Au petit déjeuner, pour concurrencer mes Pom'potes à tartiner sur pain suédois en plastique, Angèle m'a apporté un grand pot de délicieuse compote maison. Concurrence illégale, Materne à ravaler son bouchon et s'en est allée s'habiller de nouveau.
La veille, nous étions restée discuter dans sa cuisine, avec Flipi, jusqu'aux environs de 21h30. Elevée au beurre de baratte et au cidre que vendait la ferme aux mineurs du coin (deux charettes par jour livrées à Huelgoat!), c'était une enfant curieuse, et, je le comprenais en l'écoutant, intelligente.
- J'aime la nature. J'ai toujours aimé la nature. Pis j'aimais l'école aussi. Un jour, j'avais trouvé une souris morte. Je l'avais emmenée dans la forêt derrière Huelgoat; à l'époque, il y avait des grandes fourmilières, un mètre de haut, des fourmis rouges. J'avais déposé la souris sur le haut de la fourmilière. Elles ont tout mangé, tout! Il reste juste le squelette, tout propre, tout blanc. Alors j'ai pu l'emmener à l'école, et on l'a étudié.
Heu... Enfant, j'ai passé des journées entières à jouer dehors, j'ai trouvé des souris mortes moi aussi. Mais je n'ai jamais eu l'idée de les faire nettoyer par les fourmis pour en récupérer un squelette immaculé!
C'était l'heure pour elle et moi, et pour Flipi, d'aller rejoindre nos lits respectifs. Non sans quelques biscuits secs engloutis (des "flipis", peut-être, me suis-je dit) rituel du coucher quotidien pour ce gros compagnon. J'appréhendais d'ailleurs me faire embêter par le gros biscuit dans la nuit, car Angèle m'avait dit qu'elle ne faisait que pousser la porte de la verranda, là où il dormait, pour qu'il puisse sortir pisser quand il en avait envie, car elle ne voulait pas être esclave d'un chien. Angèle est maître de sa vie semble-t-il, dans les moindres détails.
Une chouette m'a souhaité bonne nuit à trois reprises quand j'ai rejoins ma chambre en toile. J'étais bien, tellement bien que l'esprit se faisant emporter par le sommeil, sans bruit, sans vent, au chaud dans mon duvet, je me suis cru, pour de vrai, dans ma chambre. Cette divagation ne fût q'une fausse alerte de sommeil: j'ai peu dormi cette nuit-là. J'ai rêvé au petit matin. A croire que cet hiver, le scénario se répète, et que je n'arrive pas à dormir dans mon hôtel particulier mille étoiles dans lequel j'ai pourtant avant souvent passé des nuits à dormir comme un loir et où même le jour n'arrivait pas à me réveiller... Je me souviens notamment de mon trek autour des volcans d'Auvergne il y a un an et demi: je m'endormais comme un bébé, et me réveillais le lendemain matin sans avoir aperçu la nuit passer. Ce n'est pas grave. J'ai quand même passé une bonne nuit. Et entendu le coq chanter trois fois. Un coq bien élevé, qui ne chante pas la nuit, et qui n'a pas besoin d'en faire des tonnes pour prévenir de l'arrivée d'une nouvelle journée. En fait, quand je l'ai entendu chanter la première fois, après la surprise d'avoir la présence d'un coq dans le hameau, car je n'avais absolument pas décelé la présence d'une basse-cour la veille, après la surprise donc, je me suis intérieurement moqué de lui! Au lieu du "cocoricoooooo!" habituel, lui se cantonnait à un "cocoooooo...." rayé, enroué, comme s'il avait usé et abusé de pastis et de Gitanes.
Et puis, vers 8h, Flipi est venu me dire bonjour, d'un "Wouah!" discret. Je m'attendais à ce qu'il vienne coller sa truffe et son tas de poils sur ma tente, il l'aurait fait valdinguer en deux temps trois mouvements. Mais non, juste un poli "bonjour!" et puis il est retourné voir sa maîtresse. Je les ai rejoints dans la cuisine. Angèle a tenu à me servir un café chaud.
Il était près de 10 heures quand je les ai laissés, elle et Flipi. Mon intuition, une fois encore, m'avait bien menée.
Je prenais maintenant la voiture direction Huelgoat, visiter un peu, l'église tuyautée par Mamina, acheter peut-être quelques provisions, et surtout passer à l'office de tourisme pour trouver une carte ou un topo-guide pour organiser ma journée de rando. Le ciel était gris, mais pas menaçant, et la brume ambiante et quotidienne que m'avait annoncée Angèle n'était point au rendez-vous. Et ce temps me convenait parfaitement!
(...)
Lilie