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mamina
Dolma
geob
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Matinales de Mamallapuram
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
- Message n°26
Re: Matinales de Mamallapuram
Toujours un plaisir de lire tes matinales, Geob.
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
geob
- Message n°27
Re: Matinales de Mamallapuram
Si j'ai mis la photo des deux soeurs de l'autre côté, et les autres, faut pas croire que je ne veux pas les mettre au village, c'est tout simplement parce que je ne sais pas !
Dolma- Localisation : Je m'balade sur les chemins...
- Message n°28
Re: Matinales de Mamallapuram
Et voilà les 2 soeurs
Dolma
geob
- Message n°29
Re: Matinales de Mamallapuram
LA JEUNE FILLE QUI PARLAIT BEAUCOUP
J'ai souvent pris la route de Thirukalikundram à bicyclette, sous une chaleur accablante, pour aller voir tout d'abord Eagle Temple aux prêtres âpres aux gains, agaçants comme des moustiques, puis surtout pour me balader sur des pistes dans la campagne.
Au bout de quelques kilomètres, il faut tourner à gauche dans un bourg, je dirais presque un no man's land, où se trouve une grande baraque où l'on peut acheter des cigarettes, et autres bricoles, boire du thé, et puis discuter parce que c'est certainement un point de réunion, un lieu pour échanger des nouvelles, cancaner. La famille Indienne qui tient boutique vit derrière, et laisse, la plupart du temps, leur jeune fille s'occuper de la vente. Quel âge pouvait-elle avoir ? Entre 15 et 18 ans ? En tout cas, elle m'a étonné par son bagou, son assurance devant des hommes en tenue traditionnelle. Elle entretenait la conversation avec sa tchatche phénoménale qui semblait intéresser les clients, même les vieux qui restaient assis sur le banc, juste sous l'auvent.
Une fois, j'ai bu mon thé à l'intérieur, je me suis assis sur l'autre banc où deux jeunes gars, en jeans, la regardaient avec avidité. A l'un d'entre eux, qui parlait anglais, je lui ai demandé s'il aimerait bien se marier avec elle. Bien sûr que oui, avec ce ratio hommes/femmes dangereux pour l'Inde, il ne faut pas faire le difficile ! Mais bon sang, qu'est-ce qu'ils avaient l'air nunuches à côté de l'assurance de la jeune fille !
Un matin, je me suis arrêté et je l'ai photographiée sans qu'elle ne s'en rende compte.
Alors, je me suis dis que j'allais lui faire le "coup" des deux sœurs. A mon nouveau passage, je lui ai tendu une photographie où elle se découvrit, stupéfaite. Elle a appelé ses parents. Le père s'empara du cliché, des clients vinrent y jeter un coup d’œil par dessus ses épaules, la mère fit son apparition... quelle ambiance ! Le père déposa le portrait de sa fille sur une sorte de buffet. J'ai bu mon thé, et bien sûr, avant de partir, j'ai voulu payer, mais le père m'a fait comprendre que c'était offert par la maison.
A mon dernier passage, la photographie était toujours là.
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
- Message n°30
Re: Matinales de Mamallapuram
Hmmm, une matinale comme un flocon de neige étincelant sur le blanc tapis déjà constitué... Merci Geob.
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Dolma- Localisation : Je m'balade sur les chemins...
- Message n°31
Re: Matinales de Mamallapuram
Des petits bouts de vie comme j'aime lire...
J'en veux encore que veux-tu, je suis gourmande
Dolma
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Dolma
Dolma- Localisation : Je m'balade sur les chemins...
- Message n°32
Re: Matinales de Mamallapuram
Voici la jeune fille qui parlait, qui parlait...
Dolma
geob
- Message n°33
Re: Matinales de Mamallapuram
NE RIEN DONNER.
Ce matin là, je revins à la maison bleue avec mon linge sale sous le bras : la laundry était fermée ! Une femme enceinte surgit de son gourbi avec sa petite fille à ses basques, et elle s'avança vers moi pour me proposer de laver mes affaires. Comme je venais du chemin de la poste, et que j'évitais ainsi mes plus proches voisins du quartier des pêcheurs, j'acceptai en me disant qu'elle avait sans doute besoin de quelques roupies supplémentaires pour son quotidien. Un moment de faiblesse. En fin d'après midi, elle m'apporta mon linge sous les yeux des habitants des maisons jaunes proches de chez moi. A peine partie, je reçus la visite de la dame qui habitait en face, celle que j'entendais le matin de bonne heure faire sa lessive : elle mettait sur une pierre plate le linge juste mouillé, puis elle savonnait et brossait longuement ; de temps en temps, elle remettait un peu d'eau avec sa main, rebrossait avec vigueur, puis elle prenait la pièce de tissu et la frappait contre la pierre : clap ! clap ! Ainsi, au mois de novembre, alors que la saison des pluies n'était pas terminée, dès que je l'entendais frapper son linge contre la pierre, je me disais qu'il allait faire beau toute la journée. Mais elle ne vint pas me voir pour me parler de sa technique, elle venait me dire qu'elle se proposait pour laver mon linge. J'étais bien ennuyé, je lui expliquai tant bien que mal que j'avais l'habitude de me rendre à la laundry, et que c'était la seule fois que je donnais mon linge ailleurs.
Elle ne fut pas la seule à entrer dans la maison bleue, il y a eu l'autre, le plus pauvre du quartier.
Je ne comprenais pas pourquoi il vivait avec sa famille dans cette hutte, dans laquelle on ne pouvait se tenir debout, alors qu'il y avait des maisons inoccupées dans la ruelle parallèle à celle où j'habitais. Ils vivaient au raz du sol, ils mangeaient à l'extérieur, devant l'entrée, il ne fallait donc pas mettre les pieds dans leurs plats. Une fois, il m'avait même invité à partager leur frugal repas, mais je lui ai fait comprendre que j'étais malade. Il n'a plus renouvelé son invitation.
C'était vraiment bizarre, incongru, cet espèce d'igloo au milieu de ces maisons post-tsunami.
