Dimanche apres-midi, 16h38: un numero au prefixe irreconnaissable apparait sur l’ecran de mon portable. Je ne repond pas aux numeros que je ne connais pas, a l’exception des numeros aux prefixes exotiques, parce qu’un appel de l’autre bout du monde, ca ne s’ignore pas.
- Allo Lilie? C’est Pen...
Pen! ... Pen!... PEN!
- J’ai lu ton mail, il fallait absolument que je t’appelle!
Pen s’est sedentarisee depuis deux ans et demi dans le trou du cul de la patagonie argentine. Pen, c’est une de ces rencontres de voyage comme il y en a peu, de celles avec qui vous cliquez instantanement, profondement, et qui vous suivent a vie.
Nous nous etions rencontrees sur Java, en Indonesie. J’etais a quelques semaines de mon retour en Europe apres un an de vadrouille, elle etait sur le retour vers l’Europe egalement, apres un an de vadrouille en Asie du Sud Est. D’une douzaine d’annees mon ainee, elle baroudait alors depuis deja quinze ans, eternelle troubadour il semblait. On s’etait retrouvee dans la meme guesthouse, et nous avions passe des le premier soir... une nuit blanche a papoter, avions atteri dans un fast food a 5h du mat pour diner, nous etions retrouvee perdues dans les rues et soudainement en pleins preparatifs de la fin du ramadhan une heure plus tard, et avions passe la journee suivante ensemble, puis une nuit supplementaire, et chacune avions repris notre route.
Courte rencontre, mais intense.
Plus d’un an plus tard, elle etait venue me rendre visite a Dublin.
Dans les dix minutes qui suivent nos retrouvailles, elle me parle d’un Suisse italien qu’elle a rencontre la veille de son retour en Europe, a Bangkok, pour qui elle est litteralement tombee. Et qu’elle a revu ensuite, a quelques reprises, tout deux de retour en Europe, et que finalement, ca n’avait pas marche. Sauf que ce Suisse italien, quand elle m’a dit son prenom, et bien... je lui en est fait la description physique tellement que...
- Arrete?! Tu le connais?!
- Euh... on a eu une aventure le soir de la saint Valentin a Ushuaia, et on s’est revu quelques semaines plus tard a Mendoza...
- Non?! Tu deconnes, la!
- Ah non, je deconne pas du tout!
- Hahaha! Mais c’est trop fort!
- Oui, petite planete, Pen! petite planete! je le dis tout le temps!
- C’est dingue! On a rencontre le meme mec, toi a Ushuaia, moi a Bangkok, a quelques mois d’intervale!
Voila, Pen et moi, c’est une de ces rencontres, depuis la premiere seconde.
Quand Pen m’avait annonce sa visite avec deux semaines de preavis, c’etait pour ce motif:
- Je pars en Argentine debut janvier, pour de bon. Alors je tenais a te rendre visite avant de partir.
Amoureuse des Andes elle aussi, la destination ne m’avait guere etonnee. C’etait plutot le cote definitif et posage de valise, qui m’avait intriguee. La voir se sedentariser me paraissait tellement incompatible avec le personnage que je connaissais, que j’etais curieuse de l’entendre me raconter ce nouveau projet de vie. Elle est de celle qui suivent ses instincs, ses sentiments. Alors, amoureuse des Andes, elle partait non tant pour retrouver ce continent auquel elle est visceralement attachee, mais pour rejoindre un homme. Un homme dont elle etait tombee amoureuse quelques annees plus tot, mais avec qui elle n’avait passe en tout et pour tout que quelques jours. Et avec qui, depuis, elle entretenait des echanges de mails reguliers. Ils ne s’etaient rien promis du tout, jamais. Mais lui esperait toujours la voir un jour le rejoindre et de son cote, elle l’avait toujours garde dans un coin de sa tete, de son coeur sans doute aussi, entre deux aventures. Et puis, a son retour d’Asie du Sud Est, le docteur argentin avait refait surface, en lui demandant une nouvelle fois de venir le rejoindre. Et cette fois-ci, elle avait dit oui.
