Le Village du Peuple Etrange Voyageur

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    Un casque dans la soupière, et autres chinoiseries

    geob
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    Un casque dans la soupière, et autres chinoiseries Empty Un casque dans la soupière, et autres chinoiseries

    Message par geob Mar 16 Nov - 10:48

    UN CASQUE DANS LA SOUPIERE

    Je ne me souviens plus du nom de la ville, mais je peux affirmer que c'était sur l'île d'Hainan. En fait, cela ne pouvait être qu'en Chine, ailleurs Brigitte Bardot nous aurait poursuivi, clopin, clopan, en brandissant sa béquille et en nous insultant avec sa douce voix de poissarde endiablée. Avec le recul, nous nous sommes souvent dit qu'on aurait peut être pu s'abstenir, et que Brigitte Bardot n'aurait eu alors aucune raison de nous maudire. Oui, nous n'aurions pas du nous en prendre à cette pauvre tortue.

    Au cours d'un voyage de six semaines en Chine, avec un ami, j'ai visité l'île d'Hainan pendant dix jours. Et tous les soirs, comme sur le continent, nous nous sommes mis en quête d'un restaurant apte à surprendre nos papilles. Ainsi, dans cette ville dont je ne me souviens plus du nom, nous fûmes intrigués par une caisse disposée à l'entrée d'un restaurant : elle contenait des tortues...vivantes. Bon, nous avions l'habitude de voir des animaux provisoirement en vie à l'entrée des restaurants, et il nous était même arrivé de choisir une volaille, mais là... Bien que n'ayant jamais eu une petite tortue dans ma chambre d'enfant, ni piqué des feuilles de salade pour la nourrir, je restais dubitatif devant ces bestioles qui ne me semblaient guère appétissantes. On essaie? me proposa l'ami. Sur ce, le patron nous aborda, et nous lui expliquâmes que nous voulions goûter ce symbole de longévité. Lorsque nous lui demandâmes le prix, il s'empara de la tortue - d'une bonne taille - que nous lui avions désignée et la pesa avant de nous indiquer une somme qui nous agréa, malgré tout.

    Le patron nous invita à entrer, et nous nous installâmes. Peu après, nous entendîmes du bruit provenant de la cuisine. Nous avions l'impression qu'ils étaient en train de réparer quelque chose. Oh bon sang ! Ces coups de marteau ! Non ! Nous réalisâmes que la tortue passait de vie à trépas. Et ça durait, et ça durait, même qu'on entendait la musique stridente d'une scie, oh la pauvre petite bête !
    - On a envoyé à la mort une bête qui ne demandait qu'à vivre ! dis-je
    - Bah, après tout, les chinois sont réputés " pour manger tout ce qui vole, sauf les avions, et tout ce qui a quatre pattes...excepté les bancs !"

    Ce dicton bien connu nous évita de sombrer dans l'anthropomorphisme. Mais, tout de même, c'était bien long, et ce vacarme dans la cuisine ne laissait pas de nous inquieter.

    Une vingtaine de minutes plus tard, le patron et un employé déposèrent le premier plat sur notre table. Je n'ai pas souvenir d'avoir calé sur cette viande excellement cuisinée. Tandis que nous dînions, l'employé revint avec une grande soupière. Lorsqu'il la posa à côté de nous, quelque chose cogna à l'intérieur. Voyons si la soupe à la tortue est bonne, dit l'ami. Il souleva le couvercle...horreur ! il y avait la carapace dans la soupière !
    - On dirait un casque allemand ! m'exclamai-je.
    - Tu veux goûter?
    L'ami s'empara de la louche, remua la soupe, mais cette preuve de la mort de la tortue me coupa l'envie. Et puis l'aspect du liquide n'incitait pas à tendre son assiette.

    Lorsque nous quittâmes le restaurant, nous fîmes le serment de ne jamais plus attenter à la vie d'une tortue.



    Un voyage culinaire

    La cuisine chinoise est une des meilleures du monde. Lu Wenfu, dans son remarquable et délicieux roman " Vie et passion d'un gastronome Chinois ", signale avec fair-play qu'elle est aussi admirable que la française

    Pour expérimenter la qualité, l'inventivité, l'authenticité de la cuisine chinoise, il faut se rendre en Chine. A Paris, si on se contente des restaurants de Belleville ou du XIII ième arrondissement, on ne fera que l'effleurer, et encore ! ou alors mettre le prix ! ( essayez " Vong ", dans le quartier des Halles...un bonheur !).

