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Mardi 17 Avril 2007
Patacamaya, Bolivie
Ce sont toujours les rencontres les plus
inattendues qui sont les meilleures.
En quittant Sucre hier, je me dirigeais a
Cochabamba avec dans l’idee de prendre ensuite directement un bus pour La Paz
et de descendre avant cette derniere, la ou j’en aurais envie. C’est ainsi que
je me suis arretee a Patacamaya, blede qui n’a d’autre interet que d’etre un
stop pour les nombreux bus et camions qui font la route entre La Paz,
Cochabamba et la frontiere chilienne. Des commerces alignes le long de la route
principale et de nombreux alojamientos pour les Boliviens en transit, rien d’autre.
J’ai pris le premier alojamiento que j’ai vu en descendant du bus. Tres
sommaire, pas de douche et des toilette turques, mais le lit est bon.
Je n’ai pas vu un seul touriste en me
balladant et je ne les blame pas : il n’y a a prioris rien d’attrayant
dans ce pueblo.
J’ai fait une petite sieste car pas trop
dormi durant la nuit dans le bus et puis j’ai demande a la tenanciere ce que je
pouvais faire dans le coin. Elle m’a parle d’eaux thermales dans un blede un
peu plus loin, qu’on rejoint en prenant un micro. Bon, je n’ai pas tout compris
a ses explications mais je me decide pour y aller, serviette de bain dans le
sac a dos.
Je demande a un homme ou je peux prendre
le micro pour aller a ces eaux thermales. Il me demande lesquelles (ah
bon ? Il y en a plusieurs ?). Je ne sais pas je lui repond, les plus
proches. Il n’a pas l’air tres enjoue pour me renseigner et me fait signe
d’aller voir plus loin. Deuxieme tentative, au chauffeur d’un mini-bus. Lui, il
me dit que si, a Viscachani, je trouverai mon bonheur. Il y va, il peut m’y
emmener pour trente pesos. Trente pesos ? C’est le prix pour faire
Cochabamba – La Paz, huit heures de route ! La, c’est dix minutes… non,
non, je lui dis. Il me propose vingt et la, je lui repond « je ne suis pas
une gringa stupide tu sais, vingt pesos pour dix minutes de route, non
merci. ». Il m’envoie donc voir les taxis d’a cote.
Je les trouve bien peu aimables les gens
ici. Peut-etre devrais-je me confiner aux lieux touristiques apres tout, les
gens y ont plus l’habitude des gringos sans doute. Bon, je tente les taxis.
Vingt pesos egalement. Meme argument en reponse, vingt pesos pour si peu de
trajet, c’est pas pour moi. A me voir perseverer tout en restant calme et
aimable, ils comprennent et enfin, plus sympathiques, m’indiquent quel bus
prendre, ou, et ce pour la maudite somme de deux pesos. Et bien voila !
C’était pas complique tout de meme !
Le chauffeur me descend au coin de la
route et m’indique gentillement le chemin. Tout droit, au fond du village, tu
trouveras la piscine balneaire. Effectivement, je la trouve facilement, je paye
et entre. Il y a une dizaine de personnes dans le bassin. Je me deshabille sur
un banc, et en petite culotte et soutien-gorge sobres mais assortis, je me
dirige vers l’eau chaude.
Je n’ai pas de maillot de bain, et jusqu'à
present, j’utilise toujours cet ensemble de sous-vetements en synthetique tout
simple en guise de maillot. Je vois que tout le monde me devisage, hommes comme
femmes, et je me dis que ca n’est pas seulement du fait que je sois blanche. Je
comprend en effet tres vite pourquoi : aucune femme n’est en bikini, elles
ont toutes un debardeur et un short en guise de maillot de bain. Choc des
cultures… Bon, et bien la prochaine fois, je mettrai au moins un debardeur, je
serai moins de la repere !
Ce bain chaud me fait du bien en tout cas.
J’etais un peu mal a l’aise dans ce blede de Patacamaya mine de rien, les gens
m’y paraissant un peu froids ; un peu perdue, oui, pour la premiere fois
de ce voyage, je peux le dire.
C’est toute detendue donc que je repars
ensuite prendre le micro pour retourner a Patacamaya. J’attend sur le bord de
la route en compagnie de trois femmes dont une grand-mere, un homme et une
petite fille qui marche tout juste. Ils parlent une de ces langues andines que j’ai
entendues souvent, langues ancestrales, inca, maya, ou autre. Le bus arrive
finalement, un peu plus et je mourrais congelee sur place par ce vent
glacial !
Je crois au soulagement d’un siege bien au
chaud dans le bus… Et bien, il faut que j’arrete de rever : je suis en
Bolivie, le pays de ceux qui sont passes maitres dans l’optimisation des
transports en commun ! On est donc cinq adultes a vouloir monter mais le
bus deborde déjà de jupons et de sacs de pommes de terre ! Les deux premiers
grimpent pourtant. La grand-mere et l’autre femme me font signe de monter
devant elles. Mais, ou je vais me mettre bon sang ?! Je suis sur la
premiere marche du bus et je n’arrive pas a m’enfoncer plus loin. Ca se
bouscule, ca crie. J’arrive a mettre mes orteils sur la seconde marche, je
m’agrippe a la rampe que j’arrive a saisir de justesse au-dessus de ma tete. Le
chauffeur s’impatiente, il demarre. Les passagers lui crient de s’arreter, il
reste encore la grand-mere sur le bord de la route. Ca se bouscule encore, mais
toujours dans la bonne humeur, les gens se serrant tant qu’ils peuvent pour
faire de la place aux nouveaux passagers que nous sommes. Le chauffeur gronde
un dernier mot pour qu’il puisse fermer la porte, et le voila parti, tout le
monde a son bord. Je ne peux pas m’empecher de sourire dans ces bus, c’est un
tel capharnaüm, c’est genial !