Quand j’ai rencontre Pen, elle avait passe le milieu de trentaine et m’avouait alors qu’elle n’avait jamais eu l’envie, ni le besoin, d’avoir des enfants, jusqu’a tres recemment. Et que cette envie etait arrivee tres subitement, mais de maniere intense, comme si l’horloge biologique c’etait tout a coup reveillee avec un sentiment d’urgence. Et que ca devenait maintenant presque vital, ce besoin d’avoir un enfant. Au point ou elle serait prete a avoir un enfant, seule, s’il le fallait.
Alors plus d’un an apres, l’entendre me dire qu’elle partait maintenant rejoindre cet argentin, qui avait deja un enfant pre-ado d’une relation precedente, et avec qui elle savait qu’elle n’aurait pas de bambin (il avait ete tres clair a ce sujet-la: il n’en voulait pas d’autre), ca me surprenait bien sur.
- Je vais tenter, je verrai bien. Je n’ai rien a perdre. Et pis, la Patagonie, les Andes, tu sais bien...
Je l’avais laissee partir, un doute tres fort en moi, mais lui souhaitant du fond du coeur le bonheur qu’elle meritait.
Depuis deux ans et demi, nos echanges par mail etaient rares, mais toujours existant. Dans les rares mails recus d’elle depuis son depart, a chaque fois la meme chose: “je ne te donne pas souvent de mes nouvelles, mais je pense souvent a toi”. Je n’en doute pas. Je pense tres souvent a elle, bizarrement, comme si nous etions connectees.
Alors il y a seulement deux mois et demi, je lui avais envoye un mail, que je voulais lui envoyer il y a deja un moment, pour lui annoncer un tournant dans ma vie. Mais je ne prenais jamais le temps de le faire, ni le courage. Parce que c’etait important pour moi de lui annoncer cette nouvelle du mieux que je le pouvais.
Et puis il y a deux semaines, 16h38, +54297... sur mon ecran de portable. Pen m’appelle depuis le trou du cul de la Patagonie.
- J’ai eu ton mail...
Apres quelques minutes a tourner autour de mon nombril:
- Et toi, Pen, raconte-moi. Comment vas-tu?
J’avais bien senti a sa voix, que ce n’etait pas rose pour elle. Je le savais deja, je le devinais, des quelques mails qu’elle m’avait envoyes ces deux dernieres annees et demi, le dernier en date de decembre 2010.
- C’est pas facile ici. C’est dur. On est dans une ville petroliere. Moi et le petrol en plus, tu sais... les gens ici, ce sont des gens qui sont la pour le petrol, enfin tu vois, pas mon genre. On n’a pas vraiment d’amis. Heureusement, N. a un couple d’amis medecins de Cordoba ici, on les voit de temps en temps, heureusement qu’on les a, parce qu sinon... Je donne toujours des cours d’anglais a l’institut, ca va, mais bon, je n’y prend pas mon pied non plus. Pis tu sais, je suis une nomade. Me sedentariser ici, ou il n’y a rien, c’est dur. On ne bouge pas souvent, N. est chef de garde a l’hopital, on vient seulement d’acheter une voiture, alors peut-etre maintenant on va pouvoir bouger un peu plus. Il y a qu’un endroit qu’est vraiment tres tres chouette par ici, a trois heures et demi de route, mais on y va tres rarement. Quand je suis venue ici, je pensais aux grands espaces, je pensais que j’allais pouvoir vadrouiller et tout... Tu sais, je suis souvent deprimee ici, je ne me reconnais plus. Bon, du coup, j’ai le temps de lire et d’ecrire, ca m’occupe. Mais c’est deprimant ici, une ville petroliere, les hivers sont durs...
- Ouai je sais. Je veux dire, non je sais pas, mais j’imagine tres bien. Le peu que j’ai vu de la Patagonie argentine, c’est ce que je m’etais dit: que ca devait etre deprimant d’y vivre! Je me souviens meme en avoir bafouille une note sur mon journal de bord de l’epoque! Alors je vois tout a fait ce que tu veux dire... Mais dis-moi, Pen, vous avez des projets? T’as des projets?...
