On repart en 1993, j’ai 20 ans. Mon meilleur ami part faire 8 mois d’études à Montréal en me lançant en défi : «
Tu viens me voir au Québec cette année ? Même pas cap’ ! »
Il a raison, à l’époque je ne suis qu’une petite étudiante sans le sou, très timide, qui n’est pratiquement jamais partie en vacances, qui ne pense pas vraiment à quitter les jupons familiaux…
Tout juste rêve-je depuis longtemps de Canada comme d’autres rêvent d’Etats-Unis ; mon rêve américain, totalement utopique à cette époque…
Mais je l’aime bien (trop !) ce mec, je suis piquée au vif par son défi. Je me serre encore plus la ceinture pour économiser quelques sous, et je me fais violence pour dénicher un billet d’avion pour les vacances de printemps (avril).
Jusqu’à me voir dans les couloirs de Berri Uqam, cet ami ne croyait pas en venue… Et pourtant m’y voilà !
C’est la pire saison pour voyager au Québec, ce n'est plus l’hiver, pas encore le printemps. Les rues de Montréal sont tristounettes, la météo n'est pas au beau fixe. Les étudiants ont beaucoup de travail à cette période et je me retrouve un peu délaissée par mon ami, devant découvrir Montréal seule. Heureusement un concours de circonstances m’offre une place dans un camping-car qui monte vers Tadoussac et redescend ensuite vers les chutes du Niagara… Les lacs du nord encore dans leur gangue de glace, les premiers bourgeons du côté de Niagara, la terre brûlée et les arbres dénudés de fin d’hiver partout sur le chemin, des sites fermés… Mais Maudit que ce pays est tout de même beau et accueillant ! Les villes m'interpellent, les grands espaces me subjuguent déjà.
Ce n’est donc pas forcément le meilleur séjour que j’ai passé au Québec. Que de violences me suis-je infligées pour voyager seule (1ère fois en avion, rejoindre seule Berri Uqam, me débrouiller seule dans les rues et souterrains de la ville…) ! Une très rude épreuve à l’époque.
C’est donc un premier pas, un premier contact… un pas de géant pour moi ! un coup de cœur immédiat !
Le début d’une longue histoire de voyages, d’abord québécois, puis dans le monde entier… Le début d'une belle histoire d'amour avec le Québec.
Eté 1994 – Cet ami, revenu en France, organise un circuit de 3 semaines au Canada pour le faire découvrir à ses amis français. Je suis de la partie. (...)
1995-1996 – Je marche sur les traces de mon ami, en m’offrant une année d’études extraordinaire à Montréal. Deux ans avant, cela était inimaginable pour moi, pour ma famille, pour mes amis, purement impossible !
Et cela reste encore maintenant pour moi LA meilleure année de ma vie. Sensation de réellement décider de ma vie pour la 1ère fois, d’avoir choisi celle que je veux durant 8 mois, d’être pleinement maître de mes choix (et non de suivre un chemin tout tracé par les autres, par le système… ). (...) Les yeux grands ouverts, le cœur aussi. De belles amitiés. Des expériences à l’Université qui m’amèneront à découvrir ma vocation professionnelle : c’est là-bas que j’ai su que je serais prof, pour le meilleur ; grâce aux professeurs de l'Uqam, grâce à mes camarades d'étude de cette année-là.
Après ?
Je suis revenue plusieurs fois au Québec (...) en organisant des circuits de 2-3 semaines pour mes amis français. En grande organisatrice de l’ensemble du séjour. Elle est loin la petite étudiante qui n’osait pas ouvrir les portes d’une agence de voyage ; maintenant elle démarche les compagnies aériennes pour dégotter 7 billets d’avion au meilleur prix, elle planifie et réserve auprès des auberges et loueurs de voitures… elle gère le budget du groupe et joue le guide sur les sites touristiques…
Et j’ai commencé à découvrir le reste du monde.
Saisir une opportunité une fois («
Un pèlerinage sur les pas de Moïse, en Égypte et Israël, ça te tente ? »)… se faire des copines qui aiment voyager et vous embarquent avec elles (Grèce, Yunnan…)… commencer à vraiment avoir ses propres envies de voyages et les concrétiser en entraînant mon petit frère (Mauritanie, Maroc…)…
Être piquée par le virus du voyage ! En vouloir toujours plus, penser au prochain à peine arrivée du précédent… découvrir tardivement un forum à l’occasion de l’organisation d’un de ces voyages et ne plus pouvoir en décrocher…
Ce premier voyage en 1993 a donc sacrément changé ma vie sur bien des plans :
- pas de géant dans mon ouverture vers les autres, ma prise d’autonomie, le dépassement de ma timidité maladive (je confirme, j’suis guérie !
)… Ce fut un déclencheur évident de ce qui a forgé ma personnalité d’adulte.
- premier contact avec le Québec, qui m'a amenée à mon séjour universitaire qui m’ouvrit les yeux sur ma vocation professionnelle...
- et c’est à ce moment que j’ai été vraiment piquée par le virus du voyage. Première petite piqûre anodine qui déclenche la fièvre croissante dans les décennies suivantes...