Je me souviens, comme si c'était hier, de cette fin d'après midi où on a frappé à la porte de ma chambre. Cela faisait une semaine que je m'étais installé dans la maison bleue, et j'ai tout de suite pensé à une éventuelle visite de mr Brooks. Lorsque j'ai ouvert la porte, je suis resté bouche bée, puis j'ai commencé à me sentir mal à l'aise : l'homme de la hutte, avec son plus jeune enfant dans ses bras, tous les deux habillés de vêtements d'un blanc éclatant, les cheveux mouillés et bien peignés, s'est tout de suite lancé dans un laïus où il fut question d'un pèlerinage à l'Eagle Temple mais, pour cela, quelques roupies seraient les bien venues pour lui permettre d'y emmener toute sa famille. J'ai refusé de lui donner la moindre roupie, sans hésitation, sans chercher d'excuses - et puis ces brahmanes de l'Eagle Temple me sortaient par les yeux ! Quand il est parti, le malaise a persisté : bon sang ! il avait osé entrer dans la maison bleue et venir frapper à ma porte ! J'habitais dans un moulin, où quoi ?
Pendant la journée, même quand je fus seul locataire, j'ai toujours laissé le portail d'entrée ouvert, et je ne le fermais que le soir.
L'homme de la hutte tenta à son tour de me proposer que sa femme lavât mon linge, je lui répondis juste d'un signe de tête, et il sortit rapidement de la maison bleue.
Maadadayo !
Ce matin là, je revins à la maison bleue avec mon linge sale sous le bras : la laundry était fermée ! Une femme enceinte surgit de son gourbi avec sa petite fille à ses basques, et elle s'avança vers moi pour me proposer de laver mes affaires. Comme je venais du chemin de la poste, et que j'évitais ainsi mes plus proches voisins du quartier des pêcheurs, j'acceptai en me disant qu'elle avait sans doute besoin de quelques roupies supplémentaires pour son quotidien. Un moment de faiblesse. En fin d'après midi, elle m'apporta mon linge sous les yeux des habitants des maisons jaunes proches de chez moi. A peine partie, je reçus la visite de la dame qui habitait en face, celle que j'entendais le matin de bonne heure faire sa lessive : elle mettait sur une pierre plate le linge juste mouillé, puis elle savonnait et brossait longuement ; de temps en temps, elle remettait un peu d'eau avec sa main, rebrossait avec vigueur, puis elle prenait la pièce de tissu et la frappait contre la pierre : clap ! clap ! Ainsi, au mois de novembre, alors que la saison des pluies n'était pas terminée, dès que je l'entendais frapper son linge contre la pierre, je me disais qu'il allait faire beau toute la journée. Mais elle ne vint pas me voir pour me parler de sa technique, elle venait me dire qu'elle se proposait pour laver mon linge. J'étais bien ennuyé, je lui expliquai tant bien que mal que j'avais l'habitude de me rendre à la laundry, et que c'était la seule fois que je donnais mon linge ailleurs.
Elle ne fut pas la seule à entrer dans la maison bleue, il y a eu l'autre, le plus pauvre du quartier.
Je ne comprenais pas pourquoi il vivait avec sa famille dans cette hutte, dans laquelle on ne pouvait se tenir debout, alors qu'il y avait des maisons inoccupées dans la ruelle parallèle à celle où j'habitais. Ils vivaient au raz du sol, ils mangeaient à l'extérieur, devant l'entrée, il ne fallait donc pas mettre les pieds dans leurs plats. Une fois, il m'avait même invité à partager leur frugal repas, mais je lui ai fait comprendre que j'étais malade. Il n'a plus renouvelé son invitation.
C'était vraiment bizarre, incongru, cet espèce d'igloo au milieu de ces maisons post-tsunami.
Je me souviens, comme si c'était hier, de cette fin d'après midi où on a frappé à la porte de ma chambre. Cela faisait une semaine que je m'étais installé dans la maison bleue, et j'ai tout de suite pensé à une éventuelle visite de mr Brooks. Lorsque j'ai ouvert la porte, je suis resté bouche bée, puis j'ai commencé à me sentir mal à l'aise : l'homme de la hutte, avec son plus jeune enfant dans ses bras, tous les deux habillés de vêtements d'un blanc éclatant, les cheveux mouillés et bien peignés, s'est tout de suite lancé dans un laïus où il fut question d'un pèlerinage à l'Eagle Temple mais, pour cela, quelques roupies seraient les bien venues pour lui permettre d'y emmener toute sa famille. J'ai refusé de lui donner la moindre roupie, sans hésitation, sans chercher d'excuses - et puis ces brahmanes de l'Eagle Temple me sortaient par les yeux ! Quand il est parti, le malaise a persisté : bon sang ! il avait osé entrer dans la maison bleue et venir frapper à ma porte ! J'habitais dans un moulin, où quoi ?
Pendant la journée, même quand je fus seul locataire, j'ai toujours laissé le portail d'entrée ouvert, et je ne le fermais que le soir.
L'homme de la hutte tenta à son tour de me proposer que sa femme lavât mon linge, je lui répondis juste d'un signe de tête, et il sortit rapidement de la maison bleue.
Maadadayo !
Dolma- Localisation : Je m'balade sur les chemins...
- Message n°34
Re: Matinales de Mamallapuram
C'est vraiment différent de tout ce que l'on peut lire habituellement sur l'Inde ! Et ça, je dois dire que ça me plait bien !
La toute petite réflexion qui m'a fait éclater de rire : "un moment de faiblesse"... C'est tout toi ça
Plus je te lis et plus je me demande comment on peut se plaire dans ce pays
Dolma
La toute petite réflexion qui m'a fait éclater de rire : "un moment de faiblesse"... C'est tout toi ça
Plus je te lis et plus je me demande comment on peut se plaire dans ce pays
Dolma
geob
- Message n°35
Re: Matinales de Mamallapuram
POULET BIRYANI
Ce petit hôtel indien, situé aux abords du quartier des pêcheurs, a un restaurant qui attire du monde vers les midi. Alors j'ai fini par m'y rendre. Tiens, ce jour-là il y avait deux touristes - parce qu'à cette époque l'endroit était signalé dans un guide, il me semble. Lorsque je suis entré dans la salle, un homme ceint d'un tissu blanc autour de la taille, enfumait tout le restaurant avec son encensoir ; le patron, bien gras, a ouvert le tiroir de son bureau et a remis de l'argent à l'enfumeur, assez rapidement d'ailleurs, comme pour s'éviter une deuxième passage : il y avait suffisamment de fumée comme ça !
Les quelques tables étaient bien garnies, le service ultra rapide. Le plus stupéfiant, c'était le serveur qui passait son seau métallique rempli de sauce qu'il distribuait à la louche. Il ne me reste aucun souvenir de ce que j'avais mangé ce jour là, mais j'avais apprécié puisque j'y suis retourné un soir, et c'est ainsi que j'ai mangé un poulet biryani inoubliable.