- Des enfants tu veux dire? Non, de ce cote la, non tu sais bien...
- Non, c’est pas ce que je voulais dire... Non, toi je veux dire? Qu’est ce que tu comptes faire? T’as pas l’air tres bien...
- Non, pas de projet, pas vraiment... je vais en France quelques semaines cet hiver, en decembre et janvier, je vais essayer de suivre une formation d’aromatherapie. N. sera en France a la meme epoque, mais a Grenoble, alors on ne sera pas ensemble.
- Je serai en France une dizaine de jours en decembre aussi!
- Ah! Ca me ferait vraiment tres plaisir de te voir! Tu sais, je suis nulle avec internet, pis notre connexion est minable ici, mais je pense souvent a toi. J’essaierai de venir te voir en Decembre!
- Aucun soucis, mon emploi du temps sera charge, mais y aura de la place pour toi, et pour t’heberger une nuit ou deux s’il le faut.
- Ok! Ca m’a fait plaisir de t’entendre Lilie, vraiment tres plaisir! Je dois te laisser maintenant, le compteur defile...
- Merci Pen, pour ton appel, ca m’a fait vraiment tres plaisir! Cuidate muchacha!
J’ai racroche mon telephone, je l’imaginais raccrocher le combine dans son locutorio du trou du cul de la Patagonie argentine. Pendant un court instant, j’etais vraiment contente de l’avoir entendue. M’appeler depuis l’autre bout du monde, faire cet effort, ca m’a vraiment fait plaisir. Et puis rapidement, un gout amer est venu recouvrir cette petit joie dominicale. Pen n’allait pas bien, ca s’entendait, elle le criait presque.
Elle etait partie rejoindre un mec. Elle avait tout laisse en route, par amour. Mais elle s’est perdue en chemin. J’aurai eu envie de la secouer, de lui dire de se reveiller. Qu’un amour qui nous eteint personnellement, ne devrait pas avoir le monopole sur nos vies. Ce n’est plus la nana que j’ai connue. Du moins, si, elle est toujours la, mais eteinte, enfouie, comme etouffee par un choix de vie auquel elle semble vouloir s’accrocher. Pourquoi? Elle n’a jamais ete cette petite fille qui envie les contes de fee et les “et ils vecurent heureux et eurent beaucoup d’enfants”. Ou peut-etre, au plus profond d’elle, l’etait-elle? Non, Pen, c’etait un electron libre. Un electron libre, qui suivait son coeur. Alors pourquoi ce coeur la trahissait-elle aujourd’hui? Elle dit aimer ce mec. Elle doit sans doute l’aimer pour accepter de s’eteindre depuis deux ans et demi dans le trou du cul de la terre des hommes aux grands pieds, dans cette vie qui ne lui correspond pas, qui ne lui convient tellement pas. Cette vie qu’elle s’est choisie, c’est comme essayer de ferrer un cheval avec des pantoufles, ca ne colle pas.
Que puis-je faire? Je me suis sentie triste tout l’apres-midi apres son appel. Un petit cote egoiste me pincait parfois d’un sourire, heureuse tout de meme d’avoir eu de ses nouvelles, et d’avoir entendu sa voix. Mais non, rien y faisait: je la savais, et je la sentais bien seule et triste la-bas a des miliers de kilometres de moi. Mais c’etait son choix apres tout et a son discours, elle etait tres consciente de la situation.
Peut-etre nous verrons-nous cet hiver. Peut-etre je pourrais l’ecouter davantage. Et peut-etre si j’ose, je pourrai lui filer ce coup de pied au cul dont elle semble avoir besoin pour se retrouver. En attendant, il y a un bouquin que je veux lui envoyer, que j’ai lu il y a quelques temps, et dans lequel j’y ai trouve quelques vagues similitudes avec son histoire a elle: l’or de la mine Dundee lui plaira j’en suis sure (meme si contrairement a Pen, l’heroine du bouquin kiffe completement la terre australe qui l’a accueillie). Pour lui envoyer un peu de lecture donc, j’attend bien sur qu’elle me file son adresse postale du trou du cul de l’Agonie argentine.
