises au sec. Je traverse la route, laisse ma moto sous le déluge, et je rejoins ces personnes qui, bien sur, observent la scène dramatique au centre de ce carrefour. Il y a un jeune, en tee-shirt, qui grelotte de froid, deux militaires, un couple avec un bébé d'une quinzaine de mois. Ce qui me frappe, me fascine, c'est le corps de ce thaïlandais sous ces trombes d'eau : personne ne s'approche de lui. Comme il n'est pas recouvert, je me dis qu'il doit être mort. Un militaire me le confirme.
Une voiture de la police arrive, mais du genre corbillard. Je constate aussi qu'ils n'ont riens entrepris pour avertir les voitures qui roulent vite malgré la route détrempée, pas de signal, rien.
Quel déluge ! On s'active autour d'une personne qui reste assise, mais je ne vois que ce corps, au centre du carrefour, avec le vide autour de lui. Apres tout, pourquoi le recouvrir ? Il est mort, il est passé de l'autre côté, restons avec les vivants.
Nouvelle sirène retentissante. Cette fois ci, c'est une ambulance qui arrive de Mae On. Des qu'ils ouvrent la portière coulissante du véhicule, la première chose que font les infirmiers c'est d'ouvrir leurs parapluies ! Alors, des parapluies roses s'agitent au milieu des gens. Ah, maintenant ils les ferment : ils ont besoin de leurs deux mains !
Quelques minutes s’écoulent. La personne survivante est installée sur une civière, embarquée ensuite dans l'ambulance. Avertisseurs, direction l’hôpital de Mae On. Et notre attention se porte à nouveau sur le cadavre. Une ou deux personnes s'en approchent, puis repartent aussitôt
La pluie s’arrête, les nuages dégagent vite pour laisser un peu de place à du ciel bleu.
Les deux militaires sortent une moto. Le jeune frigorifié est déjà parti, j'avais garé ma moto à côté de la sienne, sous la pluie, et maintenant elle est étincelante, nickel. Le père de famille amené sa moto au bord de la route. Ce n'est pas la première fois que je vois un couple de thaïlandais sur une moto, avec un bébé au milieu, mais la, sur le coup, je ne peux m’empêcher de leur dire d'aller doucement. Le type, le visage grave, me dit "leo maille dii".(1) Il fixe l'endroit où il sera obligé de passer, c'est à dire prés du mort, il est inquiet, mais le voilà parti.
J'essuie la selle de ma moto, démarre le moteur. Je jette un dernier coup d’œil sur le mort, la-bas. Ils ont enfin recouvert le corps d'une toile blanche. Bizarrement cela semble énorme, on dirait presque un terre plein. Ils n'ont pas l'air de vouloir l'embarquer, il y a un type qui installe quatre plots rouge et blanc autour de cette forme blanche incongrue : on dirait qu'il dessine un nouveau carrefour au milieu de la route 1317.
1) Ce n'est pas bien de rouler vite.
Maadadayo !
...
Un nouveau carrefour
Un nouvel orage se déclenche. J'arrive a l'intersection des routes numéro 1317 et 1006, je m’apprête à prendre la direction des sources d'eau chaude de Samkaepeng. Il y a des gens au milieu du carrefour, parapluies ouverts, des débris de verre et de métal jonchent le bitume, une moto renversée comme un pantin désarticulé. Quelques mètres plus loin, ignoré des vivants, tel un paquet abandonné, gît un homme, couché sur le ventre. La pluie tombe drue, pique le visage. J’aperçois un abris bus en bois ou se trouvent déjà quelques personnes et deux motos mises au sec. Je traverse la route, laisse ma moto sous le déluge, et je rejoins ces personnes qui, bien sur, observent la scène dramatique au centre de ce carrefour. Il y a un jeune, en tee-shirt, qui grelotte de froid, deux militaires, un couple avec un bébé d'une quinzaine de mois. Ce qui me frappe, me fascine, c'est le corps de ce thaïlandais sous ces trombes d'eau : personne ne s'approche de lui. Comme il n'est pas recouvert, je me dis qu'il doit être mort. Un militaire me le confirme.
Une voiture de la police arrive, mais du genre corbillard. Je constate aussi qu'ils n'ont riens entrepris pour avertir les voitures qui roulent vite malgré la route détrempée, pas de signal, rien.
Quel déluge ! On s'active autour d'une personne qui reste assise, mais je ne vois que ce corps, au centre du carrefour, avec le vide autour de lui. Apres tout, pourquoi le recouvrir ? Il est mort, il est passé de l'autre côté, restons avec les vivants.
Nouvelle sirène retentissante. Cette fois ci, c'est une ambulance qui arrive de Mae On. Des qu'ils ouvrent la portière coulissante du véhicule, la première chose que font les infirmiers c'est d'ouvrir leurs parapluies ! Alors, des parapluies roses s'agitent au milieu des gens. Ah, maintenant ils les ferment : ils ont besoin de leurs deux mains !
Quelques minutes s’écoulent. La personne survivante est installée sur une civière, embarquée ensuite dans l'ambulance. Avertisseurs, direction l’hôpital de Mae On. Et notre attention se porte à nouveau sur le cadavre. Une ou deux personnes s'en approchent, puis repartent aussitôt
La pluie s’arrête, les nuages dégagent vite pour laisser un peu de place à du ciel bleu.
Les deux militaires sortent une moto. Le jeune frigorifié est déjà parti, j'avais garé ma moto à côté de la sienne, sous la pluie, et maintenant elle est étincelante, nickel. Le père de famille amené sa moto au bord de la route. Ce n'est pas la première fois que je vois un couple de thaïlandais sur une moto, avec un bébé au milieu, mais la, sur le coup, je ne peux m’empêcher de leur dire d'aller doucement. Le type, le visage grave, me dit "leo maille dii".(1) Il fixe l'endroit où il sera obligé de passer, c'est à dire prés du mort, il est inquiet, mais le voilà parti.
J'essuie la selle de ma moto, démarre le moteur. Je jette un dernier coup d’œil sur le mort, la-bas. Ils ont enfin recouvert le corps d'une toile blanche. Bizarrement cela semble énorme, on dirait presque un terre plein. Ils n'ont pas l'air de vouloir l'embarquer, il y a un type qui installe quatre plots rouge et blanc autour de cette forme blanche incongrue : on dirait qu'il dessine un nouveau carrefour au milieu de la route 1317.
1) Ce n'est pas bien de rouler vite.
Maadadayo !