30.03.2011
Zadar
Je me suis surprise moi-même à être debout quand le réveil sonna ce matin, à 4h45. Je sentais pourtant bien les quatre heures de sommeil sur mes paupières lourdes, mais l’humeur était étonnamment au beau fixe, vive, et même sociable. La grossesse n’est pourtant pas réputée pour améliorer caractères et humeurs grincheuses matinales, en tout cas, pas dans mon cas jusqu’à présent.
En faisant mon sac hier soir, je me disais que la majorité des gens qui partiraient pour quatre jours au soleil emmèneraient un trolley, ou une valise. Et moi, optant pour deux sacs à dos : la crème des crèmes niveau confort, en 35 litres, sur laquelle j’ai accroché mes bâtons de randonnée, et un autre sac de rando petit volume, 25 litres celui-là. Oui, là ou la majorité des gens verrait ce séjour aller-retour Dublin-Zadar comme un long weekend, je l’abordais quant à moi comme un mini voyage, ma dernière vadrouille solo, mon dernier tête-à-tête avec moi-même. Alors j’ai fait mes sacs de la sorte, sacs tout justes à moitié remplis évidemment, et considérant mes six mois et demi d’en-bullotage, d’où les bâtons de rando là où en temps normal, je n’en aurais pas besoin.
Chaussures de rando aux pieds, je pars prendre le bus, dans une nuit dublinoise étonnemment douce. Pas eu besoin de montrer la lettre du médecin à l’enregistrement, ni à l’embarquement, mes sacs cachant peut-être mon “état”, ou le personnel simplement trop occupé pour se soucier si les passagers sont aptes à voyager ou non.
Il fait bon quand je pose le pied sur l’aéroport de Zadar, un peu avant 11 heures locales. Quand je récupère mon sac, les bâtons toujours fermement fixés, je capte bien les regards intrigués des autres passagers. Je me dis que ce n’est que le début, aujourd’hui c’est pour la femme enceinte et seule avec un équipement de voyage pour globe-trotteur, chose plutôt inhabituelle, et d’ici quelques temps, quelques années, ce sera pour la femme seule, son enfant unique, et leurs sacs à dos, les mêmes regards curieux se posant d’autres questions... C’est ce que je me dis avant de quitter la salle des bagages pour aller échanger mes Euros en Kunas.
Le point information de l’aéroport ne dispense que de modestes renseignements (pas même de plan de la ville), suffisants néanmoins pour monter dans le bus urbain en direction du centre. La dame “informative” avait l’air préoccupée quand je lui ai dit en anglais que non, je n’avais pas réservé de logement. Toujours la même réaction quand les gens voient une nana débarquer seule, sans carte ni guide touristique, et ce partout dans le monde, et pas besoin d’avoir la bulle pour provoquer ceci !... Après avoir salué le chauffeur en Croate, je lui demande s’il parle Anglais.
- No, Deutsch. Me fait-il.
M ! Allemand ! Allemand ! Sors de mes neurones endormis !... Maintenant !
- Euh... Center ?
- Zentrum ? Da...
Il a le ticket posé devant moi, m’y montre les 25 Kunas imprimés en bleu. Pour un chauffeur de bus de ligne d’aéroport, je le trouve bien sympathique, il se marre, me parle en gestuelle. Par expérience, les chauffeurs de bus qui passent par les aéroports ne sont jamais sympas, plutôt le contraire. Je comprends, ils sont payés pour conduire des bus, pas pour être polyglottes ou même parler anglais et faire office de tourisme. Mais lui, il est fun avec ses yeux gris délavés. En s’arrêtant au terminal de bus sur le trajet, il se retourne et, en me regardant avec un grand sourire, pointant du doigt à travers le pare-brise, me lance :
- Zentrum !
- Si !... que je lui réponds niaisement. P ! Pourquoi c’est toujours l’Espagnol qui sort quand je cherche une langue étrangère ?... Qu’est ce qu’on est cruche quand on ne sait pas s’exprimer ! Ce que je me répétais quelques instants plus tard, quand après avoir erré le nez en l’air dans les rues du vieux centre, je suivais une aimable dame à qui j’avais demandé la direction de l’office de tourisme :
- Zdraevo... hum... Gde je Tourist office ?
- Blablabla, en croate.
- Do you speak English ?
- Hum... No... No English ; Deutsch ?
Décidément, si j’avais su, j’aurais révisé avant de venir mon allemand trop longtemps oublié ! (*) En allemand, elle barragouine de la suivre, me dit que Zadar a beaucoup d’églises (bizarrement, alors que j’écris ces mots, je suis incapable de répéter l’allemand que j’ai entendu, pourtant je le comprenais sans mal, à ma grande surprise). Je balbutie un maladroit “sehr schön !”... Tiens ? D’où ça sort, ça ? Ça fait dix ans que j’ai oublié mon allemand, et d’un seul coup j’ai des mots qui reviennent sans que je n’ai besoin de les chercher ! Serait-ce un autre effet bizarroïde de la grossesse ?... Cette gentille dame ne sachant elle non plus où se trouvait l’office de tourisme (particularité logique des locaux du monde entier). Je le sais, elle a demandé son chemin à deux reprises, et hésitait à chaque intersection. Et moi, comme une cruche, qui voulait lui dire que ce n’était pas la peine, que j’allais me débrouiller, et qui la suivais pourtant bêtement avec des sourires niais, sans savoir comment m’exprimer. Je ne comprends vraiment pas les gens qui voyagent dans des pays sans parler la langue locale !
(*) La rencontre du lendemain m’apprit que l’allemand est encore à ce jour enseigné en première langue étrangère dans les écoles croates.
(...)
Lilie