D'emblée, la salle éclairée par un néon m'a paru lugubre, glauque ; à ma grande surprise, les quelques tables étaient toutes occupées, alors on m'a dit de passer dans l'autre salle, pas plus grande, mais il y avait trois longues tables avec un banc de même longueur de chaque côté, à chacune d'entre elles. J'avais constaté que tout le monde avait une feuille de bananier posée devant lui, avec dessus du riz, un morceau de poulet, un oeuf dur, de la sauce ; bon, me suis-je dis, il doit n'y voir qu'un seul plat le soir.
Je me suis installé au bout d'un banc déjà bien occupé par cinq, six hommes, car il n'y avait dans cette salle que des hommes - du moins dans le souvenir que je garde - au visage émacié, à la peau sombre, et aux grands yeux noirs hallucinés. Devant eux, ils n'avaient que la feuille de bananier. Un serveur m'en a mis une devant moi, d'autorité, sans me demander mon avis, ni ce que je voulais consommer. Ensuite, un autre serveur est passé distribuer le riz, il a posé l'équivalent d'un bol sur la feuille, puis un suivant qui a mis une louche de sauce dessus, et de son deuxième seau il a sorti un morceau de poulet, l’œuf dur ; ainsi, chaque serveur, avec sa touche personnelle, a semblé contribuer à peindre un tableau sur chaque feuille de bananier, un tableau qui avait pris forme en moins d'une minute.
Manger avec les mains ne m'a jamais dérangé, bien au contraire, on prend plaisir au contact charnel avec la nourriture, alors j'ai commencé à malaxer mon riz pour former une boulette tout en me demandant ce que je faisais là, au milieu de ces Indiens. J'ai tout de suite eu cette bizarre sensation de ne pas être à ma place, pas dans le même film, tant j'ai été stupéfait par la rapidité de mes commensaux qui se sont jetés sur leur plat comme s'ils avaient eu peur qu'on le leur volât ! J'ai tourné la tête sur ma gauche pour les regarder manger - c'était la première table, pas de banc de l'autre côté, donc personne en face de nous.
Je les vois encore de profil, en enfilade, les mâchoires qui s'activent nerveusement, qui broient, les mains qui plongent dans la nourriture et qui portent à la bouche une grosse portion de nourriture, mouvement incessant des mains et des mâchoires, une mécanique vitale car ils ne sont pas là pour faire une sortie, discuter entre amis, se donner de bonnes adresses, ils sont là par nécessité ! Tout à coup, une image se superpose sur cette réalité : je suis dans une ferme, et je vois les têtes des vaches devant l'auge, en train de mastiquer. Elle disparait aussi vite qu'elle est venue, j'essaie de me concentrer sur mon poulet biryani, mon voisin, lui, a pratiquement fini et moi j'ai l'air d'un con avec mes petites boulettes de riz mais, je crois, ma façon de manger lentement, sans avoir le nez sur la feuille de bananier, est une réaction psychologique d'occidental qui mange toujours quand il le décide, tout ce qu'il veut, et parfois trop. Bon sang ! Le banc se dégarnit, ils n'ont pas mangé depuis quand ? Pas possible, me voilà seul, et j'ai à peine mangé la moitié de mon poulet biryani. Je me retourne, la salle est presque vide, les serveurs débarrassent vite, tout va trop vite pour moi, alors je plie la feuille de bananier pour signaler que j'ai fini, et à peine que je me lève... elle n'est plus là !
Le soir suivant, il me semble que j'ai mangé dans le restaurant tenu par une Française, marié avec un gars de Mamallapuram - on y mange très bien, décor plaisant. D'ailleurs, à chaque fois que l'Inde me donnait un coup de bambou au moral, je mangeais dans Ottadavai street, au milieu des touristes. Il me suffisait d'une soirée pour m'inciter à retourner dans les restaurants indiens où l'on vient seulement pour manger, et non pour raconter sa vie d'occidental !
Ce petit hôtel indien, situé aux abords du quartier des pêcheurs, a un restaurant qui attire du monde vers les midi. Alors j'ai fini par m'y rendre. Tiens, ce jour-là il y avait deux touristes - parce qu'à cette époque l'endroit était signalé dans un guide, il me semble. Lorsque je suis entré dans la salle, un homme ceint d'un tissu blanc autour de la taille, enfumait tout le restaurant avec son encensoir ; le patron, bien gras, a ouvert le tiroir de son bureau et a remis de l'argent à l'enfumeur, assez rapidement d'ailleurs, comme pour s'éviter une deuxième passage : il y avait suffisamment de fumée comme ça !
Les quelques tables étaient bien garnies, le service ultra rapide. Le plus stupéfiant, c'était le serveur qui passait son seau métallique rempli de sauce qu'il distribuait à la louche. Il ne me reste aucun souvenir de ce que j'avais mangé ce jour là, mais j'avais apprécié puisque j'y suis retourné un soir, et c'est ainsi que j'ai mangé un poulet biryani inoubliable.
D'emblée, la salle éclairée par un néon m'a paru lugubre, glauque ; à ma grande surprise, les quelques tables étaient toutes occupées, alors on m'a dit de passer dans l'autre salle, pas plus grande, mais il y avait trois longues tables avec un banc de même longueur de chaque côté, à chacune d'entre elles. J'avais constaté que tout le monde avait une feuille de bananier posée devant lui, avec dessus du riz, un morceau de poulet, un oeuf dur, de la sauce ; bon, me suis-je dis, il doit n'y voir qu'un seul plat le soir.
Je me suis installé au bout d'un banc déjà bien occupé par cinq, six hommes, car il n'y avait dans cette salle que des hommes - du moins dans le souvenir que je garde - au visage émacié, à la peau sombre, et aux grands yeux noirs hallucinés. Devant eux, ils n'avaient que la feuille de bananier. Un serveur m'en a mis une devant moi, d'autorité, sans me demander mon avis, ni ce que je voulais consommer. Ensuite, un autre serveur est passé distribuer le riz, il a posé l'équivalent d'un bol sur la feuille, puis un suivant qui a mis une louche de sauce dessus, et de son deuxième seau il a sorti un morceau de poulet, l’œuf dur ; ainsi, chaque serveur, avec sa touche personnelle, a semblé contribuer à peindre un tableau sur chaque feuille de bananier, un tableau qui avait pris forme en moins d'une minute.
