Pays plat, ou presque, couvert de prairies sans fin. Quelque part entre nulle part et là-bas. Ici, on ne fait que circuler d’est en ouest, ou vice-versa, d’un océan à l’autre. Route transcontinentale.
Au bord du large ruban d’asphalte où filent à vive allure les monstres d’acier, un parking, quelques baraques. Une unité de restauration typiquement nord-américaine, quelques chambres qui osent porter le nom de motel, des pompes crasseuses à polluant liquide.
Trucks rutilants au repos, c’est la pause déjeuner pour leurs équipages.
Au fond de la salle, un trio s’est formé. L’accent francophone les a rapprochés.
Lui, grand gaillard trentenaire au visage rougeaud et yeux bleus d’angelot rieur profitant de son déjeuner calorique qui n’arrangera pas son embonpoint, courte pause dans son avalée quotidienne de kilomètres infinis de bitume. Eux, devant leurs grands gobelets de jus de chaussettes, couple franco-canadien en recherche de lift pour la côte est. Il est originaire des Savoies, ils connaissent la région d’Annecy, la discussion va bon train. Le truckers réalise son rêve de highways sans fin, les tourtereaux savourent encore leur vie commune comme aux premiers jours, l’aventure itinérante, sac au dos, encore et toujours.
Les deux hommes ne le savent pas, mais ils ont une connaissance commune, un certain gamin de banlieue qui a croisé leurs routes françaises voici deux ans.
Au milieu de nulle part, un jour sans nom, Pierre, le voyageur au quotidien, vient d’accepter de prendre en stop François et Mélissandre…