Pressentiment?
Un bon croquis vaut mieux qu'un long discours, aurait dit Napoléon. Je vais donc essayer de ne pas être trop long.
Tout d'abord, tracez une ligne droite horizontale, vous la délimitez sur la droite par une ligne verticale, ainsi cela ressemble à un T majuscule renversé. La ligne verticale représente la grande rue qui traverse le quartier du Kholoï à Chiang Raï. En arrivant du centre ville, par le haut de cette verticale, je dois tourner à droite pour la ruelle (la ligne droite horizontale)où se trouve mon hôtel. Mais il y a un problème de visibilité. En effet, un grand garage atelier de réparation empêche de voir un véhicule qui pourrait déboucher de cette ruelle. Il serait donc hasardeux de tourner à droite à l'aveugle pour prendre la ruelle. Ainsi, avant de tourner, je m'avance pour la voir en enfilade, vérifier qu'il n'y a pas de véhicule prêt à s'engager sur la grande rue.
La ruelle où se trouve mon hôtel fait moins de deux mètres de largeur. Deux voitures ne peuvent se croiser en même temps, il faut que l'une d'entre elle s'arrête le plus proche possible d'un côté. En général, en ville les thaïlandais roulent doucement (pas sur les routes en tout cas), alors quand je me dirige vers la grande rue à moto je ne m'inquiète pas trop et je roule au milieu de la ruelle ; une fois arrivé au bout (le garage se trouvant sur ma gauche dans ce sens, occultant toujours toute visibilité par rapport à la grande rue) voici pourquoi, avant de m'engager sur la grande rue pour quitter le quartier, je regarde à droite et à gauche mais après avoir dépassé un petit peu l'enceinte du garage pour élargir mon champ de vision sur la grande rue.
Ce jour là, en quittant mon hôtel à moto, en m'approchant du garage, donc sur ma gauche, il se passa quelque chose qui me laissa pantois. En effet, je quittai le milieu de la ruelle et je me mis à rouler bien sur ma gauche, en frôlant le mur du garage. Qu'on me comprenne bien : je n'entendis aucune voix intérieur m'incitant à faire cela, je ne ressentais aucune angoisse, j'avais l'esprit clair, à vrai dire je ne pensais à rien, pourtant, déjà que je ne roulais pas vite, je ralentis considérablement au point de rouler au pas à quelques mètres de la grande rue dont je n'avais aucune visibilité à gauche et à droite. Et lorsque je fus à moins de trois mètres de la grande rue, toujours sans visibilité sur la gauche et la droite de la grande rue, toujours près du mur du garage, soudain, une grosse voiture surgit de la gauche brusquement et emprunta la ruelle en coupant le tournant du garage très vite, à l'aveugle, sans s'être assuré si un véhicule était à l'approche de la grande rue. Cette voiture passa près de moi, dans un souffle d'air qui me tétanisa. Je serrai le frein avant instantanément, instinctivement, et je posai les pieds sur le sol.
Je ne sais combien de temps je suis resté sans bouger, abasourdi, sonné. De l'autre côté de la grande rue, en face de moi, deux thaïlandais m'observaient en souriant : ils avaient sans doute été témoins de la scène. Le "farang" avait eu de la chance ! De la chance? Non, j'avais eu un pressentiment, une intuition, ou je ne sais quoi, un message inconscient sans pour autant réaliser sur le coup que s'en était un.
Depuis, lorsque je choisis un chemin alors je pensais prendre un autre, je me dis qu'au bout de ce chemin il y aura une explication, comme je l'ai eu après avoir roulé le long du mur de ce garage sans savoir pourquoi.