Manger avec les mains ne m'a jamais dérangé, bien au contraire, on prend plaisir au contact charnel avec la nourriture, alors j'ai commencé à malaxer mon riz pour former une boulette tout en me demandant ce que je faisais là, au milieu de ces Indiens. J'ai tout de suite eu cette bizarre sensation de ne pas être à ma place, pas dans le même film, tant j'ai été stupéfait par la rapidité de mes commensaux qui se sont jetés sur leur plat comme s'ils avaient eu peur qu'on le leur volât ! J'ai tourné la tête sur ma gauche pour les regarder manger - c'était la première table, pas de banc de l'autre côté, donc personne en face de nous.
Je les vois encore de profil, en enfilade, les mâchoires qui s'activent nerveusement, qui broient, les mains qui plongent dans la nourriture et qui portent à la bouche une grosse portion de nourriture, mouvement incessant des mains et des mâchoires, une mécanique vitale car ils ne sont pas là pour faire une sortie, discuter entre amis, se donner de bonnes adresses, ils sont là par nécessité ! Tout à coup, une image se superpose sur cette réalité : je suis dans une ferme, et je vois les têtes des vaches devant l'auge, en train de mastiquer. Elle disparait aussi vite qu'elle est venue, j'essaie de me concentrer sur mon poulet biryani, mon voisin, lui, a pratiquement fini et moi j'ai l'air d'un con avec mes petites boulettes de riz mais, je crois, ma façon de manger lentement, sans avoir le nez sur la feuille de bananier, est une réaction psychologique d'occidental qui mange toujours quand il le décide, tout ce qu'il veut, et parfois trop. Bon sang ! Le banc se dégarnit, ils n'ont pas mangé depuis quand ? Pas possible, me voilà seul, et j'ai à peine mangé la moitié de mon poulet biryani. Je me retourne, la salle est presque vide, les serveurs débarrassent vite, tout va trop vite pour moi, alors je plie la feuille de bananier pour signaler que j'ai fini, et à peine que je me lève... elle n'est plus là !
Le soir suivant, il me semble que j'ai mangé dans le restaurant tenu par une Française, marié avec un gars de Mamallapuram - on y mange très bien, décor plaisant. D'ailleurs, à chaque fois que l'Inde me donnait un coup de bambou au moral, je mangeais dans Ottadavai street, au milieu des touristes. Il me suffisait d'une soirée pour m'inciter à retourner dans les restaurants indiens où l'on vient seulement pour manger, et non pour raconter sa vie d'occidental !
Invité- Invité
- Message n°36
Re: Matinales de Mamallapuram
geob a écrit:ainsi, chaque serveur, avec sa touche personnelle, a semblé contribuer à peindre un tableau sur chaque feuille de bananier, un tableau qui avait pris forme en moins d'une minute.
...
Il me suffisait d'une soirée pour m'inciter à retourner dans les restaurants indiens où l'on vient seulement pour manger...
Très différent des repas portugais, où tout le monde parle avec tout le monde, raconter un peu sa vie, écouter l'autre parler... faire de la conversation c'est plutôt pour nous signe de "politesse" .
Dolma- Localisation : Je m'balade sur les chemins...
- Message n°37
Re: Matinales de Mamallapuram
Très différent des repas portugais, où tout le monde parle avec tout le monde, raconter un peu sa vie, écouter l'autre parler... faire de la conversation c'est plutôt pour nous signe de "politesse" sourire.
Il me semble que lorsque les Indiens tels que ceux que côtoie Geob ont la "chance" de pouvoir manger, rien d'autre ne compte pour eux que se nourrir et la politesse, dans ces moments-là, les Indiens n'en ont que faire, les bavardages viendront (peut-être) après. Il me semble comprendre cela dans cette histoire.
Quant à manger avec les mains, je veux bien mais à condition que ce soit dans mon assiette et pas dans un plat commun ! Le trempage antillais est un exemple du plat commun : de délicieuses saveurs mélangées sur une feuille de bananier et une dizaine de gourmands autour qui picorent avec les doigts (je suis fan du trempage mais dans mon assiette).
Toujours aussi passionnantes tes aventures indiennes Geob, on en redemande
Dolma
Invité- Invité
- Message n°38
Re: Matinales de Mamallapuram
Dolma, je n'ai pas voulu critiquer les Indiens et jeter des fleurs aux Portugais.
J'ai juste voulu montrer la différence de cultures. Par exemple, se moucher devant un personne, lui montrer les semelles des chaussures (quand on est assis), ou montrer plus de respect à un jeune qui à une personne plus âgé, est une manque de respect pour les Japonais. Arriver 20 minutes en retard pour les nordiques, est plus grave qu'arriver 2h en retard pour les Italiens. Bon, je veux juste te dire que je n'avais pas écrit cette remarque avec malveillance, seulement avec maladresse car au moment où je l'ai écrite je n'ai pas tenu en compte que les Indiens tels que Geob côtoie, sont des personnes qui ne mangent peut-être pas toujours à leur faim.
J'ai juste voulu montrer la différence de cultures. Par exemple, se moucher devant un personne, lui montrer les semelles des chaussures (quand on est assis), ou montrer plus de respect à un jeune qui à une personne plus âgé, est une manque de respect pour les Japonais. Arriver 20 minutes en retard pour les nordiques, est plus grave qu'arriver 2h en retard pour les Italiens. Bon, je veux juste te dire que je n'avais pas écrit cette remarque avec malveillance, seulement avec maladresse car au moment où je l'ai écrite je n'ai pas tenu en compte que les Indiens tels que Geob côtoie, sont des personnes qui ne mangent peut-être pas toujours à leur faim.
Dolma- Localisation : Je m'balade sur les chemins...
- Message n°39
Re: Matinales de Mamallapuram
J'avais bien compris Flores ! J'expliquais juste ce que je crois comprendre dans le récit.
L'important dans tout ça est qu'on prenne plaisir à lire les p'tits bouts de la vie indienne du Sieur Geob n'est-ce pas ?
Dolma
L'important dans tout ça est qu'on prenne plaisir à lire les p'tits bouts de la vie indienne du Sieur Geob n'est-ce pas ?
Dolma
Wapiti- Admin
- Localisation : Annecy et Thonon (74) France
- Message n°40
Re: Matinales de Mamallapuram
Tout à fait ! Et quel plaisir !Dolma a écrit:L'important dans tout ça est qu'on prenne plaisir à lire les p'tits bouts de la vie indienne du Sieur Geob n'est-ce pas ?
