par geob Sam 13 Aoû - 11:20
Aux dernières nouvelles, nos deux légionnaires ont été victimes de "tirs amis", un euphémisme déconcertant pour indiquer que leurs collègues sont sans doute les auteurs des tirs...amis ! Allons bon ! Cabu se risquera-t-il de nous montrer, mercredi prochain, son "adjudant Kronembourg", dans "Le Canard Enchaîné", en train de saluer cette mort héroïque avec une canette de Kronembourg dans la main ? N'empêche, les militaires ont eu droit à leur petite cérémonie aux Invalides, et une dizaine de personnes ont salué les cercueils qui passaient sur le pont Alexandre III. Parmi ces dernières, une femme d'un certain âge, outrée par l'indifférence du populo, s'indigna à la radio :
- C'est une honte, monsieur ! Ils sont pour la France ! Ils sont morts pour nous, monsieur, pour nous, et on ne fait rien pour eux !
Oh ! Oh ! On se calme ! C'est un accident du travail ! Les militaires eux mêmes parlent DE LEUR METIER ! J'ai lu dernièrement l'interview d'un général qui parle aussi de METIER. L'armée n'est donc pas l'incarnation de la France, c'est un corps de métier respectable au service d'une politique, qui ne l'est pas toujours, décidée par une personne élue au suffrage universel : le président de la république.
Ainsi, comme Eva Joly, je verrais d'un bon oeil que l'armée soit occupé ailleurs que sur les Champs Elysées le 14 juillet. On pourrait par exemple, comme ça, au hasard, lui apprendre ce jour-là à faire la différence entre une paire de babouches et une paire de rangers, non ?
Ah les cris d'orfraie suscitée par la proposition de Eva Joly ! Comment ! Cette dame ignore l'histoire de la France, l'armée c'est la nation, Valmy, dehors la Norvégienne ! etc, etc. Bon, passons, sauf que, de gauche à droite, on a convoqué l'histoire, et j'aurais aimé entendre quelques faits. Vous avez convoqué l'histoire, et bien convoquons là !
Valmy. Le peuple en armes, ce n'est pas tout à fait l'armée française, c'est l'armée d'une idée qui va changé l'histoire de l'Europe. Mais savez-vous que beaucoup d'historiens s'accordent à dire que cette "victoire" fut acheté au duc de Brunswick ? Ce fut un repli de sa part, plutôt qu'une défaite. Quant aux armées napoléoniennes, tout le monde sait que si, au début, elles apportèrent la liberté, elles finirent par être honnies par toute l'Europe, une Europe à feu et à sang en raison de l'ambition d'un seul homme qui utilisaient ses hommes comme une matière interchangeable, une variable d'ajustement.
Mais, puisque nous sommes en république, parlons de la république. La II e, issue de l'abdication de Louis Philippe qui refusa de faire intervenir l'armée parce qu'il ne voulait pas verser le sang des Français ! Que fit la II e république, quatre mois plus tard ? Elle voulait fermer les Ateliers Nationaux, qui employaient des miséreux, les occupaient surtout, mais elle trouvait ces emplois assistés un peu trop cher pour l'économie nationale, et j'imagine qu'il devait avoir, dans ce gouvernement de la II e république, un lointain parent de Laurent Wauquiez qui jugeait cet assistanat comme la lèpre de la société. Que firent les pauvres ? Ils se révoltèrent ! Toujours là pour embêter les braves gens, les pauvres ! Alors la république appela le général Cavaignac, et en juin 1848 l'armée tira pendant trois jours sur le peuple parisien : 1600 morts ! Merçi la république ! En apprenant cette nouvelle, Louis Philippe en exil aurait déclaré : " La république a de la chance : elle peut tirer sur le peuple !"
L'armée était-elle l'incarnation de la nation ou alors l'incarnation d'une politique décrétée par un gouvernement conservateur et bourgeois ?
On sait ce qui s'est passé pendant la Commune. Je n'ai pas une grande sympathie pour les "communards", mais je ne peux oublier que l'armée française, au lieu de continuer à lutter contre les prussiens, mit son énergie dans le massacre de français, sous l'oeil ironique de Bismarck qui fumait la pipe en observant ce spectacle sanglant.
En 1891, Fourmie. L'armé tire sur des ouvriers qui manifestent : 9 morts !
1914/1918. La nation sous les armes pour une boucherie sans nom due à l'incompétence et l'orgueil des généraux qui nous faisaient la dernière guerre du 19e !
1945, le bombardement de Sétif pour apprendre aux Algériens à se révolter ! Des milliers de morts civils ! Et Madagascar ? Etait-ce la nation Française en action, ou la politique d'un gouvernement ?
L'armée sera toujours au service d'une politique ! Et sans doute, pour les années à venir, un éternel retour au 19e siècle - comme on le constate sur le plan économique- avec l'utilisation de l'armée pour mater les émeutes. D'ailleurs, c'est ce que vient de promettre Cameron aux Anglais.
La prochaine fois, l'armée ! Qu'on se le dise !
( entre temps, il y a eu un autre accident du travail portant à 73 le nombre de tués en 10 ans )