Resume pour la MS: Un coup de fil recu du trou du cul de la Patagonie argentine
Lilie
- Allo Lilie? C’est Pen...
Pen! ... Pen!... PEN!
- J’ai lu ton mail, il fallait absolument que je t’appelle!
Pen s’est sedentarisee depuis deux ans et demi dans le trou du cul de la patagonie argentine. Pen, c’est une de ces rencontres de voyage comme il y en a peu, de celles avec qui vous cliquez instantanement, profondement, et qui vous suivent a vie.
Nous nous etions rencontrees sur Java, en Indonesie. J’etais a quelques semaines de mon retour en Europe apres un an de vadrouille, elle etait sur le retour vers l’Europe egalement, apres un an de vadrouille en Asie du Sud Est. D’une douzaine d’annees mon ainee, elle baroudait alors depuis deja quinze ans, eternelle troubadour il semblait. On s’etait retrouvee dans la meme guesthouse, et nous avions passe des le premier soir... une nuit blanche a papoter, avions atteri dans un fast food a 5h du mat pour diner, nous etions retrouvee perdues dans les rues et soudainement en pleins preparatifs de la fin du ramadhan une heure plus tard, et avions passe la journee suivante ensemble, puis une nuit supplementaire, et chacune avions repris notre route.
Courte rencontre, mais intense.
Plus d’un an plus tard, elle etait venue me rendre visite a Dublin.
Dans les dix minutes qui suivent nos retrouvailles, elle me parle d’un Suisse italien qu’elle a rencontre la veille de son retour en Europe, a Bangkok, pour qui elle est litteralement tombee. Et qu’elle a revu ensuite, a quelques reprises, tout deux de retour en Europe, et que finalement, ca n’avait pas marche. Sauf que ce Suisse italien, quand elle m’a dit son prenom, et bien... je lui en est fait la description physique tellement que...
- Arrete?! Tu le connais?!
- Euh... on a eu une aventure le soir de la saint Valentin a Ushuaia, et on s’est revu quelques semaines plus tard a Mendoza...
- Non?! Tu deconnes, la!
- Ah non, je deconne pas du tout!
- Hahaha! Mais c’est trop fort!
- Oui, petite planete, Pen! petite planete! je le dis tout le temps!
- C’est dingue! On a rencontre le meme mec, toi a Ushuaia, moi a Bangkok, a quelques mois d’intervale!
Voila, Pen et moi, c’est une de ces rencontres, depuis la premiere seconde.
Quand Pen m’avait annonce sa visite avec deux semaines de preavis, c’etait pour ce motif:
- Je pars en Argentine debut janvier, pour de bon. Alors je tenais a te rendre visite avant de partir.
Amoureuse des Andes elle aussi, la destination ne m’avait guere etonnee. C’etait plutot le cote definitif et posage de valise, qui m’avait intriguee. La voir se sedentariser me paraissait tellement incompatible avec le personnage que je connaissais, que j’etais curieuse de l’entendre me raconter ce nouveau projet de vie. Elle est de celle qui suivent ses instincs, ses sentiments. Alors, amoureuse des Andes, elle partait non tant pour retrouver ce continent auquel elle est visceralement attachee, mais pour rejoindre un homme. Un homme dont elle etait tombee amoureuse quelques annees plus tot, mais avec qui elle n’avait passe en tout et pour tout que quelques jours. Et avec qui, depuis, elle entretenait des echanges de mails reguliers. Ils ne s’etaient rien promis du tout, jamais. Mais lui esperait toujours la voir un jour le rejoindre et de son cote, elle l’avait toujours garde dans un coin de sa tete, de son coeur sans doute aussi, entre deux aventures. Et puis, a son retour d’Asie du Sud Est, le docteur argentin avait refait surface, en lui demandant une nouvelle fois de venir le rejoindre. Et cette fois-ci, elle avait dit oui.