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"Nous méritons toutes nos rencontres, elles sont accordées à notre destin et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer." F. Mauriac
geob
- Message n°41
Re: Matinales de Mamallapuram
LA VENDEUSE DE THÉ.
Sur le porte-bagages de son vélo, il avait installé un récipient d'au moins cinq litres, une sorte de thermos muni d'un petit robinet, et, accroché au guidon, se balançait un sac rempli de gobelets en plastique. Il avançait péniblement dans le sable de la plage de Mamallapuram, s'arrêtant parfois, à la demande, pour vendre son breuvage que je présumais être du "tchai", ou thé masala. C'était la première fois que je voyais cet homme, relativement jeune, et ce fut la dernière, du moins au bord de l'océan. Comme j'aime le goût de la cardamone, je lui fis un signe.
Le premier gobelet que je bus me confirma la nature du produit, et c'était vraiment bon. Il me tenta pour un deuxième, en me proposant un forfait pour les deux : 5 roupies ! J'acceptai parce que le contenu d'un seul ne me suffisait pas. Après m'avoir versé une deuxième tournée, il héla une femme à quelques mètres de nous, munie d'un récipient d'un litre -sans doute- et qui semblait vendre aussi du "tchai". Elle s'approcha. Alors, il me présenta sa femme ! A partir du lendemain, c'était elle qui viendrait vendre le thé, et il l'informa que j'en prendrais deux fois pour cinq roupies. C'est pas vrai, me suis-je dis, il est en train de faire le lancement de son business, mais c'est pas lui qui va travailler !
Le lendemain après-midi, je la vis sur la plage mais il y avait une grosse différence par rapport à son mari : elle n'avait pas le vélo ! Ah le maquereau ! Il se le gardait pour lui ! Elle marchait péniblement en portant son bidon de cinq litres, son corps, sous l'effort, se déhanchait très fortement, et le sable accentuait la pénibilité de sa marche au milieu des gens. Ce premier jour, je l'observais faire ses allers-retours, le poids de son labeur ne semblait pas diminuer de beaucoup car peu de gens achetaient son thé. Elle était déjà passée non loin de moi sans qu'elle ne m'aperçût. Au passage suivant, je lui fis de grands signes, et elle s'approcha en souriant : son calvaire allait diminuer de quelques grammes. Une fois que j'eus fini mon deuxième thé, elle froissa le gobelet et le mit dans un des deux sacs en plastique qu'elle tenait avec sa main gauche ( bon, elle avait quand même vendu un peu).
Je lui donnai mes cinq roupies, et elle repartit, avec son déhanchement impressionnant.
Un jour, je l'ai photographiée. Je ne l'ai pas fait assez rapidement, elle a prit une pose. En regardant la photographie, j'ai toujours l'impression que l'effort journalier a marqué son corps des pieds jusqu'à la tête, alors qu'en fait ce n'est que la distorsion de l'objectif de mon appareil, un 35mm. Elle sourit, avec un gobelet rempli de thé, elle semble contente de son sort. Pourtant, un après-midi je ne l'ai pas vue sur la plage, mais le soir venu, près de l'hôpital de Mamallapuram. Dans cette ruelle éclairée chichement, je l'ai vu surgir de la pénombre, la moitié de son visage caché par un voile. Un petit garçon la suivait en trottinant. C'est elle qui m'a arrêté, sans cela j'aurais croisé une indienne parmi tant d'autres : pour moi ce n'était qu'une silhouette qui sortait de l'hôpital. Je n'ai pas eu le temps d'être interloqué, j'ai senti tout de suite sa colère, sa violence contenue. D'emblée, elle m'a dit qu'elle avait été frappée par son mari, un mari qui passait ses journées à se saouler la gueule, et que c'était sûr qu'elle allait réagir. Bon sang ! Tout son être tremblait de rage ! Je n'ai su que dire, et d'ailleurs lui dire quoi ? Je n'étais qu'un étranger de passage ! Et puis je crois qu'elle ne m'avait pas arrêté pour me demander un conseil, elle avait eu juste le besoin de parler, de se défouler, d'évacuer sa rage.
Je n'ai pas dis un mot. Elle s'en est allée, avec son petit qui trottinait, accroché à son sari. Je l'ai regardée s'éloigner, cette Némésis Tamoule, fille de la nuit, en quête de sa terrible vengeance à laquelle j'applaudissais déjà ; dès que la pénombre me l'a ôtée de mon champ de vision, je suis resté sans bouger pendant une éternité, quelque peu abasourdi par cette rencontre inattendue.
Quelques jours plus tard, elle a réapparu sur la plage. Je lui ai acheté du thé, comme d'habitude, et aucun d'entre nous n'a évoqué cette nuit bien étrange pour moi. J'ai bien observé son visage pour y chercher un indice, quelque chose qui m'apprendrait ce qu'il était advenu de son mari, mais rien, à part son sourire éclatant.
Encore plus tard, alors que je me dirigeais vers la maison bleue, vers les 21heures, je fis une rencontre dont je me serais bien passé. Je croisai le mari de la vendeuse de thé, accompagné par un garçon d'une douzaine d'années et, bien entendu, il m'arrêta. Sans barguigner, il m'ennuya aussitôt avec une histoire dont la conclusion visait à me soutirer de l'argent. Il demanda même à son fils de confirmer ses propos, ce qu'il ne manqua pas de faire avec un sourire en coin - un sourire veule. Ainsi, ils ont deux garçons, me suis-je dit. Je savais très bien pourquoi il voulait de l'argent, déjà qu'il sentait l'alcool à plein nez. Franchement, pour une fois, j'eus envie de leur donner quelque chose : au gamin, une paire de gifles, et, au mari de la vendeuse de thé, juste mon poing dans la gueule.
Et puis un jour, la vendeuse de thé n'est plus venue sur la plage de Mamallapuram ; c'était vers la fin de mon séjour, je m'apprêtais à rentrer en France.
Maadadayo !
Sur le porte-bagages de son vélo, il avait installé un récipient d'au moins cinq litres, une sorte de thermos muni d'un petit robinet, et, accroché au guidon, se balançait un sac rempli de gobelets en plastique. Il avançait péniblement dans le sable de la plage de Mamallapuram, s'arrêtant parfois, à la demande, pour vendre son breuvage que je présumais être du "tchai", ou thé masala. C'était la première fois que je voyais cet homme, relativement jeune, et ce fut la dernière, du moins au bord de l'océan. Comme j'aime le goût de la cardamone, je lui fis un signe.
