Où est passé la 7e compagnie ?
Rares sont les êtres dont on pourrait dire qu'ils respirent la gentillesse, la bonté. Non content d'être talentueux, Pierre Mondy avait ces qualités, semble-t-il, mais, même sans le connaître personnellement, seulement sur un écran ou au théâtre, on sentait bien que ce type là ne devait pas être un salaud.
Ce dimanche soir, 16 septembre, TF1 rediffuse "Où est passé la 7e compagnie", le film dans lequel Pierre Mondy y tient un rôle important. Bon, il ne faut pas voir ce film comme un chef d’œuvre, mais il ne faut pas non plus le prendre pour juste une galéjade, du comique troupier, car il montre, sans avoir l'air, une réalité qui s'est réellement déroulée, à savoir une débandade généralisée due à l'impéritie, à l'incompétence, et à la lâcheté des élites de toutes les catégories sociales. Pour s'en convaincre, il suffit de lire "Une étrange défaite", écrit pendant ces journées dramatiques par le grand historien Marc Bloch, fusillé par les Allemands ( édition Folio ). Simone de Beauvoir écrivait dans son journal son soulagement à l'annonce de l'armistice - pour elle et Sartre, l'occupation ne fut pas une période trop difficile à vivre. Henri Guillemin, à l'annonce de l'armistice, se trouvait dans Bordeaux, et, dès qu'il apprend la nouvelle, il se précipite dans la rue pour trouver de la colère, de la révolte, mais il ne verra que du soulagement, un soulagement collectif. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu'il y a eu des milliers de soldats qui ont trouvé la mort sur le champ de bataille - sans compter les civils, bien sûr -, la bataille de France n'a pas été une bataille avec des fleurs - des militaires ont montré un savoir faire, un courage formidables, tel ce général de brigade : Charles de Gaulle.
Je crois l'avoir déjà raconté quelque part, j'ai lu "Le bouquet" de Henri Calet (Folio), un écrivain trop méconnu à mon goût, où il raconte comment il a vécu, en tant que militaire, cet été 1940. Horrible ! Par moments on a l'impression qu'il est en train d'écrire le scénario de "Où est passé la 7e compagnie ?" Je me souviendrai toujours de ce passage où il raconte que, avec quelques camarades, fatigués de se replier, de fuir plutôt, ils décident alors de se rendre. Planqués dans un bois, ils voient sur la route un side-car conduit par un soldat allemand. Ils se précipitent pour lui barrer le chemin en levant bien haut leurs armes au dessus de leurs têtes. L’Allemand s'arrête, fort ennuyé. On veut se rendre, disent les Français. Pas le temps, dit le soldat, c'est pas moi qui m'en occupe ! Pour se rendre, c'est dix kilomètres plus loin, leur dit-il, en pointant son doigt derrière lui. Et il s'en va ! Henri Calet, avec ses camarades d'infortune, ira se rendre - l'occasion de décrire des choses toujours ahurissantes.
Une étrange défaite, par Marc Bloch (folio)
Le bouquet, par Henri Calet (folio)
Maadadayo !