Quelques arrets avant Patacamaya, on
descend les sacs de patates, les bonnes-femmes, les momes, le chauffeur
toujours aussi impatient et menacant de
partir avant meme que toute la cargaison humaine soit descendue. Je trouve
finallement de la place pour poser mon tas d’os sur un sac de patates, nez a
nez avec une femme qui porte son bout de chou bonnete dans le dos. Elle doit
voir a ma tete que je ne suis pas habituee a tout ca et commence a plaisanter
avec moi. Elle me retient aussi quand je manque de tomber suite a un coup de
frein appuye du maitre de bord. On arrive a Patacamaya, je la salue et je
descend : Ouf ! Ce petit trajet de dix minutes m’a remise dans
l’entrain et j’ai le sourire aux levres quand je rejoins mon logement. Je pose
mes affaires et vais manger au petit resto d’a cote.
Il fait pas chaud par ici la nuit !
Apres mon repas, je decide donc de rentrer bien au chaud et de me coucher de
bonne heure. Je passe juste par le petit magasin d’en face pour acheter des
cigarettes. Je demande a la marchande qui se trouve dehors si elle a ce qu’il
me faut. Elle me fait signe de la suivre a l’interieur de sa boutique, me donne
ce que je voulais. Je la paye et m’apprete a partir mais elle continue la
conversation, me demande d’où je suis, me sort quelques mots de Français.
Apres une dizaine de minutes a discuter,
elle m’invite a m’asseoir a une table (elle fait cafeteria-cantine aussi). Elle
a l’air tellement gentille que j’ai un doute sur ses bons sentiments et je
m’attend d’une minute a l’autre a ce qu’elle me propose de manger la ou
d’ acheter de l’epicerie ou quoi que ce soit d’autre. On parle, on parle.
Quelques clients rentrent pour manger, pour acheter de la coca. Elle revient
toujours s’asseoir a mes cotes. Tu aimes la coca ? me demande-t-elle. Oui,
j’en ai, c’est tres bon pour l’altitude. La, je pense qu’elle va essayer de
m’en vendre. Non, toujours pas. Elle a ses deux fils, sa fille et son neveu a
ses cotes. Sa sœur est dehors, pres des etalages.
Elle me parlera de son pays, de ses
coutumes et me demandera celles du miens. Surprise quand je lui dis qu’en
France, on peut vivre des annees celibataire sans etre marie, qu’on peut avoir
des enfants et vivre avec son partenaire sans etre marie, qu’on peut se
separer ; etonnee quand je lui dirai que chez moi, c’est normal pour une
femme d’avoir des enfants seulement en fin de vingtaine et jusqu’en debut de
trentaine. Mais alors, vous accouchez toutes par cesarienne ? Me fait-elle.
Bah… non, pourquoi ? Et bien ici, apres vingt-cinq ans, si tu accouches,
c’est systematiquement par cesarienne, c’est moins facile l’accouchement passe
vingt cinq ans. Ah bon… je ne savais pas, lui repond-je stupidement. Chez nous,
on a des medicaments pour faire passer la douleur. Elle me designe ses deux
derniers : cesariennes. Ici, toutes les femmes, toutes, on passe toutes
par la…
Elle me parle du mariage. Dans son pays,
ici, entre treize et quinze ans, tu peux
etre déjà marriee. Ce sont tes parents qui choisissent. Si tu as de la chance,
tu tombes sur « un bon ». Elle, n’en a pas eu de chance me dit-elle.
Les femmes par ici sont souvent malheureuses. Et la separation, c’est
impossible. Si tu te separes de ton mari, c’est comme si tu étais morte. Sa
sœur nous a rejoint. Elle me confirme tout ce que Magda (pour Maria Magdanela)
me dit.
Magda, m’apprendra beaucoup sur son pays,
sur les langues locales, les coutumes, les modes de vie. J’ai joue aussi avec
les enfants le temps qu’elle était dans l’arriere-boutique. Les deux grands
etaient curieux d’apprendre de nouveaux mots de Français ; le petit
Wilfredo se contentait de venir me voir, de me parler, de me faire des
grimaces.
Je suis restee une heure et demi dans
cette boutique chaleureuse. Et Magda n’a jamais tente de me vendre quoi que ce
soit… Il y a des gens comme ca, dont la gentillesse surprend toujours. En
partant, j’ai embrasse les enfants, le petit Wilfredo s’est jete dans mes bras
pour me faire un bisou. Magda m’a demande a quelle heure je partais demain. Je
ne sais pas, quand je me leverai, lui ai-je repondu. Tu passeras me dire au
revoir avant de partir ? Oui, bien sur, je passerai.
Je l’embrasse, elle me dit de gentils
mots, je lui souhaite bonne nuit et traverse la rue pour rejoindre ma chambre.
Voila, je sais maintenant pourquoi je me
suis arretee dans ce blede peu attrayant. Il a fallu que j’attende la fin de la
journee pour le comprendre, mais ca valait la peine : un tres beau moment,
passe en tres bonne compagnie.
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Lilie