Le premier gobelet que je bus me confirma la nature du produit, et c'était vraiment bon. Il me tenta pour un deuxième, en me proposant un forfait pour les deux : 5 roupies ! J'acceptai parce que le contenu d'un seul ne me suffisait pas. Après m'avoir versé une deuxième tournée, il héla une femme à quelques mètres de nous, munie d'un récipient d'un litre -sans doute- et qui semblait vendre aussi du "tchai". Elle s'approcha. Alors, il me présenta sa femme ! A partir du lendemain, c'était elle qui viendrait vendre le thé, et il l'informa que j'en prendrais deux fois pour cinq roupies. C'est pas vrai, me suis-je dis, il est en train de faire le lancement de son business, mais c'est pas lui qui va travailler !
Le lendemain après-midi, je la vis sur la plage mais il y avait une grosse différence par rapport à son mari : elle n'avait pas le vélo ! Ah le maquereau ! Il se le gardait pour lui ! Elle marchait péniblement en portant son bidon de cinq litres, son corps, sous l'effort, se déhanchait très fortement, et le sable accentuait la pénibilité de sa marche au milieu des gens. Ce premier jour, je l'observais faire ses allers-retours, le poids de son labeur ne semblait pas diminuer de beaucoup car peu de gens achetaient son thé. Elle était déjà passée non loin de moi sans qu'elle ne m'aperçût. Au passage suivant, je lui fis de grands signes, et elle s'approcha en souriant : son calvaire allait diminuer de quelques grammes. Une fois que j'eus fini mon deuxième thé, elle froissa le gobelet et le mit dans un des deux sacs en plastique qu'elle tenait avec sa main gauche ( bon, elle avait quand même vendu un peu).
Je lui donnai mes cinq roupies, et elle repartit, avec son déhanchement impressionnant.
Un jour, je l'ai photographiée. Je ne l'ai pas fait assez rapidement, elle a prit une pose. En regardant la photographie, j'ai toujours l'impression que l'effort journalier a marqué son corps des pieds jusqu'à la tête, alors qu'en fait ce n'est que la distorsion de l'objectif de mon appareil, un 35mm. Elle sourit, avec un gobelet rempli de thé, elle semble contente de son sort. Pourtant, un après-midi je ne l'ai pas vue sur la plage, mais le soir venu, près de l'hôpital de Mamallapuram. Dans cette ruelle éclairée chichement, je l'ai vu surgir de la pénombre, la moitié de son visage caché par un voile. Un petit garçon la suivait en trottinant. C'est elle qui m'a arrêté, sans cela j'aurais croisé une indienne parmi tant d'autres : pour moi ce n'était qu'une silhouette qui sortait de l'hôpital. Je n'ai pas eu le temps d'être interloqué, j'ai senti tout de suite sa colère, sa violence contenue. D'emblée, elle m'a dit qu'elle avait été frappée par son mari, un mari qui passait ses journées à se saouler la gueule, et que c'était sûr qu'elle allait réagir. Bon sang ! Tout son être tremblait de rage ! Je n'ai su que dire, et d'ailleurs lui dire quoi ? Je n'étais qu'un étranger de passage ! Et puis je crois qu'elle ne m'avait pas arrêté pour me demander un conseil, elle avait eu juste le besoin de parler, de se défouler, d'évacuer sa rage.
Je n'ai pas dis un mot. Elle s'en est allée, avec son petit qui trottinait, accroché à son sari. Je l'ai regardée s'éloigner, cette Némésis Tamoule, fille de la nuit, en quête de sa terrible vengeance à laquelle j'applaudissais déjà ; dès que la pénombre me l'a ôtée de mon champ de vision, je suis resté sans bouger pendant une éternité, quelque peu abasourdi par cette rencontre inattendue.
Quelques jours plus tard, elle a réapparu sur la plage. Je lui ai acheté du thé, comme d'habitude, et aucun d'entre nous n'a évoqué cette nuit bien étrange pour moi. J'ai bien observé son visage pour y chercher un indice, quelque chose qui m'apprendrait ce qu'il était advenu de son mari, mais rien, à part son sourire éclatant.
Encore plus tard, alors que je me dirigeais vers la maison bleue, vers les 21heures, je fis une rencontre dont je me serais bien passé. Je croisai le mari de la vendeuse de thé, accompagné par un garçon d'une douzaine d'années et, bien entendu, il m'arrêta. Sans barguigner, il m'ennuya aussitôt avec une histoire dont la conclusion visait à me soutirer de l'argent. Il demanda même à son fils de confirmer ses propos, ce qu'il ne manqua pas de faire avec un sourire en coin - un sourire veule. Ainsi, ils ont deux garçons, me suis-je dit. Je savais très bien pourquoi il voulait de l'argent, déjà qu'il sentait l'alcool à plein nez. Franchement, pour une fois, j'eus envie de leur donner quelque chose : au gamin, une paire de gifles, et, au mari de la vendeuse de thé, juste mon poing dans la gueule.
Et puis un jour, la vendeuse de thé n'est plus venue sur la plage de Mamallapuram ; c'était vers la fin de mon séjour, je m'apprêtais à rentrer en France.
Maadadayo !
Dolma- Localisation : Je m'balade sur les chemins...
- Message n°42
Re: Matinales de Mamallapuram
Encore une histoire indienne horrible que toi seul sait raconter.
Une claque au gamin, why not mais "ton poing dans la gueule du mec" ? Il était costaud le mec ? Alors tu as bien fait d'avoir seulement "envie" !
Je me demande s'il ne faut pas être un peu maso pour rester aussi longtemps dans un pays où il se passe des trucs aussi affreux que ceux que tu nous racontes ...
Voilà la marchande :
Et elle sourit quand même la pauvre...
Dolma
Une claque au gamin, why not mais "ton poing dans la gueule du mec" ? Il était costaud le mec ? Alors tu as bien fait d'avoir seulement "envie" !
Je me demande s'il ne faut pas être un peu maso pour rester aussi longtemps dans un pays où il se passe des trucs aussi affreux que ceux que tu nous racontes ...
Voilà la marchande :
Et elle sourit quand même la pauvre...