    Je me souviens d'un repas dans un grand hôtel de Kumming, capitale du Yunnan. Le plat principal fut un poulet au jambon du Yunnan. Ma première réaction fut de demander à l'ami s'il avait son appareil photographique à portée de main car c'était d'abord un régal pour les yeux. Oui, le premier plaisir, dans la cuisine chinoise, c'est le plaisir des yeux. Et nous l'avons constaté jusqu'aux restaurants les moins huppés.

    Le marché de Canton est un voyage en soi, et il illustre bien le dicton chinois cité plus haut. Nous avons vu toutes sortes d'animaux en vente, quelquefois nous avions du mal à leur donner un nom, et beaucoup de mal aussi pour éviter, une nouvelle fois, de tomber dans l'anthropomorphisme. Ainsi, nous avons vu, dans une cage, un petit mammifère qui ressemblait à un raton laveur. Un type s'informa du prix, parut marchander, puis s'accorda avec le vendeur. Ils eurent d'énormes difficultés ensuite à le sortir de sa cage pour le jeter dans un sac de jute. La bête terrorisée urina, montra ses dents, sortit ses griffes. Au bout d'une minute l'affaire était pliée, et le raton laveur? s'en alla vers sa destinée culinaire. Au marché de Canton, les chiens étaient bien entendu présents, mais il ne faut pas s'imaginer des chihuahuas, des caniches, ou des yorkshires, non, ce sont des chiens de taille moyenne dont nous n'avons jamais vu leur gueule puisqu'ils reposaient déjà cuits sur les étals, la peau caramélisée, laquée - et sans tête. Une vision obscène ! Et nous avons aussi vu des chats en cage...bon appétit ! Après tout, les produis frais sont la base d'une bonne cuisine !



    A Canton, nous nous sommes rendus dans un fameux restaurant de serpents, ouvert depuis 1860(?) A l'entrée, de grands vivariums dans lesquels une multitude de serpents se rampaient les uns sur les autres. Il y en avait de toutes les tailles ! Encore une fois, nous étions assurés de la fraîcheur des produits ! Nous montâmes à l'étage, et, une fois assis, on nous remit un menu en anglais - ce qui prouve la réputation du lieu. A notre grande stupéfaction, la carte offrait le choix entre 120 façons d'accommoder les reptiles ! Le seul souvenir qu'il me reste de cette expérience, c'est l'incomparable finesse de la chair.

    Sur le Mont Emei, nous avons dormi dans les monastères. Nous attendions donc le bon vouloir du moine cuisinier quant à la nature du plat : il fallait manger comme tout le monde ; en général, c'était une soupe. Si on n'aime pas la soupe, il faut éviter de voyager en Asie. La soupe chinoise, qui se décline de différentes manières, fut toujours un régal pour moi. A Kumming, je me souviens qu'un soir, dans la rue et le froid, assis sur un tabouret presque à ras du sol, je me régalai tant que je repris un deuxième bol : une soupe avec des gros raviolis fait main ! L'après midi de cette journée là, nous étions passés dans une rue où l'on vit des gens les préparer un par un, minitieusement. Restons à Kumming. Quand nous sommes arrivés nous avons échangé quelques mots avec un voyageur allemand qui en repartait et qui nous conseillait de ne pas y séjourner. Ville pas très interessante, une allure occidentale avec ses avenues bordées d'immeubles modernes, nous assura-t-il. Ce n'est pas par esprit de contradiction que nous sommes restés trois ou quatre jours, mais simplement parce nous ne sommes pas contentés d'arpenter les grands axes. Oui, il suffisait de faire un pas de côté pour être vraiment dans une Chine immuable avec ses maisons de thé et ses restaurants qui nous enchantèrent.

    Je me demande si ce n'est pas dans la ville de Guillin où nous sommes sortis en quatrième vitesse d'un restaurant. La patronne nous avait apporté le menu...en chinois. Nous lui fîmes comprendre qu'on voulait voir la cuisine et choisir quelque chose ( bien entendu, elle ne parlait pas anglais, comme se fut le cas la plupart du temps avec les restaurateurs, mais je précise que nous avons toujours eu affaire à des gens aimables ). Au milieu de la cuisine, il y avait une immense table, ou plutôt un châlit recouvert de verdure, sur laquelle étaient disposés tous les produits nécessaires pour la composition des plats. Près des légumes, deux cadavres. Deux cadavres de chiens, exactement comme ceux qu'on avait vu sur le marché de Canton. Oh nom de nom ! Nous avons blêmi, et, stupidement, nous nous sommes carapatés en disant chiéchié, merci en chinois, mais je crois surtout que la dame a du se perdre en conjectures sur l'attitude bizarre de certains touristes occidentaux.

