Trois livres pour l'été.
Un grand roman, voir un chef-d’œuvre, est souvent tragi-comique, ainsi "Don Quichotte".
Voici trois livres, disponibles en éditions de poche, qui m'ont fait rire, qui m'ont ému. Des chefs-d’œuvre de la littérature ? Peut être pas, en tout cas ce sont les romans de trois écrivains remarquables, tant par le style que par l'histoire qu'ils nous racontent.
"Catch 22", de Joseph Heller.
J'en parle en premier parce que je viens de le relire. Cette histoire d'une escadrille de bombardiers, pendant la deuxième guerre mondiale, n'est pas un simple et banal brûlot antimilitariste - d'ailleurs fort apprécié pendant la guerre du Vietnamien -, mais plutôt un grand roman sur la fragilité de l'être humain pris dans l'engrenage d'une machine infernale, broyé par une logique kafkaïenne, semblable à celle qui condamne le personnage principal du "Procès" de Kafka. Des dialogues, des scènes inoubliables où l'on rit aux larmes, mais, ensuite, et parfois en même temps, la folie, la dinguerie, le pathétique de ces dialogues et de ces scènes nous étreint le cœur : ces hommes sont dirigés par des pantins galonnés qui ne voient pas plus loin que la progression de leur carrière, et, entre les mains de ces officiers effarants, ces hommes ne sont que des variables d'ajustement, des statistiques. Il y a un épisode atroce qui déclenche une succession d'évènements d'une logique et d'une absurdité irréfutables - comme dans d'autres épisodes d'ailleurs, moins tragiques -, il y a des annotations récurrentes qui éclatent par surprise là où on ne les attendaient pas, des scènes que l'on revoit sous un autre angle, mais on ne sait pas sur combien de temps se déroule cette histoire - narration fort originale - où l'on apprend aussi ce que c'est le capitalisme mondial, comment il fonctionne, et la nocivité qui en découle pour nous tous. Il y a tellement de chapitres, de personnages dont je voudrais parler, alors que je dois indiquer deux autres livres, alors lisez donc "Catch 22", vous ne l'oublierez pas !
"La conjuration des imbéciles", de John Kennedy Toole.
Ignatius O'Reilly, ce vendeur de hot-dogs dans la Nouvelle Orléans, lui aussi vous restera dans la mémoire ! Quel bouquin ! J'avais acheté la première édition chez Robert Laffont, avec en couverture un dessin représentant un type énorme, drôlement attifé, un hot-dog dans la main. J'ai réussi à convaincre tous les gens que je connais, ou que j'ai connu, dont quelques uns n'avaient jamais lu de romans de leur vie, à lire "La conjuration des imbéciles". Je ne sais plus ce qu'est devenu le livre. Ce dont je suis sûr, c'est qu'il a traversé la France, qu'il est passé de mains en mains, et le dernier ou la dernière qui l'avait lu, enthousiasmé comme tous les précédents lecteurs, n'avait de cesse que de vouloir partager la joie d'avoir lu un grand roman. Kennedy Toole a eu le fameux prix "Pulitzer" à titre posthume, puis, devant le succès, ils ont trouvé un autre roman, le premier qu'il avait écrit. Je n'ai pas voulu le lire, de peur d'être déçu, et pour moi John Kennedy Toole restera l'auteur d'un roman qui sort vraiment de l'ordinaire. Il faudra que je le relise un jour ! Pour ceux ou celles qui ne le connaissent pas, je leur dis simplement : entrez dans le cercle des amateurs de John Kennedy Toole !!!
"Le seigneur des Porcheries", de Tristan Egolf.
Pour moi, une découverte, une surprise, je ne connaissais pas Tristan Egolf. On le compare à Kennedy Toole, lui aussi s'est donné la mort relativement jeune. L'histoire se déroule dans l'Amérique profonde, les USA qu'on n'aime pas et qui font peur. Au début, j'ai eu du mal à entrer dans cette histoire, et je me suis demandé vraiment où ça allait, et puis, petit à petit, ce dessine le destin d'un gamin hors du commun, qui va vivre une histoire où le destin ne va cesser de lui mettre des bâtons dans les roues, et pourtant il arrivera à se relever de beaucoup d'évènements douloureux et exceptionnels. Quand il revient dans sa ville natale, il va se venger de tout ce qu'on lui a fait subir gamin, et vous verrez comment les déclassés, les plus bas que terre, retrouveront leur dignité dans cette grève des éboueurs qu'il organise, et dont les conséquences seront dévastatrices. Les scènes durant lesquelles se déroule un match de basket sont tout aussi délirantes, baroques - en fait, un autre cataclysme aussi efficace qu'une tornade ! La fin du roman est inattendu -enfin, pour moi -, et fort émouvante, ou plutôt je dirais pathétique. Je le relirai, ce beau roman de Tristan Egolf.
Trois livres à emmener sur une île déserte, car je crois qu'on peut les relire sans se lasser tant leur contenu est riche de personnages et de thèmes universels.