Dolma
Invité- Invité
- Message n°43
Re: Matinales de Mamallapuram
C'est une histoire vraie ? Elle semble bien réelle...
Qu'est-ce que ça veut dire Maadadayo
Qu'est-ce que ça veut dire Maadadayo
geob
- Message n°44
Re: Matinales de Mamallapuram
Évidemment, parler de l'alcoolisme en Inde, ça ne fait pas très touristique alors qu'en général, dans les autres carnets sur l'Inde, on veut lire des choses qui fassent rêver, des bons plans, des rencontres entre touristes, et surtout beaucoup, beaucoup, beaucoup de raisonnements super géniaux et compassionnels.
Tout ce que je raconte dans "les matinales" est vrai. Et alors ? L'alcoolisme n'incite-t-il pas les maris français à frapper leurs femmes ? Tous les jours, en France, tellement de faits divers atroces sont à la une des journaux, et cela n'empêche pas les touristes de venir en France !
Je n'ai jamais senti de violence à mon égard, même de la part d'un indien bourré ! J'ai trouvé qu'en général les gens n'étaient vraiment pas emmerdants, et je dirais même plutôt d'une gentillesse tranquille, de bon aloi. Mais voilà, le fait d'avoir aussi longtemps séjourné à Mamallapuram, j'ai vu l'Inde qu'on ne voit pas quand on ne fait que visiter, ou du moins je l'ai vu sous un autre autre angle : celui de la vie quotidienne.
Pondy m'avait déjà demandé pour Madadayo, c'est peut être le film de Kurosawa que je préfère !
Madadayo
Données clés Réalisation Akira Kurosawa
Scénario Akira Kurosawa
Ishirō Honda
Hyakken Uchida
Acteurs principaux Tatsuo Matsumura
Kyōko Kagawa
Hisashi Igawa
George Tokoro
Pays d’origine Japon
Sortie 1993
Durée 134 minutes
Madadayo (まあだだよ, Maadadayo) est un film japonais réalisé par Akira Kurosawa, sorti en 1993.
Synopsis
Les élèves d'un vieux professeur organisent chaque année un repas en son honneur ; celui-ci donne lieu à un rituel immuable : mimant les enfants qui jouent à cache-cache, les élèves demandent « maadakai » (« êtes-vous prêt? ». Sous-entendu, « à nous quitter »), et le professeur répond « madadayo » (« pas encore ») ; cette cérémonie traverse les années, la guerre.
( merci Wikipedia pour m'avoir rafraichi la mémoire )
Maadadayo !
Tout ce que je raconte dans "les matinales" est vrai. Et alors ? L'alcoolisme n'incite-t-il pas les maris français à frapper leurs femmes ? Tous les jours, en France, tellement de faits divers atroces sont à la une des journaux, et cela n'empêche pas les touristes de venir en France !
Je n'ai jamais senti de violence à mon égard, même de la part d'un indien bourré ! J'ai trouvé qu'en général les gens n'étaient vraiment pas emmerdants, et je dirais même plutôt d'une gentillesse tranquille, de bon aloi. Mais voilà, le fait d'avoir aussi longtemps séjourné à Mamallapuram, j'ai vu l'Inde qu'on ne voit pas quand on ne fait que visiter, ou du moins je l'ai vu sous un autre autre angle : celui de la vie quotidienne.
Pondy m'avait déjà demandé pour Madadayo, c'est peut être le film de Kurosawa que je préfère !
Madadayo
Données clés Réalisation Akira Kurosawa
Scénario Akira Kurosawa
Ishirō Honda
Hyakken Uchida
Acteurs principaux Tatsuo Matsumura
Kyōko Kagawa
Hisashi Igawa
George Tokoro
Pays d’origine Japon
Sortie 1993
Durée 134 minutes
Madadayo (まあだだよ, Maadadayo) est un film japonais réalisé par Akira Kurosawa, sorti en 1993.
Synopsis
Les élèves d'un vieux professeur organisent chaque année un repas en son honneur ; celui-ci donne lieu à un rituel immuable : mimant les enfants qui jouent à cache-cache, les élèves demandent « maadakai » (« êtes-vous prêt? ». Sous-entendu, « à nous quitter »), et le professeur répond « madadayo » (« pas encore ») ; cette cérémonie traverse les années, la guerre.
( merci Wikipedia pour m'avoir rafraichi la mémoire )
Maadadayo !
Invité- Invité
- Message n°45
Re: Matinales de Mamallapuram
Geob, ton récit me semblait bien réel, mais j'esperait qu'il ne le fut pas. Pas pour l'image que j'avais de l'Inde (elle est toujours la même), seulement parce que l'histoire de cette femme me fait de la peine.
geob
- Message n°46
Re: Matinales de Mamallapuram
QUELQUES MOTS POUR VIMAYA.
Ma pauvre Vimaya... Ah je commence mal, pourquoi j'écris "pauvre" sur ce ton compassionnel, voir cette suffisance ? Toi la première, tu ne te plaignais jamais, encore moins en ce qui concerne les autres auxquels tu réservais ton rire tonitruant ! Ah ton rire, Vimaya, LE rire de Vimaya, celui qui remet les choses bien en place ! Une leçon de philosophie concrète, peut-être brutale, mais efficace comme un coup de fouet ! Tu me l'as servi, ton aiguillon sonore, lorsque tu as deviné que j'avais le chikungunya : cela m'a évité de m'apitoyer sur mon sort, et cela m'a permit de réagir très vite.
Dommage qu'il n'y ait pas eu avec moi un occidental, bonne conscience incarnée qui vient ici pour faire don de son temps aux pauvres et repartir, ensuite, raconter dans son pays combien ses vacances étaient "équitables", "authentiques", oui, dommage, j'aurais bien aimé en avoir un à mes côtés le jour, ô Vimamaya, où tu as évoqué devant moi le tsunami, pliée en deux au souvenir de tes compatriotes qui ne pensaient qu'à sauver leur poste de télévision !
Sacrée Vimaya ! Ce salaud de Mr Brooks imaginait ta vie future, mariée avec ce pêcheur de Pondichéry, il évoquait devant moi tous les enfants que tu aurais, ton travail du matin au soir, sans oublier ton mari soi disant alcoolique : il m'en parlait tristement mais son sourire en coin, juste esquissé, comme difficilement contenu, mettait en lumière son hypocrisie de paroissien en goguette.
