Vingt quatre heures de la vie d'une femme, de Stefan Zweig.
Incontestablement, cette nouvelle -plutôt que roman- de Zweig est une histoire très féministe, qui ose montrer que la femme n'est pas juste une mère, une épouse qui contraint sa vie dans un carcan de convenances. Ainsi, au début de l'histoire, on apprend qu'une femme bourgeoise abandonne son mari et ses enfants pour suivre un inconnu qui venait d'arriver dans l'hôtel chic où séjournent les protagonistes. Cela provoque un grand scandale, cela choque ce monde où l'immuabilité, l'acceptation du rôle social que la société attribue doivent être considérées comme une qualité, un devoir intrinsèque à toute personne de bonne éducation. Mais le narrateur, lui, ne voit pas les choses comme ça, il secoue un peu ces gens "cryogénisés" dans leurs certitudes moralisatrices et bourgeoises :
... Pour ma part, je trouvais plus honnête qu'une femme suivit librement et passionnément son instinct, au lieu, comme c'est généralement le cas, de tromper son mari en fermant les yeux quand elle est dans ses bras...
Au restaurant, parmi ses commensaux outrés par ses propos qu'ils jugent inconvenant, il y a une vieille dame anglaise qui lui prête une oreille attentive. Elle va l'inviter dans sa chambre à écouter son histoire, vingt quatre heures de sa vie qui l'ont complètement changée, bouleversée. L'histoire d'une femme qui découvre que le désir et la passion se jouent des quand-dira-ton, bousculent et se fichent de toutes les convenances.
J'ai bien aimé le passage où la dame anglaise décrit les mains des joueurs dans un casino. Elles deviennent comme des êtres vivants à part entière, qui expriment un large panel d'émotions. Si un jour je rejoue au poker, je ne manquerai d'observer les mains de mes adversaires ! J'ai bien aimé aussi la scène où la dame anglaise peine à raconter ce qu'elle attendait du jeune homme qu'elle a cru sauver, mais elle va le lui dire ( au narrateur) et moi je ne le dirai pas. Ce qui m'amène à conseiller cette histoire aux messieurs, peut être apprendront-ils quelque chose sur la nature du désir féminin?
Assurément, Stefan Zweig est grand romancier, remarquable, néanmoins il vaut peut être mieux lire ses essais, ses biographies, ses écrits littéraires comme, par exemple "Trois Maîtres (Balzac, Dickens Dostoïevski)" (je serai bien content de le trouver). J'aime avant tout les écrivains, la littérature, et c'est pourquoi j'ai été plus passionné par la postface de cette édition du Livre De Poche (1991) : Stefan Zweig et le monde d'hier, par Isabelle Hausser.