J'habite une maison en bois, carrée, avec un vrai toit bien isolé.
L'hiver s'achève et tous les habitants qui se tenaient au chaud se
goinfrant de sucreries, ne sortant que pour leurs besoins naturels, vont reprendre leurs activités.
Nous sommes organisés et solidaires, ne réclamant rien à notre
gouvernement. Gouvernement, c'est d'ailleurs un grand mot puisque nous
ne connaissons que la monarchie.
Nous sommes en grand nombre et nos appartements sont des
alvéoles bien douillettes. Nous sommes quarante mille et autant bien s'entendre.
C'est là que je suis restée couchée, comme une larve, au chaud en attendant de grandir
pour rejoindre les autres, les ouvrières, celles du dehors, les chevronnées
qui partent à la recherche de la pitance.
Je ne suis pas fainéante et, à vrai dire, aucune tâche ne me rebute
vraiment. Gardienne et ménagère, je brasse aussi du vent pour que nous respirions aisément.
je bosse jusqu'à la tombée de la nuit quand les autres rentrent d'un boulot bien plus plus réjouissant,
même s'il faut voir la charge qu'elles se trimballent
Enfin, un jour, j'ai eu l'honneur de sortir, pas plus de trois
kilomètres de la maison et c'est déjà pas mal. Mes amies ont dansé
pour que je m'oriente par rapport au soleil. J'ai fait de même pour les
copines. Une danse gracieuse dont je ne comprends plus les codes aujourd'hui.
Mince, que m'arrive t-il, où est le soleil, où est la maison ?
Sur mon dos qui me démange, une bestiole s'est accrochée comme un
poisson d'avril qui me sucerait la moelle.
Nous sommes en mai, les jeunes de ma bâtisse n'ont cessé de déblayer des
petits tas noirs de tous ces morts qui obstruent les ouvertures.
Il n'y a plus foule chez nous en ce moment. Au plus beau de la saison
avec tous ces champs de colza en fleurs c'est misère de ne pouvoir être
plus nombreuses au pique-nique de l'année.
Et moi, là, je tourne et retourne comme si j'étais ivre, j'ai perdu ma
maison, c'est sûr.
Je crois que je commence à m'affoler et je me sens vachement fatiguée.
La nuit a largement étendu sa couverture et moi, le noir, ça me fait
peur. Nous ne sortons jamais la nuit.
J'ai bu une lampée à la première flaque d'eau.
A la maison, nous chantons beaucoup, ça fait comme un énorme
zonzonnement d'enfants qui auraient tous un appareil dentaire.
On chante "ami si tu tombes, un ami sort de l'ombre à ta place".
Quelque chose me dit que c'est ce qui va se passer et pas que pour moi
parce qu'on est beaucoup à perdre le nord et ne plus trouver la direction
du soleil. Notre résistance est inutile.
Et tant pis pour ceux qui habitent sur la même terre que nous, les
humains en casaque blanche qui nous apportent à becqueter l'hiver semblent désolés et tous
les autres, par milliards, qui profitent de notre savoir-faire pour se
nourrir, s'en fichent
Je suis vannée. Le pied moussu de l'érable fera l'affaire, je tombe...
L'hiver s'achève et tous les habitants qui se tenaient au chaud se
goinfrant de sucreries, ne sortant que pour leurs besoins naturels, vont reprendre leurs activités.
Nous sommes organisés et solidaires, ne réclamant rien à notre
gouvernement. Gouvernement, c'est d'ailleurs un grand mot puisque nous
ne connaissons que la monarchie.
Nous sommes en grand nombre et nos appartements sont des
alvéoles bien douillettes. Nous sommes quarante mille et autant bien s'entendre.
C'est là que je suis restée couchée, comme une larve, au chaud en attendant de grandir
pour rejoindre les autres, les ouvrières, celles du dehors, les chevronnées
qui partent à la recherche de la pitance.
Je ne suis pas fainéante et, à vrai dire, aucune tâche ne me rebute
vraiment. Gardienne et ménagère, je brasse aussi du vent pour que nous respirions aisément.
je bosse jusqu'à la tombée de la nuit quand les autres rentrent d'un boulot bien plus plus réjouissant,
même s'il faut voir la charge qu'elles se trimballent
Enfin, un jour, j'ai eu l'honneur de sortir, pas plus de trois
kilomètres de la maison et c'est déjà pas mal. Mes amies ont dansé
pour que je m'oriente par rapport au soleil. J'ai fait de même pour les
copines. Une danse gracieuse dont je ne comprends plus les codes aujourd'hui.
Mince, que m'arrive t-il, où est le soleil, où est la maison ?
Sur mon dos qui me démange, une bestiole s'est accrochée comme un
poisson d'avril qui me sucerait la moelle.
Nous sommes en mai, les jeunes de ma bâtisse n'ont cessé de déblayer des
petits tas noirs de tous ces morts qui obstruent les ouvertures.
Il n'y a plus foule chez nous en ce moment. Au plus beau de la saison
avec tous ces champs de colza en fleurs c'est misère de ne pouvoir être
plus nombreuses au pique-nique de l'année.
Et moi, là, je tourne et retourne comme si j'étais ivre, j'ai perdu ma
maison, c'est sûr.
Je crois que je commence à m'affoler et je me sens vachement fatiguée.
La nuit a largement étendu sa couverture et moi, le noir, ça me fait
peur. Nous ne sortons jamais la nuit.
J'ai bu une lampée à la première flaque d'eau.
A la maison, nous chantons beaucoup, ça fait comme un énorme
zonzonnement d'enfants qui auraient tous un appareil dentaire.
On chante "ami si tu tombes, un ami sort de l'ombre à ta place".
Quelque chose me dit que c'est ce qui va se passer et pas que pour moi
parce qu'on est beaucoup à perdre le nord et ne plus trouver la direction
du soleil. Notre résistance est inutile.
Et tant pis pour ceux qui habitent sur la même terre que nous, les
humains en casaque blanche qui nous apportent à becqueter l'hiver semblent désolés et tous
les autres, par milliards, qui profitent de notre savoir-faire pour se
nourrir, s'en fichent
Je suis vannée. Le pied moussu de l'érable fera l'affaire, je tombe...