Quand j’ai rencontre Pen, elle avait passe le milieu de trentaine et m’avouait alors qu’elle n’avait jamais eu l’envie, ni le besoin, d’avoir des enfants, jusqu’a tres recemment. Et que cette envie etait arrivee tres subitement, mais de maniere intense, comme si l’horloge biologique c’etait tout a coup reveillee avec un sentiment d’urgence. Et que ca devenait maintenant presque vital, ce besoin d’avoir un enfant. Au point ou elle serait prete a avoir un enfant, seule, s’il le fallait.
Alors plus d’un an apres, l’entendre me dire qu’elle partait maintenant rejoindre cet argentin, qui avait deja un enfant pre-ado d’une relation precedente, et avec qui elle savait qu’elle n’aurait pas de bambin (il avait ete tres clair a ce sujet-la: il n’en voulait pas d’autre), ca me surprenait bien sur.
- Je vais tenter, je verrai bien. Je n’ai rien a perdre. Et pis, la Patagonie, les Andes, tu sais bien...
Je l’avais laissee partir, un doute tres fort en moi, mais lui souhaitant du fond du coeur le bonheur qu’elle meritait.
Depuis deux ans et demi, nos echanges par mail etaient rares, mais toujours existant. Dans les rares mails recus d’elle depuis son depart, a chaque fois la meme chose: “je ne te donne pas souvent de mes nouvelles, mais je pense souvent a toi”. Je n’en doute pas. Je pense tres souvent a elle, bizarrement, comme si nous etions connectees.
Alors il y a seulement deux mois et demi, je lui avais envoye un mail, que je voulais lui envoyer il y a deja un moment, pour lui annoncer un tournant dans ma vie. Mais je ne prenais jamais le temps de le faire, ni le courage. Parce que c’etait important pour moi de lui annoncer cette nouvelle du mieux que je le pouvais.
Et puis il y a deux semaines, 16h38, +54297... sur mon ecran de portable. Pen m’appelle depuis le trou du cul de la Patagonie.
- J’ai eu ton mail...
Apres quelques minutes a tourner autour de mon nombril:
- Et toi, Pen, raconte-moi. Comment vas-tu?
J’avais bien senti a sa voix, que ce n’etait pas rose pour elle. Je le savais deja, je le devinais, des quelques mails qu’elle m’avait envoyes ces deux dernieres annees et demi, le dernier en date de decembre 2010.
- C’est pas facile ici. C’est dur. On est dans une ville petroliere. Moi et le petrol en plus, tu sais... les gens ici, ce sont des gens qui sont la pour le petrol, enfin tu vois, pas mon genre. On n’a pas vraiment d’amis. Heureusement, N. a un couple d’amis medecins de Cordoba ici, on les voit de temps en temps, heureusement qu’on les a, parce qu sinon... Je donne toujours des cours d’anglais a l’institut, ca va, mais bon, je n’y prend pas mon pied non plus. Pis tu sais, je suis une nomade. Me sedentariser ici, ou il n’y a rien, c’est dur. On ne bouge pas souvent, N. est chef de garde a l’hopital, on vient seulement d’acheter une voiture, alors peut-etre maintenant on va pouvoir bouger un peu plus. Il y a qu’un endroit qu’est vraiment tres tres chouette par ici, a trois heures et demi de route, mais on y va tres rarement. Quand je suis venue ici, je pensais aux grands espaces, je pensais que j’allais pouvoir vadrouiller et tout... Tu sais, je suis souvent deprimee ici, je ne me reconnais plus. Bon, du coup, j’ai le temps de lire et d’ecrire, ca m’occupe. Mais c’est deprimant ici, une ville petroliere, les hivers sont durs...
- Ouai je sais. Je veux dire, non je sais pas, mais j’imagine tres bien. Le peu que j’ai vu de la Patagonie argentine, c’est ce que je m’etais dit: que ca devait etre deprimant d’y vivre! Je me souviens meme en avoir bafouille une note sur mon journal de bord de l’epoque! Alors je vois tout a fait ce que tu veux dire... Mais dis-moi, Pen, vous avez des projets? T’as des projets?...
- Des enfants tu veux dire? Non, de ce cote la, non tu sais bien...
- Non, c’est pas ce que je voulais dire... Non, toi je veux dire? Qu’est ce que tu comptes faire? T’as pas l’air tres bien...