Je ne veux même pas imaginer qu'elle est ta vie aujourd'hui, pourtant je me souviens du soir de tes fiançailles, dans ton sari rutilant qui t'a coûté plus de 2000 roupies, je me souviens de cette ombre qui est passée sur ton visage, et puis tu t'es ressaisie car, tu me l'avais dit, tu savais très bien que tu ne pouvais pas rester à la charge de ta grand-mère.
Ô Jeune femme Tamoule au caractère intraitable, réflexion faite, je suis sûr, moi, que tu es heureuse et que ton mari ne se frotte pas à ton rire dévastateur, ton rire qui résonne à mes oreilles dès que je commence à me plaindre, à m'apitoyer dans mon confort occidental.
Je t'ai appris le salut des banlieusards encagoulés, le poing fermé. Ça te plaisait beaucoup. Allez, on le refait une dernière fois, en se claquant la paume des mains pour terminer ?
Good Luck Vimaya !
Maadadayo !
Ma pauvre Vimaya... Ah je commence mal, pourquoi j'écris "pauvre" sur ce ton compassionnel, voir cette suffisance ? Toi la première, tu ne te plaignais jamais, encore moins en ce qui concerne les autres auxquels tu réservais ton rire tonitruant ! Ah ton rire, Vimaya, LE rire de Vimaya, celui qui remet les choses bien en place ! Une leçon de philosophie concrète, peut-être brutale, mais efficace comme un coup de fouet ! Tu me l'as servi, ton aiguillon sonore, lorsque tu as deviné que j'avais le chikungunya : cela m'a évité de m'apitoyer sur mon sort, et cela m'a permit de réagir très vite.
Dommage qu'il n'y ait pas eu avec moi un occidental, bonne conscience incarnée qui vient ici pour faire don de son temps aux pauvres et repartir, ensuite, raconter dans son pays combien ses vacances étaient "équitables", "authentiques", oui, dommage, j'aurais bien aimé en avoir un à mes côtés le jour, ô Vimamaya, où tu as évoqué devant moi le tsunami, pliée en deux au souvenir de tes compatriotes qui ne pensaient qu'à sauver leur poste de télévision !
Sacrée Vimaya ! Ce salaud de Mr Brooks imaginait ta vie future, mariée avec ce pêcheur de Pondichéry, il évoquait devant moi tous les enfants que tu aurais, ton travail du matin au soir, sans oublier ton mari soi disant alcoolique : il m'en parlait tristement mais son sourire en coin, juste esquissé, comme difficilement contenu, mettait en lumière son hypocrisie de paroissien en goguette.
Je ne veux même pas imaginer qu'elle est ta vie aujourd'hui, pourtant je me souviens du soir de tes fiançailles, dans ton sari rutilant qui t'a coûté plus de 2000 roupies, je me souviens de cette ombre qui est passée sur ton visage, et puis tu t'es ressaisie car, tu me l'avais dit, tu savais très bien que tu ne pouvais pas rester à la charge de ta grand-mère.
Ô Jeune femme Tamoule au caractère intraitable, réflexion faite, je suis sûr, moi, que tu es heureuse et que ton mari ne se frotte pas à ton rire dévastateur, ton rire qui résonne à mes oreilles dès que je commence à me plaindre, à m'apitoyer dans mon confort occidental.
Je t'ai appris le salut des banlieusards encagoulés, le poing fermé. Ça te plaisait beaucoup. Allez, on le refait une dernière fois, en se claquant la paume des mains pour terminer ?
Good Luck Vimaya !
Maadadayo !
Dolma- Localisation : Je m'balade sur les chemins...
- Message n°47
Re: Matinales de Mamallapuram
J'ai l'impression au fil de mes quelques lectures que les femmes indiennes sont beaucoup plus courageuses que les hommes. Elles ont plus de caractère, elles savent "mener leur barque" mais -paradoxe- en même temps elles se laissent marier avec des ivrognes, des cogneurs, des fainéants... Bien compliqués à comprendre les us et coutumes de ce pays !
Je trouve en tous cas que tes textes devraient être proposés à tous les voyageurs en partance pour ce pays ! D'ailleurs ma soeur y part dans 1 mois, je vais les lui faire lire, histoire de lui remettre la tête à l'endroit
Dolma
Je trouve en tous cas que tes textes devraient être proposés à tous les voyageurs en partance pour ce pays ! D'ailleurs ma soeur y part dans 1 mois, je vais les lui faire lire, histoire de lui remettre la tête à l'endroit
Dolma
geob
- Message n°48
Re: Matinales de Mamallapuram
Chez moi, je range mes papiers, mes photos, mes livres... façon bordélique ! Parfois je remue tout ça et tout coup surgit une photographie oubliée, elle émerge de ce fouillis comme une naufragée de la mémoire : Vimaya ! Le jour de ces fiançailles !
ps : elle ne s'est peut être pas mariée, j'avais été surpris d'apprendre qu'elle continuait de travailler dans la libraire, alors?
ps : elle ne s'est peut être pas mariée, j'avais été surpris d'apprendre qu'elle continuait de travailler dans la libraire, alors?
Skyrgamur- Localisation : Normandie
- Message n°49
Re: Matinales de Mamallapuram
Alors ? Dès que tu peux, tu retournes la voir.
_________________
Skyrgamur, le lutin Islandais
geob
- Message n°50
Re: Matinales de Mamallapuram
De mes rangements foutraques, surgissent quelques photos oubliées....
Sur la gauche, on voit un fauteuil. C'est dans ce bâtiment où j'allais me faire couper les cheveux à Mamallapuram...
L'après midi, les femmes restent entre elles, on ne voit pas un homme à l'horizon.
"La maison bleue" où j'ai vécu quatre mois. Il y avait quatre chambres, j'occupais la première sur la gauche, la plus grande, après l'escalier de pierre qui débouchait sur le toit. Lorsque j'étais le seul occupant, je fermais la grille d'entrée et celle de l'escalier pour éviter les visites inopportunes par le toit.
Sur la gauche, on voit un fauteuil. C'est dans ce bâtiment où j'allais me faire couper les cheveux à Mamallapuram...
L'après midi, les femmes restent entre elles, on ne voit pas un homme à l'horizon.
"La maison bleue" où j'ai vécu quatre mois. Il y avait quatre chambres, j'occupais la première sur la gauche, la plus grande, après l'escalier de pierre qui débouchait sur le toit. Lorsque j'étais le seul occupant, je fermais la grille d'entrée et celle de l'escalier pour éviter les visites inopportunes par le toit.