    Pourtant, nous avons fini par manger du chien...sans le vouloir. C'était sur un bateau qui descendait la rivière de Wencheng (?) à Canton. Le matin, pour le petit déjeuner, un tour à la cafétéria - n'imaginez pas un paquebot ! Bon, on s'installe, un gars vient nous voir, on lui fait comprendre qu'on veut manger, le gars semble embêté, on insiste, et, quelques minutes plus tard, il nous apporte nos deux plats. De la viande, des légumes, cuisiné en sauce. C'est excellent ! Mais la texture de la viande nous intrigue, c'est quoi? Du poulet, non, du lapin, non plus, en tout cas pas du serpent ni du boeuf... des Chinois nous regardent manger en souriant. Là, pas besoin de nous faire un dessin : nous étions en train de manger du chien ! Franchement, nous avons fini nos plats sans états d'âme. La viande de chien est une viande roborative, recommandée durant la saison froide. Après tout, seriez vous capable de manger un steak après avoir vu la vache mourir dans un abattoir?

    Ce n'est qu'en arrivant à Chengdu, capitale du Sichuan, l'état le plus peuplé de la Chine, qu'on s'est dit : enfin, nous sommes en Chine ! La foule ! Ces peletons de cyclistes ! D'ailleurs, je suis sûr que le nombre de cyclistes a dû se réduire depuis lors, ainsi que la partie de la chaussée qui leur était réservée. J'évoque Chengdu parce qu'il y a une image qui vient de surgir de ma mémoire. Le soir, dans un restaurant. Non loin de nous, une table ronde où une demi-douzaine de Chinois semblait se régaler d'un plantureux repas. Entre les plats, un se levait et criait, en brandissant son verre d'alcool : kampaï !. Quant à nous, après avoir passé commande, nous patientâmes quelques minutes, puis on nous apporta tous nos plats en un seul service. Mais ce ne fut pas terminé pour autant. Je vis arriver une serveuse, derrière l'ami,
    muni d'un énorme bambou qu'elle tenait comme un baton.
    - Fais gaffe, dis-je. Elle va te frapper ma parole !
    - Hein? Quoi?
    La serveuse s'empara d'un plat oblong, vide. Elle enleva un bouchon qui fermait le bambou et versa des champignons fumants et odorants. Ils avaient cuit à l'intérieur, et ils étaient fort goûteux !

    Non content de me souvenir de la gentillesse des Chinois, je pense toujours à leur merveilleuse cuisine. Nous avons découvert que l'acte de manger sollicite, interpelle tous les sens ; même les matins, durant les petits-déjeuners, en ne se nourrissant que de mets simples comme les petits pains farcis, cuits à la vapeur.

    Bon, il est temps que j'aille faire mes courses chez les frères Tang ! Je me suis ouvert l'appétit !


    ps : j'oublie quelque chose ! Je n'ai jamais vu ni mangé du riz cantonnais en Chine !


















    Dernière édition par geob le Jeu 18 Nov - 16:00, édité 1 fois
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    Un casque dans la soupière, et autres chinoiseries Empty Re: Un casque dans la soupière, et autres chinoiseries

    Message par Wapiti Mar 16 Nov - 10:54

    geob a écrit:Bon, il est temps que j'aille faire mes courses chez les frères Tang ! Je me suis ouvert l'appétit !
    Heu... pas avec l'épisode de la tortue, en tout cas ! beurk !

    Geob a écrit:ps : j'oublie quelque chose ! Je n'ai jamais vu ni manger du riz cantonnais en Chine !
    Moi non plus ! rire
    Ni rien d'autre de tout ce que l'on trouve et sert dans les restos chinois français ! (enfin, rien de comparable en terme de gras, de goût...)


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    Un casque dans la soupière, et autres chinoiseries Empty Re: Un casque dans la soupière, et autres chinoiseries

    Message par Dolma Mar 16 Nov - 14:04

    Je ne sais pas de qui tu parles en évoquant la cuisine chinoise qui interpelle tous les sens mais lorsque je vois manger -je veux dire se baffrer- les Chinois ça m'évoque plus un estomac qui ne demande qu'à se remplir tout bêtement plutôt que la mise en éveil des sens !

    Je ne suis jamais allée en Chine (et ce n'est pas du tout prévu au programme) alors je vais supposer que c'est dans leur pays que les Chinois font honneur à leur cuisine Un casque dans la soupière, et autres chinoiseries 369600 ?

    En tous cas, je me suis bien amusée et bien documentée à te lire ! Merci M'sieur Un casque dans la soupière, et autres chinoiseries 172644

    Dolma

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