- Non, pas de projet, pas vraiment... je vais en France quelques semaines cet hiver, en decembre et janvier, je vais essayer de suivre une formation d’aromatherapie. N. sera en France a la meme epoque, mais a Grenoble, alors on ne sera pas ensemble.
- Je serai en France une dizaine de jours en decembre aussi!
- Ah! Ca me ferait vraiment tres plaisir de te voir! Tu sais, je suis nulle avec internet, pis notre connexion est minable ici, mais je pense souvent a toi. J’essaierai de venir te voir en Decembre!
- Aucun soucis, mon emploi du temps sera charge, mais y aura de la place pour toi, et pour t’heberger une nuit ou deux s’il le faut.
- Ok! Ca m’a fait plaisir de t’entendre Lilie, vraiment tres plaisir! Je dois te laisser maintenant, le compteur defile...
- Merci Pen, pour ton appel, ca m’a fait vraiment tres plaisir! Cuidate muchacha!
J’ai racroche mon telephone, je l’imaginais raccrocher le combine dans son locutorio du trou du cul de la Patagonie argentine. Pendant un court instant, j’etais vraiment contente de l’avoir entendue. M’appeler depuis l’autre bout du monde, faire cet effort, ca m’a vraiment fait plaisir. Et puis rapidement, un gout amer est venu recouvrir cette petit joie dominicale. Pen n’allait pas bien, ca s’entendait, elle le criait presque.
Elle etait partie rejoindre un mec. Elle avait tout laisse en route, par amour. Mais elle s’est perdue en chemin. J’aurai eu envie de la secouer, de lui dire de se reveiller. Qu’un amour qui nous eteint personnellement, ne devrait pas avoir le monopole sur nos vies. Ce n’est plus la nana que j’ai connue. Du moins, si, elle est toujours la, mais eteinte, enfouie, comme etouffee par un choix de vie auquel elle semble vouloir s’accrocher. Pourquoi? Elle n’a jamais ete cette petite fille qui envie les contes de fee et les “et ils vecurent heureux et eurent beaucoup d’enfants”. Ou peut-etre, au plus profond d’elle, l’etait-elle? Non, Pen, c’etait un electron libre. Un electron libre, qui suivait son coeur. Alors pourquoi ce coeur la trahissait-elle aujourd’hui? Elle dit aimer ce mec. Elle doit sans doute l’aimer pour accepter de s’eteindre depuis deux ans et demi dans le trou du cul de la terre des hommes aux grands pieds, dans cette vie qui ne lui correspond pas, qui ne lui convient tellement pas. Cette vie qu’elle s’est choisie, c’est comme essayer de ferrer un cheval avec des pantoufles, ca ne colle pas.
Que puis-je faire? Je me suis sentie triste tout l’apres-midi apres son appel. Un petit cote egoiste me pincait parfois d’un sourire, heureuse tout de meme d’avoir eu de ses nouvelles, et d’avoir entendu sa voix. Mais non, rien y faisait: je la savais, et je la sentais bien seule et triste la-bas a des miliers de kilometres de moi. Mais c’etait son choix apres tout et a son discours, elle etait tres consciente de la situation.
Peut-etre nous verrons-nous cet hiver. Peut-etre je pourrais l’ecouter davantage. Et peut-etre si j’ose, je pourrai lui filer ce coup de pied au cul dont elle semble avoir besoin pour se retrouver. En attendant, il y a un bouquin que je veux lui envoyer, que j’ai lu il y a quelques temps, et dans lequel j’y ai trouve quelques vagues similitudes avec son histoire a elle: l’or de la mine Dundee lui plaira j’en suis sure (meme si contrairement a Pen, l’heroine du bouquin kiffe completement la terre australe qui l’a accueillie). Pour lui envoyer un peu de lecture donc, j’attend bien sur qu’elle me file son adresse postale du trou du cul de l’Agonie argentine.
Resume pour la MS: Un coup de fil recu du trou du cul de la Patagonie argentine
Lilie
Dernière édition par Lilie le Mar 12 Juil - 3:13, édité 1 fois (Raison : l'eleve ne relit pas sa copie)