Mais après tout, une balade d'un jour pas loin dans le voisinage peut très bien correspondre à un voyage, non ?
Allez, laissons-le ainsi ce titre, mais laissez-moi vous y conter une balade automnale...
Hier.
Petit matin grisouilleux sur les rives lémaniques.
On sent que le bleu n’est pas loin, au dessus de cette brume qui s’épaissit, qui s’épaissira encore aux premiers rayons de soleil, qui tarderont encore un peu en cette plaine…
…Mais moi, je l’ai déjà dans le cœur le soleil : je sais que je vais échapper à la grisaille d’une journée laborieuse en plaine ! Aujourd’hui, c’est randonnée automnale !
Le sac est bouclé, la voiture est chargée, un rapide arrêt à la boulangerie… je ne pars ni vers l’ouest familier, ni vers l’est connu, mais vers l’inconnu, droit dans la montagne : direction le Chablais, pour rejoindre, au-delà de ces monts qui me sont si méconnus, quelques randonneuses qui m’attendent, godillots aux pieds.
Mais avant la rando, avant les filles, avant là-bas, il y a… la route !
Et que je me bénis que d’avoir choisi de fuir la grise route de plaine envahie de frontaliers aux échappements bruyants et pollueurs, pour opter pour les lacets tranquilles des verrous et vallées d'en haut !
dans l'ombre matinale, s'élancer sur la route déserte qui emprunte la vallée étroite de la Dranse, torrent alpin de son état.
Ça et là, croiser quelques fumerolles de cette brume qui s'installe en bas, voiles effilochés qui jouent de reflets dans la luminosité de cet avant-soleil. Trop légers et mobiles pour me perturber dans ma conduite, simples caresses de mon bolide tranquille.
S'engager dans le verrou, quelques virages serrés très encaissés qui suivent scrupuleusement la trajectoire sinueuse du torrent entre les hautes parois flamboyantes de l'incendie automnal avivé par les rayons obliques du soleil matinal. Cascades de gouttes écarlates ou de jaunes étincelants aux reflets d'or qui scintillent dans l'éclat lumineux. Je ralentis plus que nécessaire pour pleinement profiter de ces éphémères visions que la route m'offre.
Plus haut, plus loin, un peu moins enserrée, protégée de l'astre par le versant abrupt, mon regard s'égaille du versant opposé illuminé. Nouvelles explosions de chaudes couleurs ; feuillus enflammés, incendie généralisé sur parois calcaires. Groupes épars ou trainées de mélèzes jaunes pour les touches les plus lumineuses, ponctuations régulières de vert-noir de résineux pour donner encore plus de relief à l'ensemble.
Nouveau resserrement, autre orientation sans soleil taquin ou révélateur, surprise d'une longue paroi verticale couverte d'une mousse bien verte, d'un vert lumineux de rosée.
Un replat, une trouée dans la toison multicolore.
Seul au milieu de son pré vert, un majestueux marronnier, je suppose, trône dans sa parure rousse. Seul, majestueux, il trône.
Le décor s'évase, les contours s'adoucissent sur la vallée d'en haut. On retrouve les verts des prés étincelants de rosée, encadrés du noir des sapins et épicéas dominants. La magie diffère et tient plus en cette vieille ferme, longue bâtisse de bois au bric à brac de ferrailles rouillées, ou en ce clocher gris à bulbe qui veille au sommet du mamelon herbeux autour duquel se blottissent quelques maisonnées.
Continuons encore. Traversée de quelques stations qui manquent de charme sans leur parure hivernale, et c'est la descente qui s'engage dans la vallée opposée non encore atteinte de soleil. Les cheminées fument, les champs sont encore blancs givrés de nuit, les roux dominent et attendent quelques rayons pour s'éveiller. Un troupeau fumant sort tranquillement de son écurie vers sa pâture ; le laitier est passé.
Je vais bientôt rejoindre la vallée d'en bas, j'ai rejoint le soleil et la brume bleutée évanescente, atmosphère éthérée. Si ce n'est les virages qui me rappellent à l'ordre, j'ai l'impression de flotter, douce sensation irréelle.
La vallée d'en bas, c'est plus large, c'est plus plat, c'est moins flamboyant, c'est plus fréquenté, c'est moins magique... mais au bout m'attendent les filles, au bout m'attendent les montagnes dans leur parure automnale.
Une dernière station laborieusement contournée et voici le hameau objectif. Une rue sinueuse et étroite entre fermes savoyardes ancestrales, maisons de parisiens, chalets de bois, la petite chapelle... agréable surprise.